François Duprat
(1940-1978) fut cofondateur du Parti nationaliste français en 1959 (dissous une
semaine après sa déclaration en préfecture), du groupuscule néofasciste
Occident en 1964, la tête pensante du mouvement Ordre nouveau (continuation d’Occident)
à partir de 1969, cofondateur du Front national en 1972 puis idéologue et
stratège du parti de 1974 à sa mort (attentat à la voiture piégée). Dès son
adolescence, l’antisémitisme fut son substrat idéologique. Bien avant Robert
Faurisson (qui lui a largement emprunté ses idées), il a répandu le
négationnisme, le vrai, c’est-à-dire la contestation de l’existence de la Shoah
en général et des chambres à gaz en particulier.
Abel Mestre et
Caroline Monnot, « La
“folle jeunesse” de Madelin et Devedjian revient sur le devant de la scène »,
Lemonde.fr, 26 février 2010 :
« Dans son
livre paru en 2005 au Seuil, Génération
Occident, Frédéric Charpier raconte : “Une vingtaine d'individus, blousons
et manteaux de cuir noir a transpercé le brouillard. Ils brandissent des barres
de fer, l'un d'eux, un trident. Ils hurlent “Occident vaincra, Occident
passera, De Gaulle au poteau!”, se ruent avec une hargne incroyable sur les
porteurs de pancarte du Comité Viet-Nâm et s'emparent du drapeau Viet-Cong.
[...] Certains militants agressés ne se relèvent pas. Ils gisent à terre au
milieu des débris de verre, des boulons des barres de fer et des chaises
tordues, dans des flaques de sang. Un
militant de la JCR, Serge Bolloch [qui deviendra journaliste au Monde] est dans le coma. Un coup de clé
anglaise lui a enfoncé la boîte crânienne. On retrouvera dans sa chair un éclat
de métal, c'est dire avec quelle violence le coup a été asséné.”
L'enquête de la
police à la suite de ce raid crée un climat de suspicion généralisée dans le
groupe. Chacun soupçonne l'autre d'avoir parlé. François Duprat est d'ailleurs frappé et pourchassé. Des interrogations
se font jour sur Patrick Devedjian. Un piège lui est tendu. “Il est
convoqué rue Soufflot prétendument pour une réunion. A peine a-t-il franchi le
pas de la porte qu'il est frappé, déshabillé, jeté dans une baignoire. Quatre
de ses camarades l'accusent d'avoir balancé aux flics et l'immerge sous l'eau.
Ils veulent lui faire signer des aveux”, raconte encore Frédéric Charpier. M. Devedjian
parviendra à s'échapper en sautant par la fenêtre. Et sera ramassé par les
policiers. »
François Duprat, « Le mystère des chambres à gaz », Défense de l’Occident, n°
63, juin 1967, p. 30 :
« Suite à
une attaque lancée par Le Monde contre le NDP, le 10 mai, ce journal [Le Monde]
vient d'annoncer dans un discret entrefilet que l'assertion des militants NPD,
selon laquelle: “Aucun camp de concentration comportant une chambre à gaz
n'a existé sur le territoire du Reich” est exacte.
Citant la
déclaration de l'Institut d'Histoire Contemporaine de Munich en date du 19 août
1960: “Il n'y a eu de chambre à gaz en aucun camp de concentration sur le
territoire de l'ancien Reich”, Le Monde admet ainsi la remise en cause
fondamentale d'une des légendes le plus tenaces de la IIe guerre mondiale.
On ne peut certes
qu'admirer l'objectivité du Monde, reconnaissant avec pas mal de retard tout de
même, un fait si important.
Mais l'on peut
s'étonner à bon droit de voir Le Monde s'arrêter en si bon chemin; les
journalistes de ce journal si sérieux n'ont pas d'archives très au point sur la
question. Nous allons nous efforcer de leur apporter une telle documentation,
qu'ils sauront, nous n'en doutons pas, exploiter avec la même objectivité.
Le SS
Oberstummbannführer Sühren a été condamné à mort et pendu pour avoir fait
construire et utiliser, à partir de mars 1945 (!) une chambre à gaz dans le
konzentration läger de Ravensbruck, situé sur le territoire du Reich
Grand-Allemand. Sühren a fait les aveux les plus complets et les Cahiers
d'Histoire de la 2e guerre mondiale (Le système concentrationnaire allemand, No
15-16, juillet-septembre 1954) ont étudié en détail l'histoire de cette fameuse
chambre à gaz, avec force témoignages à l'appui. Nous pouvons donc considérer
que la déposition de Sühren à son procès est un faux pur et simple,
probablement extorqué par des moyens douteux.
Les témoignages
du Comité d'Histoire de la 2e guerre mondiale sont donc, eux aussi, nuls et non
avenus.
Mais tout ceci
est fort grave, car si Sühren a été contraint de mentir, d'autres SS n'ont-ils
pas été, eux aussi, obligés à altérer la vérité? Si les témoins de Ravensbruck sont des faux témoins, l'historien ne
doit-il pas jeter un regard plein de soupçons sur les témoins d'Auschwitz et de
Dachau ? »
ð François Duprat manipulait ici une lettre
de l’historien Martin Broszat dans un hebdomadaire allemand (Martin Broszat,
« Keine Vergasung in Dachau », Die Zeit,
19 août 1960, p. 16). En réalité, le professeur Broszat affirmait qu’il n’y
avait pas eu de chambres à gaz dans certains camps de concentration situés dans
les frontières allemandes de 1937 ; mais il n’affirmait en aucune manière
qu’aucun camp de concentration de cette sorte n’avait de chambre à gaz.
François Duprat, « L’agression israélienne »,
Défense de l’Occident, n° 64, juillet-août
1967, pp. 22-25 :
« Les
Israéliens sont-ils débarrassés des tares physiques de leur race ? […] En fait, là aussi, il n’y a guère de changements sur le ghetto, sauf un teint moins livide. […] Israël,
un pays débarrassé de la lèpre de l’internationalisme, de cet internationalisme
juif, plaie de tous les peuples de ce monde ? Rien de moins vrai : si
les Israéliens n’apprécient que modérément leurs frères de l’intérieur, ils
savent pouvoir compter en toute circonstance sur la juiverie internationale,
toujours prête à entrer en action lorsque les intérêts de la “race élue” sont
menacés, n’importe où dans le monde. […]
Bâti sur une
injustice et un véritable génocide (car l’expulsion de tout un peuple de patrie
est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce
au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa “solution finale”
du problème arabe. […]
L’exploitation
des pseudo “six millions de morts” du national-socialisme a arraché à
l’Allemagne fédérale un milliard de dollars depuis 1952. […] Le frénétique
impérialisme sioniste se donne libre cours, grisé par son écrasante victoire militaire. […] Le but de la diplomatie juive est
donc clair : il faut, pour Tel-Aviv, réaliser le plus vite possible le plus
grand Israël, et asservir totalement les peuples arabes. »
ð François Duprat théorisait ici le triangle
antisémitisme-antisionisme-négationnisme, repris par Robert Faurisson à la fin
des années 1970 et plus récemment par Alain Soral.
Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, François Duprat, l’homme qui inventa le
Front national, Paris, Denoël, 2012 :
« L’antisionisme
n’est ici pas séparable de l’accusation de génocide à l’encontre des
Palestiniens et du négationnisme. Le sionisme est censé concerner tous les
Juifs, il devient le meilleur instrument de la délégitimation antisémite,
puisqu’il permet de faire reposer sur celle-ci une rationalité politique et non
raciale, et ainsi de contourner l’ombre réprobatrice du judéocide. […]
Pour développer cette propagande, Duprat crée deux structures et prend langue avec
divers interlocuteurs. Il constitue un Centre
d’études et de documentation des problèmes du Proche-Orient et un
Rassemblement pour la libération de la Palestine. » (p. 83)
« En effet,
des réunions ont lieu afin de mettre en place un “Front commun antimarxiste” […]
Y participent, pour le Mouvement Jeune Révolution, Jean Caunes et Nicolas
Kayanakis […] et Patrick Devedjian, en
qualité de secrétaire-trésorier du Centre d’études et de documentation des
problèmes du Proche-Orient présidé par Duprat. » (p. 91)
« Poursuivis
pour coups et blessures au Centre d’Assas, [François] Duprat et [Alain] Robert
ont pour avocat P. Devedjian, qui obtient leur relaxe — RGPP, 28 novembre 1972,
3 p. ; idem, 11 décembre 1972 (APP, GAD8 666.293). » (p. 298)
« Ce que [Duprat,]
le leader des GNR [Groupes nationalistes révolutionnaires] vise bien est la
liquidation du libéralisme politique tel que connu depuis le siècle des
Lumières, au profit d’une vision de fusion organique de la communauté du peuple
et de l’État. Un point de vue qui justifie son autoqualification comme fasciste,
mais qui relève donc de la branche “droite” de ce dernier, soucieuse de sa
revanche contre la Révolution française […]. » (p. 223)
Patrick Devedjian, entretien
au Monde, 13 février 2005 :
« Je ne me suis
jamais caché de mon passé. J’étais
d’origine arménienne et c’était aussi une façon, pour moi, de me sentir
français. J’étais anticommuniste et,
finalement, je n’ai pas changé. Je me suis engagé pour la cause de
l’Algérie française. J’ai quitté Occident en 1966, après avoir découvert
Raymond Aron. Ce mouvement n'avait rien à voir avec l'extrême droite de
Jean-Marie Le Pen. C'était une autre époque, on ne peut pas comparer. »
Patrick Devedjian
parvenait ainsi à cumuler plusieurs mensonges en quelques lignes :
- Il a
d’abord nié, en 1983, avoir milité, à quelque moment que ce fût, à l’extrême
droite ;
- Il n’a
pas quitté Occident en 1966, de sa propre initiative : il en a été exclu
en 1967 (voir plus haut) ;
- Les
anciens dirigeants d’Occident, après la dissolution de 1968, ont créé, l’année
suivante, Ordre nouveau, c’est-à-dire le mouvement qui a créé, en 1972… le
Front national (le tout sous l’inspiration de François Duprat). Et le choix de
Jean-Marie Le Pen, aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, était
justement une première tentative de « dédiabolisation », un
national-populiste comme Jean-Marie Le Pen faisant moins peur que les
néofascistes à barre de fer d’Ordre nouveau et les vétérans de la collaboration
comme Victor Barthélémy.
Il est à relever
cependant qu’encore en 2005, Patrick Devedjian ne regrettait rien, ni de son
passage à Occident, ni de ses affinités avec François Duprat : bien au
contraire, il justifiait son passé au nom de « l’anticommunisme »,
éternel alibi des fascistes, de même que « l’antifascisme » est celui
des staliniens et autres partisans du communisme totalitaire. Voilà qui est
très ironique pour quelqu’un qui n’avait que « négationnisme » (quand
ce n’était pas « fascisme turc ») à la bouche pour répondre à ses
contradicteurs sur le conflit turco-arménien.
Quoi qu’il en soit, tout cela conduit nécessairement à se demander pourquoi Patrick Devedjian s’est tellement acharné contre l'historien anglo-américain Bernard Lewis (encore dans un entretien à Marianne, numéro spécial d'avril 2015) alors qu'il n'a jamais rien dit contre l'universitaire français Xavier de Planhol, dont les conclusions sur le conflit turco-arménien n'étaient pas foncièrement différentes de celles de feu Lewis, et alors que le défunt de Planhol les exprimait de manière au moins aussi nette.
Lire aussi : Patrick Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et antiturc
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