lundi 29 juin 2020

La communautariste Valérie Boyer s’en prend une nouvelle fois à la justice de la République



Luc Lenoir, « EN DIRECT - Emplois fictifs : condamnés, les époux Fillon font appel, il y aura un nouveau procès », Lefigaro.fr, 29 juin 2020 :


« Près de 1.156.000 euros "détournés" de l'Assemblée nationale, selon le tribunal
Au total, les fonds publics issus de l'Assemblée et du Sénat détournés au titre des contrats de Pénélope Fillon et des enfants du couple s'élèvent, selon le tribunal, à près de 1 156 000 euros.

Seule l'Assemblée s'est constituée partie civile. Les prévenus sont condamnés à lui verser plus d'un million d'euros de dommages et intérêts, en remboursement des sommes perçues. Précisément 401 000 euros à payer solidairement par François et Penelope Fillon, et 679 000 à payer solidairement par Penelope Fillon et Marc Joulaud.

[…]

Valérie Boyer (LR) dénonce "l'acharnement qu'il y a eu à détruire les époux Fillon"
Valérie Boyer, député LR des Bouches-du-Rhône et proche de François Fillon, se dit "surprise" que les débats n'aient pas été réouverts. Interrogée par Arlette Chabot sur LCI, la parlementaire dénonce "l'acharnement qu'il y a eu à détruire les époux Fillon", et évoque les conséquences sur "toute la vie politique française, avec une justice qui a fonctionné dans des conditions qui jettent le trouble". les Français "n'ont pas pu choisir en conscience leur président" en évoquant le fond des programmes. »

C’est l’occasion de rappeler que Mme Boyer avait osé réclamer, en 2012, une commission d’enquête parlementaire sur la décision du Conseil constitutionnel censurant sa proposition de loi au nom de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), une tentative bloquée par la présidence de l’Assemblée nationale, pour inconstitutionnalité criante.

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vendredi 26 juin 2020

De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian




Archag Tchobanian (1872-1954) était un poète arménien, engagé dès 1895 dans le nationalisme, contre l’Empire ottoman puis contre la République de Turquie. Vers 1908, il rejoignit le Ramkavar (national-religieux, et, du moins à l’époque, raciste aryaniste) de Boghos Nubar. Il existe à Paris un Institut Tchobanian, dirigé par Jean Varoujan Sirapian, ancien vice-président du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF). Récemment, en décembre 2019, Jean-Marc « Ara » Toranian, actuellement coprésident de ce même CCAF, a reproduit sur son site (armenews.com) un texte qualifiant Tchobanian de « personnalité honnête, vertueuse et emplie d’un immense savoir ». Voyons de quelle manière Tchobanian était « vertueux ».
Ce qui suit n’est pas une étude sur Tchobanian en général (ce qui nécessiterait un livre), ni même une étude exhaustive de ses alliances au fil du temps (il faudrait alors parler, entre autres, du nationalisme grec) : c’est une série de coups de projecteurs sur les principaux individus et groupes avec qui Tchobanian s’est entendu, en France, des années 1890 aux années 1940.

Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et le mouvement arménophile, Marseille, CRDP, 1986, p. 27 :
« Il ne fait pas de doute que Tchobanian avait une grande aptitude pour aller vers les gens et se faire entendre d’eux [du moins quand ils ne connaissaient pas le sujet : ses rapports avec Robert de Caix, secrétaire général du haut-commissariat français à Beyrouth de 1919 à 1923, furent exécrables. Passons.]. Cependant, on pouvait se demander comment ces cercles [littéraires parisiens], où l’on pratiquait souvent l’ostracisme, s’étaient ouverts aussi facilement [entre 1895 et 1897] à cet exilé arménien, pauvre et inconnu, lui offrant une tribune d’où il peut plaider la cause de son peuple opprimé. 
La lettre de Pierre Quillard répond à cette question que je me suis longtemps posée : “Je m’employai de mon mieux à lui faciliter l’accès de quelques revues, et surtout du Mercure de France.” »

Gilles Candar, « QUILLARD (Pierre) 1864-1912) », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 2009, p. 1145 :
« Né à Paris le 14 juillet 1864, il se fait connaître par un mystère symboliste, La Fille aux mains coupées (1886), suivi du recueil La Gloire du verbe. […] Il est de surcroît chargé de la rubrique des poèmes au Mercure de France, fondé en 1890. Quillard se situe alors dans la mouvance anarchiste […]. »

Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et…, op. cit., pp. 250-251 :
« En effet, à l’occasion de cette polémique [avec Pierre Loti fin 1918], la Commission de propagande arménienne [dirigée par Archag Tchobanian et qui se résume principalement à sa personne] vient de diffuser une série de publication où figurent tous ces textes. C’est tout d’abord [en 1919] une brochure intitulée : Pour l’Arménie libre. Pages écrites au cours de la Grande Guerre et dans laquelle Camille Mauclair [écrivain ayant basculé à l’extrême droite en 1905-1906, futur vichyste] revient à la charge en expliquant pourquoi il a adressé cette lettre ouverte à P. Loti, qu’il reproduit ici avec ses autres écrits arménophiles […]
Plusieurs lettres de Mauclair montrent que l’initiative de cette publication revient à Tchobanian […]. »

Cyril Le Tallec, La Communauté arménienne de France, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 149 :
« Adhérent, depuis 1908, au Parti ramgavar-azadakan, Archak [Archag] Tchobanian rejoindra finalement les ”compagnons de route” séduits par le mouvement communiste. »

« Lundi dernier, la colonie arménienne de Paris a fêté à la salle Wagram le 5e anniversaire de l’Arménie soviétique. […]
La salle a fait une ovation à [l’ambassadeur soviétique] Rakovsky, puis M. Tchobanian, le littérateur arménien bien connu, déclara que les Arméniens ont enfin vu la réalisation de leur rêve, un État libre et indépendant [sic], grâce à l’aide fraternelle de la puissante Union soviétique [dirigée par Staline]. »

Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et…, op. cit., p. 251 :
« Dans l’allocution qu’il [Camille Mauclair] prononcera le 14 mai 1938 [c’est-à-dire à un moment où il était encore plus marqué à l’extrême droite qu’en 1918-1919 et s’était spécialisé, depuis dix ans, dans les articles et ouvrages contre les Juifs et les immigrés], dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, pour le jubilé de Toranian — et dont le texte, écrit de sa main, est conservé dans les archives de Tchobanian —, il déclarera “avoir été depuis quarante ans un défenseur de cette cause arménienne, à laquelle [l’]avaient initié Anatole France et Pierre Quillard. »

« Une grande réunion franco-arménienne », Les Annales coloniales, 14 novembre 1938, p. 4 :
« Le Comité de la Méditerranée [composante la plus à droite du « parti colonial » français] a donné son premier déjeuner à l'occasion de la promotion au grade d'officier de la Légion d'honneur de M. Archag Tchobanian. Autour de M. Gautherot, sénateur, président de la section “France-Syrie” du Comité, avaient pris place MM. Henry Haye et Mme Desjardins, […] l'archimandrite Diran Nersoian, représentant l'évêque des Arméniens grégoriens de Paris ; le pasteur Boudakian, Mmes Djevahirdjan et Gulbenkian, M. Pilossian, attaché financier à la légation de l'Iran, et Mme Pilossian ; M. et Mme Jacques de Fouquières ; […] MM. Paul du Véou [président fondateur du Comité de la Méditerranée et agent d’influence de l’Italie fasciste], Chalhoub, Baudinière [éditeur spécialisé dans la publication d’ouvrages faisant l’éloge de l’Espagne franquiste, de l’Italie fasciste et même de l’Allemagne nazie], etc.
Après que l'accolade eût été donnée à M. Tchobanian par le général Brémond, des allocutions furent prononcées par MM. Gautherot [sénateur d’extrême droite], Paul du Véou, Guerdan et le président des Volontaires arméniens, et enfin par le poète et grand patriote arménien Archag Tchobanian.
Tous rappelèrent les liens d'amitié de la France et de l'Arménie à travers les siècles, le martyre des Arméniens avant, pendant et depuis la guerre. Ils émirent l'espoir qu'il sera un jour rendu justice à cette nation opprimée. »

« Une manifestation de l’Union franco-arménienne », L’Action française, 30 mars 1940, p. 2 :
« Récemment constituée [erreur : il s’agit d’une rénovation du Comité franco-arménien, créé en 1933 et neutralisé très rapidement par le ministère des Affaires étrangères, soucieux de ne susciter aucun litige avec la Turquie] sous la présidence de M. Louis Marin, député, ancien ministre, l’“Union franco-arménienne”, dont l’animateur est notre confrère M. André Faillet [admirateur de Mussolini depuis les années 1920 et bientôt vichyste], vient de donner une brillante réception dont la nombreuse assistance était composée par la colonie arménienne et ses amis français.
[…]
Des discours furent prononcés par MM. Louis Marin, René Fiquet, ancien président du conseil municipal de Paris [condamné en 1949 pour collaboration économique] ; le sénateur Justin Godart ; le poète Archag Tchobanian ; A[lexandre] Khatissian, ancien président du Conseil d’Arménie, et André Faillet, délégué général de l’“Union franco-arménienne”. »
ð  Ici, une pause s’impose. N’importe quel lecteur un peu attentif a déjà remarqué le grand écart entre les admirateurs de Staline et ceux de Mussolini ; mais il y a plus. Du moins depuis 1926 et l’assassinat de Bedros Atamian, directeur du journal du Ramkavar en Grèce, par des membres de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA), dont l’un fut arrêté puis condamné (cf. Kapriel Serope Papazian, Patriotism Perverted, Boston, Baikar Press, 1934, p. 70), la FRA et le Ramkavar étaient à couteaux tirés (le livre de Kapriel Serope Papazian, cité à l’instant, est d’ailleurs une charge très documentée contre la FRA, publiée par l’un des principaux dirigeants du Ramkavar aux États-Unis). Or, Tchobanian était toujours un dirigeant de ce même Ramkavar, et Alexandre Khatissian, en compagnie de qui il a rompu le pain, en mars 1940, était l’un des principaux dirigeants de la FRA (cette même FRA qui était d’ailleurs à l’initiative du Centre franco-arménien, en 1933).

« — Le chef de l’État [Philippe Pétain] a reçu en audience M. [Archag] Tchobanian, président du comité central des réfugiés arméniens [issu de la transformation de la Délégation nationale arménienne après 1923], qui lui a remis le second versement d’une collecte faite parmi la colonie arménienne de Paris au profit des œuvres sociales du Maréchal. Le versement total atteint 909 885 francs. »

Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et…, op. cit., p. 330 :
« Dès la fin de la deuxième guerre mondiale, il a constitué un “comité de défense de la cause de l’Arménie turque” […] »

Union nationale arménienne de France (communiste) et Comité de défense de la cause de l’Arménie turque, La Cause nationale arménienne, Paris, 1945, pp. 7-8 :
« Aujourd’hui, les Arméniens n’ont comme État national que l'Arménie Soviétique, où, sur un territoire extrêmement exigu de 29.500 kms carrés, vit une population de 1 400 000 habitants, dont 1 200 000 sont des Arméniens. Sous la protection de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, dont elle fait partie, cette République est maintenant la principale garantie du maintien et du développement de la nation et de la culture arméniennes. […]
Nous prions instamment les grandes Puissances Alliées de vouloir bien reconsidérer, à la Conférence de Londres, la question arménienne dans son ensemble et de lui donner cette fois une solution équitable, complète, définitive. Cette solution ne peut être obtenue qu’en adjoignant au territoire de la République de l’Arménie transcaucasienne non seulement le district de Kars, mais les provinces arméniennes de la Turquie [allusion à l’Arménie du Haut-Karabakh à Mersin, revendiquée de 1915 à 1921], ou au moins les régions que le Président Wilson a délimitées [en 1920] pour faire partie de l’État Arménien. »

ð  Tchobanian se mettait ainsi au service des revendications staliniennes contre la Turquie, alors même que la République soviétique d’Arménie, comme toutes les autres, avait souffert des purges. Un seul exemple : Zabel Essayan, nationaliste-raciste, liée à Tchobanian pendant des années, devenue ardemment stalinienne et rentrée en URSS, a été condamnée à mort et exécutée en 1943, son passé la rendant irrémédiablement suspecte à la paranoïa de Staline. Remarquons, à ce sujet, que si les Arméniens communistes, notamment en France, ont dénoncé dès les années 1930 la Fédération révolutionnaire arménienne comme un parti fasciste voire nazi (ce que la doctrine du parti et ses alliances confirment en effet), jusqu’à faire envoyer au poteau des membres de la FRA en France, fin 1944, pour collaboration avec l’ennemi, ils n’ont eu aucune peine à s’associer, au printemps 1945, avec un Tchobanian qui, deux ans auparavant, était reçu en audience par Pétain, et en 1940, s’affichait avec un des principaux dirigeants de la FRA.

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mercredi 24 juin 2020

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste




« Les rapports de l’Italie, par l’intermédiaire de sa paradiplomatie, avec les groupes nationaux-démocrates (géorgiens en particulier) se doivent également à nombre d’initiatives individuelles. Ainsi, en janvier 1934, l’ambassade italienne à Varsovie reçoit une lettre, qui est envoyée aussitôt à une personnalité de très haut niveau au ministère des Affaires étrangères, probablement à Mussolini lui-même. Il s’agit d’un projet rédigé en français par [Léo] Keressdlidze, sur papier à en-tête du mouvement nationaliste pro-fasciste géorgien, Thetri Guiorgui. Il constate la nécessité de réunir “le parti national-démocrate et toutes les organisations nationalistes géorgiennes et celles des différents peuples du Caucase en une seule et même organisation fasciste”, dont le noyau devrait justement être Thetri Guiorgui. » (p. 58)
« La sympathie démontrée [par l’arménophile Lauro Mainardi, cadre du Parti national fasciste et spécialiste du Caucase dans le régime mussolinien] à l’égard de Thetri Guiorgui peut être aussi due à la profession de foi plus clairement exprimée par cette association. » (p. 71)

André Faillet, cité dans « L’opinion des autres », Le Figaro, 5 janvier 1929, p. 3 :
« Nous avons trop l’orgueil d’être français pour aller chercher hors de nos frontières des exemples ou des leçons. […] Qu’on nous comprenne bien. Nous éprouvons une grande admiration pour l’œuvre accomplie par M. Mussolini : du chaos politique, économique et social dans lequel son pays menaçait de sombrer, ce grand patriote a su faire surgir les hommes et les institutions grâce auxquels l’Italie redressée, réorganisée, reconstituée, peut désormais prétendre aux plus beaux destins. »

« Un animateur franco-géorgien : M. André Faillet, président du Comité France-Géorgie », Momavali. Organe de l’association « Thetri Guiorgui », août 1934, p. 1 :
« Patriote passionné, défenseur résolu de la liberté et du véritable progrès social, M. André Faillet est un ennemi acharné du marxisme et des Soviets.
Il a combattu les socialo-communistes dans maints journaux, et dans d’innombrables réunions, chassé de Paris le chef judéo-socialiste Léon Blum, et participé à de nombreuses tentatives antisoviétiques, en particulier lors de l’assassinat du général Koutièpoff. »

« Une manifestation de l’Union franco-arménienne », L’Action française, 30 mars 1940, p. 2 :
« Récemment constituée [erreur : il s’agit d’une rénovation du Comité franco-arménien, créé en 1933 et neutralisé très rapidement par le ministère des Affaires étrangères, soucieux de ne susciter aucun litige avec la Turquie] sous la présidence de M. Louis Marin, député, ancien ministre, l’“Union franco-arménienne”, dont l’animateur est notre confrère M. André Faillet, vient de donner une brillante réception dont la nombreuse assistance était composée par la colonie arménienne et ses amis français.
[…]
Des discours furent prononcés par MM. Louis Marin, René Fiquet, ancien président du conseil municipal de Paris ; le sénateur Justin Godart ; le poète Archag Tchobanian ; A[lexandre] Khatissian, ancien président du Conseil d’Arménie, et André Faillet, délégué général de l’“Union franco-arménienne”. »

« Les Syriens sont-ils des étrangers ? » (éditorial non signé), L’Œuvre (journal autrefois de gauche et turcophile, devenu fasciste après sa prise de contrôle par Marcel Déat en 1940), 17 août 1941, p. 1 :
« Il paraît que la loi du 16 août 1940, interdisant l’exercice de la médecine à tous les praticiens d’origine étrangère, n’est pas très vigoureusement appliquée. Il se peut bien, en effet, que l’on ait pris toutes sortes de précautions à l’égard de personnes puissamment recommandés, même s’ils sont aussi peu aryens que possible, et si leur origine non française est surabondamment prouvée. En revanche, la loi a été appliquée sans ménagement, et avec une parfaite brutalité, à des gens à qui la France aurait pu manifester un peu plus de reconnaissance, et qu’il est simplement odieux de considérer comme des étrangers.
Nous voulons parler d’un petit nombre de médecins d’origine arménienne, devenus syriens de fait ou de droit, et qui ont délibérément choisi, pour y faire leurs études, la Faculté de médecine de Beyrouth. Après quoi, ayant, pour beaucoup d’entre eux, servi la France dès l’autre guerre [1914-1918], ils ont été naturalisés français, ce qui n’était qu’une formalité entérinant une volonté dès longtemps affirmée, et ils ont exercé leur métier en des coins de France divers, où la sympathie de la population ne leur a pas manqué.
Les Arméniens ne sont pas des Juifs, autant que nous sachions, et la France les a toujours considérés comme ses protégés. Les Syriens ne sont pas des étrangers, autant que nous puissions en juger. […]
Nous demandons instamment au nouveau secrétaire d’État à la Santé publique, et au ministre de l’Intérieur, de qui il relève, de bien vouloir examiner une situation exceptionnelle, qui appelle, pour l’honneur de la France et pour son bon renom dans le Proche-Orient, un rapide redressement. »

André Faillet, « Les Arméniens et nous », L’Œuvre, 27 août 1941, p. 4 :
« C’est avec une bien vive satisfaction que je lis dans l’Œuvre de ce matin, je lis l’éditorial que vous avez consacré à nos frères [souligné dans l’original] arméniens.
Acte de justice, dont je tiens à vous remercier chaleureusement, au nom de l’Union franco-arménienne ; notre gratitude, aussi, pour un noble peuple qui, depuis l’époque des Croisades, […] est demeuré fidèle à notre traditionnelle amitié.
De race purement aryenne et n’ayant jamais toléré la moindre infiltration sémitique, les Arméniens — qui ont constitué un des plus anciens États chrétiens — sont, depuis des siècles, les pionniers de l’influence et de la culture française en Orient.
Ils furent nos héroïques compagnons d’armes pendant la guerre de 1914-1918, servant doublement sous nos drapeaux (Légion étrangère et Légion d’Orient) et sacrifiant à la cause commune le quart de leur population massacrée. […]
Aussi est-il inadmissible — comme vous le soulignez si pertinemment — que les médecins arméniens soient victimes de la loi du 16 août 1940. Dès le mois de septembre de l’an dernier, je suis intervenu auprès du Dr Carle — alors secrétaire général des syndicats médicaux — et des Pouvoirs publics. Depuis, d’autres démarches ont été faites, auxquelles plusieurs grands maîtres français ont tenu à s’associer. […]
Tout récemment, d’ailleurs, à la demande de l’Union franco-arménienne, qui compte nombre d’éminentes personnalités, le gouvernement du Maréchal [Philippe Pétain] a mis à l’étude un statut spécial, conférant aux Arméniens une protection et les garanties que justifie leur loyalisme reconnu [y compris au régime de Vichy, donc] et leur participation à nos charges nationales. »

« L’œil en coulisse », L’Auto, 17 juin 1942, p. 2 :
« Salle Pleyel, sous la présidence de M. l’ambassadeur de France [Georges] Scapini et de l’Union franco-arménienne, le Gala des étudiants arméniens s’est déroulé au profit du Comité central d’assistance aux Prisonniers de guerre et de la famille du prisonnier. »

Rouben Khérumian (médecin arménien lié à l’occupant nazi), Introduction à l’anthropologie du Caucase : les Arméniens, Paris, Paul Geuthner, 1943, p. 10 :
« L’Union franco-arménienne a bien voulu se charger de surmonter les difficultés auxquelles se heurte de nos jours l’édition. Nous les remercions très sincèrement, ainsi que M. M. Petrossian pour son aide dans nos démarches. »

« — Le chef de l’État [Philippe Pétain] a reçu en audience M. [Archag] Tchobanian [vice-président de l’Union franco-arménienne animée par son ami André Faillet], président du comité central des réfugiés arméniens [issu de la transformation de la Délégation nationale arménienne après 1923], qui lui a remis le second versement d’une collecte faite parmi la colonie arménienne de Paris au profit des œuvres sociales du Maréchal. Le versement total atteint 909 885 francs. »

Remarquons la très grande discrétion, sur ce sujet, des auteurs favorables au nationalisme arménien ou qui s’en réclament. Cyril Le Tallec évoque en deux phrases l’Union franco-arménienne, mais, par manque de connaissances, il pense qu’il s’agit vraisemblablement d’un regroupement de communistes renégats, « "retourné" par des éléments pétainistes ou germanophiles », à cause de la similarité de nom avec l’Union populaire franco-arménienne, créée en 1938 par le Parti communiste pour succéder au Comité de soutien à l’Arménie (HOG) et dissoute par le gouvernement Daladier en 1939 (La Communauté arménienne de France, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 144). Edmond Khayadjian, dans son ouvrage apologétique sur Archag Tchobanian (Archag Tchobanian et le mouvement arménophile, Marseille, CRDP, 1986), ne dit mot d’André Faillet. Étant donné le travail systématique de M. Khayadjian dans la correspondance de Tchobanian (qui se trouve désormais à Erevan), ce silence, sans vouloir faire de procès d’intention, étonne.
Il est également étonnant de ne pas trouver la moindre mention de Faillet, dans Claire Mouradian et Anouche Kunth, Les Arméniens de France. Du chaos à la renaissance, Paris, Les éditions de l’attribut, 2010. Mme Mouradian a eu pour étudiant de thèse Georges Mamoulia, pionnier de l’étude des rapports entre la Fédération révolutionnaire arménienne et ses amis géorgiens d’une part, l’Italie fasciste d’autre part ; et c’est dans un séminaire animé par cette même Mme Mouradian que Mme Penati, citée ci-dessus, a parlé des rapports entre certains nationalistes caucasiens et le régime mussolinien. Elle avait donc deux pistes à explorer (sans parler de Tchobanian lui-même), qui auraient pu la mener à André Faillet.
J’en profite pour remercier l’auteur du blog Arménologie ; c’est en le lisant que j’ai eu l’idée de chercher des informations complémentaires sur Tchobanian pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n’avais rien trouvé de significatif aux archives de la préfecture de police de Paris, sur ce dirigeant nationaliste arménien, pendant cette période en particulier.

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vendredi 19 juin 2020

Quand des lecteurs de Jean-Marc « Ara » Toranian ont leurs vapeurs « antisionistes »

Comme il fallait s’attendre, une évocation, sur le forum d’armenews.com, de l’ouverture de l’ambassade d’Arménie en Israël, a tout de suite suscité des réactions haineuses, traitant les Israéliens juifs (sinon les Juifs en général) de « négationnistes », de « marchands de canons qui tuent nos enfants », etc., cependant que les terroristes du Hamas et du Front populaire pour la libération de la Palestine (un groupe financé dans les années 1960 et 1970 par le nazi suisse François Genoud) sont qualifiés de « résistants » :



Puis, l’antisémitisme est devenu explicite : un lecteur attribue le sort des Amérindiens aux Juifs (alors que l’Espagne avait expulsé ses Israélites en 1492) et fait une allusion à peine voilée à l’obsession manifestée par la majorité des nationalistes arméniens envers les Turcs juifs, qu’ils voient décidément partout :




Quatre à six jours plus tard (selon les messages), ni Jean-Marc « Ara » Toranian, ni aucun modérateur n’a effacé l’éloge du terrorisme palestinien, ni le texte explicitement antijuif, pas plus que la moindre demande d’adoucir le ton n’est venue d’un quelconque « responsable » de ce site (du moins en public). 

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lundi 15 juin 2020

Le racisme antinoir du président américain Woodrow Wilson (figure majeure de l’arménophilie anglo-saxonne)




Sarkis Atamian (membre de la Fédération révolutionnaire arménienne et historien semi-officiel du parti), The Armenian Community, New York, Philosophical Library, 1955, pp. 225-226 :
« Le 26 avril 1920, le Conseil suprême allié se réunit à San Remo et désigna le président [américain Woodrow] Wilson comme arbitre pour la délimitation de l’Arménie turque [plus exactement, le brouillon de traité adopté à ce moment-là prévoyait Wilson comme arbitre, mais c’est un détail]. Le 17 mai 1920, Wilson accepta l’invitation. Alors que les frontières étaient dessinées [par Wilson], les Alliés signèrent le traité de Sèvres le 10 août 1920. Parmi les articles du traité relatif à l’Arménie, les articles 88, 89 et 90 sont les plus importants. Le premier reconnaissait l’indépendance de l’Arménie, le second garantissait l’arbitrage et la reconnaissance des vilayets [provinces] libérés [sic] et le troisième demandait qu’une fois que les frontières seraient établies, la Turquie renoncerait à tous droits sur les territoires transférés. Le 22 novembre 1920, le président Wilson termina la délimitation [mais ne la notifia officiellement que le 6 décembre, soit plus de trois jours après la signature du traité turco-arménien de Gümrü/Gyumri, par lequel l’Arménie renonçait à toutes les dispositions du traité de Sèvres]. […] Certains ont qualifié le président Wilson de rêveur. Pour les Arméniens, il a gagné leur gratitude éternelle (23).

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(23) Dans à peu près tous les agoump (clubs politiques) dachnaks [c’est-à-dire appartenant à la Fédération révolutionnaire arménienne], est suspendu un protrait du président Wilson. Pour les Arméniens, il est devenu le “medz mart” — le grand homme. Ce n’est peut-être pas si étonnant que l’Armenian Youth Federation, le mouvement de jeunesse dachnak, dont la plupart des membres ne sont nés qu’après la mort de Wilson [en 1924], aient placé une couronne de fleurs sur sa tombe, en humble hommage, lors de leur convention tenue à Washington D.C., en 1950. »

Michael Bobelian (auteur nationaliste arménien à succès, congratulé dans l’organe de la Fédération révolutionnaire arménienne), Children of Armenia, New York-Londres, Simon & Schuster, 2009, p. 67 :
« Les États-Unis allaient également connaître un profond changement de position envers l’Arménie, une transition de l’humanitarisme vers le calcul froid. Et peut-être personne dans l’appareil d’État américain n’incarne mieux ce renversement que le contre-amiral Mark L. Bristol. Tandis que Vahan Cardashian, l'avocat arméno-américain responsable de la promotion des intérêts de l'Arménie aux États-Unis, a continué à défendre principes humanitaires de Woodrow Wilson [affirmation particulièrement osée, Cardashian étant l’auteur d’un pamphlet violemment hostile à Wilson, paru en mars 1921, et marqué par l’ingratitude la plus profonde : Wilson, Wrecker of Armenia], Bristol représentait une branche divergente de la politique étrangère américaine. Bien que les deux hommes n’aient que rarement – voire jamais – eu de confrontation face à face, leurs visions concurrentes de la politique étrangère américaine s’affrontèrent au cours des années 1920 [jusqu’en 1927, surtout]. Et au détriment des Arméniens, la vision de Bristol l’emporta. »

« Le C.C.A.F. [Conseil de coordination des associations arméniennes de France] Centre France vous invite à LYON à la commémoration régionale et républicaine du 104e anniversaire du Génocide des Arméniens de 1915.
Le 24 Avril 2019, à 15h30, après l'office religieux organisé par les 3 églises arméniennes, nous nous rassemblerons devant l’église apostolique «Sourp Hagop / Saint-Jacques » (295, rue André Philip à l'angle de la rue d'Arménie - LYON 3ème) pour défiler jusqu'au Mémorial Lyonnais des Génocides (place Antonin Poncet - LYON 2ème). 
Cette Marche pour la Justice fera une halte Pont WILSON pour rendre hommage au Prix Nobel de la Paix et Président des Etats-Unis, Woodrow WILSON. »

Précisons enfin que l’Armenian National Committee of America, branche de la Fédération révolutionnaire arménienne, décerne un prix Wilson. Voyons maintenant quelques-unes des idées de l’intéressé.

Woodrow Wilson, A History of the American People, tome V, New York-Boston, Harper & Brothers, 1903, p. 58 :
« Les hommes blancs du Sud étaient stimulés par le simple instinct de conservation pour se débarrasser, par des méthodes loyales ou non, du fardeau intolérable que constituaient ces dirigeants maintenus en place par le vote de Nègres ignorants et qui agissaient dans l’intérêt d’aventuriers. […] Pour les hommes qui étaient les chefs authentiques des communautés du sud, il n’y avait aucune possibilité d’action à ciel ouvert ou de combat dans le cadre de la Constitution, selon les termes imposés par la Reconstruction [occupation militaire du Sud, 1865-1877]. »
ð  Suit alors un développement de plusieurs pages sur le Ku Klux Klan première manière (1866-1872), que Wilson excuse sans approuver tout à fait.


Mark E. Benbow, « Birth of a Quotation: Woodrow Wilson and “Like Writing History with Lightning” », Journal of the Gilded Age and the Progressive Era, IX-4, octobre 2010, pp. 509-533 :
« Pour commencer, je dois préciser que cette étude n’a pas pour but de nier que Wilson était effectivement raciste. Né dans la Virginie [État esclavagiste] d’avant la guerre de Sécession, en 1856, Wilson a grandi pendant cette guerre civile et pendant la Reconstruction [période qui va de la fin de la guerre à la fin de l’occupation militaire du Sud, en 1877] en Géorgie et en Caroline du Sud [États également esclavagistes jusqu’à la guerre de Sécession]. Le père de Wilson était un pasteur qui a défendu l’esclavage en chaire […]. En tant que président de l’université de Princeton (1902-1910), Wilson dissuada les étudiants noirs de présenter leur candidature pour être admis dans cet établissement. En tant que président des États-Unis (1913-1921), Wilson autorisa la plupart de ses ministres à pratiquer la ségrégation dans la fonction publique fédérale, pour la première fois depuis la guerre de Sécession. Quand une délégation de noirs protesta contre ses actions discriminatrices, Wilson leur dit : “Si les personnes de couleur ont commis l’erreur de voter pour moi, il leur revient de la corriger.” »

Pour bien comprendre ce paragraphe, il faut savoir qu’entre la fin de la guerre de Sécession et l’élection de Wilson, les États-Unis ont eu deux présidents issus du Parti démocrate, formation beaucoup moins favorable aux Noirs, à l’époque, que le Parti républicain (le Parti démocrate n’est devenu le parti préféré des Américains noirs et métis qu’à l’époque de Franklin Roosevelt, à partir de 1932) : Andrew Johnson (lui aussi né dans le Sud esclavagiste) et Grover Cleveland. Bien que dépendant, tout comme Wilson, des électeurs du Sud, ni l’un ni l’autre n’ont osé imposer la ségrégation dans la fonction publique fédérale. Wilson n’était donc pas simplement un homme de son temps, un sudiste imprégné par les préjugés de son milieu, mais un acteur-clé dans le transfert, au Nord, de pratiques qui n’avaient cours, initialement, que dans le Sud anciennement esclavagiste. L’article de M. Benbow est essentiellement une longue démonstration pour établir que si une citation attribuée à Wilson sur le film Naissance d’une nation (The Birth of a Nation, film faisant l’éloge du Ku Klux Klan première manière et présentant les Américains noirs comme des êtres lubriques autant que dominateurs, à mener par le fouet) n’est sans doute pas entièrement authentique, il semble bien que Wilson, qui a vu le film, avait une opinion relativement positive des idées ainsi défendues.



Le but de ces observations n’est pas de demander qu’une seule des statues de Woodrow Wilson soit déboulonnée, ni de réduire ce président à son racisme ; mais de constater que la vision manichéenne et moralisatrice (pour ne pas dire « en blanc et noir », ce qui passerait pour un mauvais jeu de mots) des nationalistes arméniens est une fois de plus en contradiction avec les faits. Wilson était raciste (même s’il était beaucoup plus que cela) et c’est précisément ce racisme qui est l’explication principale de son soutien à la cause arménienne : là encore, il essentialisait les uns et les autres, au nom de théories pseudo-biologiques.

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dimanche 14 juin 2020

La turcophilie de Pierre Loti vue par l’antifasciste Victor Snell




Claudine Girod, « Le Canard enchaîné, centenaire déconnecté mais fringuant », EDITO, n° 5, 2015, p. 23 :
« Moins connue mais tout aussi savoureuse, une petite histoire dans la grande histoire concerne le journaliste suisse Victor Snell, premier rédacteur en chef du Canard.  Ce dernier avait prêté une pièce de cent sous à Mussolini, alors socialiste désargenté à Genève. Un argent dont Victor Snell ne reverra jamais la couleur et qui lui inspirera une rubrique à succès appelée “Et mes cent sous ?”. »

Pierre Loti, La Mort de notre chère France en Orient, Paris, Calmann-Lévy, 1920 :
« Je disais qu'ils n'étaient pas nos ennemis, ces Turcs si calomniés, et qu'ils ne nous avaient fait la guerre qu'à contrecœur. Je disais, en outre, et j'ai dit toute ma vie qu'ils composaient l'élément le plus sain, le plus honnête de tout l'Orient, — et le plus tolérant aussi, cent fois plus que l'élément orthodoxe, qui est l'intolérance même, bien que cette dernière assertion soit pour faire bondir les non-initiés. Or, sur ces deux points, voici tout à coup, depuis la guerre, mille témoignages qui me donnent raison, même devant les plus entêtés. Des généraux, des officiers de tous grades, de simples soldats qui étaient partis de France pleins de préjugés contre mes pauvres amis de là-bas et me considérant comme un dangereux rêveur, m'ont spontanément écrit, par pur acquit de conscience, pour me dire à l'unanimité : “Oh! comme vous les connaissez bien, ces gens chevaleresques, si doux aux prisonniers, aux blessés, et les traitant en frères! Comptez sur nous au retour pour joindre en masse nos témoignages au vôtre.” » (p. 18)
« Il est regrettable pour eux [les Arméniens], — du reste comme pour les Grecs, — que la guerre ait permis à trop de témoins européens de pénétrer au cœur de leur pays et de les voir à l’œuvre ; alors beaucoup de légendes sont tombées. On sait à présent que, s’ils ont été massacrés, ils ne se sont jamais fait faute d’être massacreurs. Maints rapports officiels en font foi. J’ai envoyé dernièrement à l’Illustration des photographies de charniers de Turcs préparés par leurs mains chrétiennes et où figuraient au tableau surtout des femmes et des enfants, car ces plus récentes tueries avaient été opérées dans des villages d’où les hommes étaient partis pour la guerre. Seulement les Turcs n’ont pas, comme eux, fatigué de tout temps les oreilles du monde entier par l’excès de leurs plaintes. Surtout ils ne sont pas chrétiens, les pauvres Turcs, et c’est là, aux yeux de l’Europe, une tare capitale. Les Arméniens et les Orthodoxes en ont-ils assez usé, abusé et surabusé, de ce titre de chrétien qui chez nous impressionne même les matérialistes et les athées ! » (p. 57)

Victor Snell, « Pierre Loti », La Lanterne, 12 juin 1923, p. 1 :
« Peintre, il le fut autant que quiconque et plus que d'autres qui ont une palette et des pinceaux. Et on peut se demander si c'est l'amour de la lumière et de la couleur qui fit de lui un homme de l'Orient, ou si c'est, le contraire qui se produisit, sa nature essentiellement orientale l'inclinant à poursuivre partout et toujours l'évocation de son cadre propre.
Mais, il ne faut pas s'y tromper : l'amitié profonde que Loti avait vouée aux Turcs ne procède pas essentiellement de son esthétique orientale. Si Loti aima les Turcs et le proclama généreusement, c'est par la raison seule et suffisante qu'il les connaissait et qu'il les comprit. Ce n'est pas une sympathie colorée qu'il eut pour eux mais une affection du cœur et de l’esprit. Il pouvait d’ailleurs l’avouer hautement, puisqu’elle n’a rien à faire avec les choses de la politique internationale. Mais c’est là encore une vérité qui n’est pas accessible à tout venant. »

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Le soutien public d’Henri Rollin (officier de renseignement) aux conclusions de Pierre Loti







samedi 13 juin 2020

Les effets catastrophiques produits en Arménie par l’absence de culture d’État et les traditions complotistes


« Le 12 juin, le nombre de contaminations a atteint 15 281 (contre 5 600 le 20 mai), celui des morts 258, pour un total de plus de 62 000 personnes testées [et dans un pays de mois de trois millions d'habitants]. 70 % de ces décès ont été enregistrés entre le 25 mai et le 10 juin. Un tiers des personnes testées sont positives au Covid-19. [...]

Méfiance de la population
Le pouvoir sermonne la population, qui refuse de respecter les gestes barrières et les règles élémentaires d’hygiène et de distanciation sociale. Mais celle-ci n’est pas “prête à se flageller”, constate Lenta.ru. En effet, depuis le début du confinement, tout le monde a pu constater l’inaptitude des autorités à faire respecter les règles et le manque de sérieux des dirigeants, qui se baladaient sans masque et continuaient à participer à des réunions publiques ou privées.

L’Église n’est pas en reste, qui a appelé à combattre le virus par la prière. Enfin, la majorité de la population adhère aux versions complotistes, “pseudoscientifiques, voire carrément ridicules” concernant l’origine du virus, observe le site.

Bill Gates et la 5G
Parmi les versions les plus populaires, celle d’un virus introduit par Bill Gates pour “asservir l’humanité grâce aux puces qui seront introduites lors de la vaccination obligatoire”, ou encore celle de la 5G, qui serait la cause principale de la pandémie de cette “arme biologique”. Les statistiques de contamination seraient même artificiellement gonflées, pour justifier une future vaccination massive qui, dans l’imaginaire collectif, est porteuse de problèmes de santé.

Véhiculées par certains médias, comme le très populaire Medmedia.am, fondé par le médecin Gevorg Grigorian, “des idées délirantes qu’il serait honteux d’évoquer dans d’autres pays” sont quotidiennement à l’ordre du jour politique en Arménie, où le ministère de la Santé intervient pour démentir les théories du complot. »

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vendredi 12 juin 2020

Racisme antinoir : quand des nationalistes arméniens « oublient » leurs classiques


Le collectif VAN, groupuscule fondé en 2004 à l’initiative de Jean-Marc « Ara » Toranian (même s’il lui est arrivé, surtout depuis 2015-2016, d’avoir des désaccords tactiques avec M. Toranian), tente de profiter de l’émotion internationale causée par la bavure homicide dont a été victime George Floyd, un Américain noir. Or, ce même collectif VAN avait précédemment publié sur son site une série de citations qui, outre les habituelles contrevérités francophobes sur l’occupation de la plaine de Çukurova et ses environs (« la Cilicie »), de l’automne 1918 au 4 janvier 1922, décrit la Légion arménienne (issue de la scission, en janvier 1919, de la Légion d’Orient, elle-même créée à l’automne 1916) d’une manière entièrement positive, dépourvue de la moindre critique. La fraction des civils arméniens qui la soutenait n’est, quant à elle, même pas évoquée. Vu la prégnance du racisme antinoir chez les nationalistes arméniens de la région, à cette époque, voilà qui ne manque pas d’ironie.

Capitaine Pierre André, Rapport sur les incidents du caza de Deurtyol, du 13 au 17 avril 1920, 20 avril 1920, Centre des archives diplomatiques de Nantes, 1SL/1V/148 :
« L’émotion était à peine dissipée qu’un nouvel incident se produisit le 15 au matin.
Après le travail, les Sénégalais étaient tranquillement rentrés à la caserne, déposèrent leurs outils, prirent les armes et s’en allèrent tranquillement du côté d’Alexandrette [İskenderun]. Une section de leurs camarades avait été relevée il y a quelques temps d’Erzine et envoyée à Alexandrette. Ces hommes auraient écrit, ou fait dire, à leurs camarades de Deurtyol qu’à Alexandrette, il y avait des cinématographes, des femmes et des cafés. Nos Sénégalais, depuis 4 mois à Deurtyol, sevrés de tout plaisir, avaient eu le cafard, et avaient tout bonnement décidé de se rendre eux aussi à Alexandrette, quitte à revenir ensuite reprendre leur poste. Pour ne pas donner à l’affaire une gravité qu’elle n’avait pas, le lieutenant Massimy, commandant le détachement, resta sur sa porte mais envoya ses gradés à la poursuite des fugitifs. Les gradés rattrapèrent leurs hommes à 8 ou 900 mètres de la caserne, devant le village d’Euzerli, avant qu’ils n’aient franchi la rivière qui sépare Deurtyol d’Euzerli. Après avoir parlementé quelques instants, les Sénégalais se laissèrent convaincre, et rentrèrent tranquillement à leur caserne et tout rentra dans l’ordre. Voyant arriver le détachement et la discussion, les chrétiens [Arméniens] d’Euzerli prirent peur, s’enfuirent à Deurtyol et racontèrent là que les Sénégalais avaient voulu attaquer le village. De là, [la] surexcitation.
Le soir, une dizaine de Sénégalais au plus se rendirent au village pour faire des achats. Il y eut, paraît-il, des discussions comme il y en a toujours pour les questions de change, parce que les Arméniens auraient exagéré leur commission sur ces opérations. Les Arméniens se plaignirent de ce que les Arméniens feraient des avances aux femmes rencontrées et auraient même fait des gestes d’invitation. Que s’est-il passé après ? Les rapports sont assez contradictoires. Il semble que les Sénégalais auraient passé devant l’école des filles [arméniennes] dirigée par Madame Archagouni, que l’un d’eux se serait mis dans le chambranle et aurait fait quelques gestes, ou plus probablement, le large sourire du Sénégalais qui montre ses dents blanches. Madame Archagouni demandait il y a quelques jours s’il était vrai que les Sénégalais étaient anthropophages et qu’ils se nourrissent de petites filles.
Une peur intense s’empara des enfants et des jeunes filles, qui s’enfuirent de tous côtés en criant au secours. Aussitôt, croyant au viol, les hommes [arméniens] de Deurtyol bondirent dans la rue, avec des fusils de toutes espèces, coutelas, revolver, donnèrent une chasse intense aux Sénégalais [un scénario remarquablement proche des scènes de lynchage dans le Sud profond, aux États-Unis, à la même époque], qui, pris de peur à leur tour, se trouvèrent sans armes, détalèrent au plus vite vers la caserne, suivis par une foule hurlante, bondirent au râtelier d’armes, bourrèrent leurs poches de cartouches et vinrent occuper hors de la caserne un petit mur se trouvant entre les bâtiments militaires et la ville. Ils se préparaient à tirer froidement sur la population [munie d’armes à feu et qui les avaient poursuivis pour les tuer, rappelons-le], lorsque le lieutenant Lemaire surgit au moment psychologique et, se plaçant devant la ligne, réussit à empêcher le feu. Un des Sénégalais lui présenta les armes ; ce geste sauva la situation. L’ont pu causer, le lieutenant Massimy arriva, les Sénégalais rentrèrent dans leur casernement, la population dans la ville. Naturellement, les Arméniens étaient furieux ; [ils] avaient perdu ce soir-là toute confiance dans le Gouvernement [au sens de : gouvernorat du sandjak, l’équivalent ottoman du département] et dans la troupe [sénégalaise]. »



On trouve également sur le site du collectif VAN un texte qualifiant le militant arménophile (et turcophobe) Paul Rohrbach (1869-1956) de « grand savant », en omettant de parler de son racisme antinoir, qui dépassait très largement la moyenne de son temps, en Allemagne (moyenne pourtant déjà élevée), et omettant aussi, bien entendu, toute discussion sur son ralliement au nazisme. Le collectif VAN pourrait d’autant moins plaider l’ignorance, en l’espèce, que, pour une fois, l’urologue Yves Ternon, qu’ils aiment tant défendre, figure au premier rang des auteurs francophones ayant écrit sur le racisme de Rohrbach et son adhésion au Troisième Reich. L’excellence des relations entre Rohrbach et la Fédération révolutionnaire arménienne est tout à fait cohérente avec le soutien de cette même FRA à l’Italie fasciste, au moment de l’invasion de l’Éthiopie, justifié, dans la propagande mussolinienne, par un racisme dont la grossièreté commençait à passer de mode dans l’Europe démocratique.

Paul Rohrbach


Signalons enfin, pour l’anecdote, l’agitateur de Twitter Charles Vanetzian, autre apologiste de la Légion arménienne, qui tente, sans honte, de tirer profit de l’émotion suscitée par l’affaire George Floyd. Particulièrement maladroit, comme souvent, le hayctiviste a retweeté un tweet sur l’avocat arménien du Black Panthers Party, mouvement extrémiste noir, opposé au légalisme et à l’universalisme de Martin Luther King, lié aux terroristes palestiniens et prônant la violence, y compris homicide.



Voilà qui fait penser aux tentatives répétées, et désespérées, déployées par Charles Vanetzian pour cacher son antisémitisme viscéral et structurant. Le personnage a même osé affirmer qu’une caricature montrant un banquier au nez crochu et aux lèvres épaisses, et présenté qui plus est comme un complice de « massacres », par pur esprit de lucre, n’est pas antisémite.

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