« Les rapports de l’Italie, par l’intermédiaire de sa paradiplomatie,
avec les groupes nationaux-démocrates (géorgiens en particulier) se doivent
également à nombre d’initiatives individuelles. Ainsi, en janvier 1934, l’ambassade
italienne à Varsovie reçoit une lettre, qui est envoyée aussitôt à une
personnalité de très haut niveau au ministère des Affaires étrangères,
probablement à Mussolini lui-même. Il s’agit d’un projet rédigé en français par
[Léo] Keressdlidze, sur papier à en-tête du mouvement nationaliste pro-fasciste
géorgien, Thetri Guiorgui. Il
constate la nécessité de réunir “le parti national-démocrate et toutes les
organisations nationalistes géorgiennes et celles des différents peuples du
Caucase en une seule et même organisation fasciste”, dont le noyau devrait
justement être Thetri Guiorgui. »
(p. 58)
« La sympathie démontrée [par l’arménophile Lauro Mainardi, cadre du
Parti national fasciste et spécialiste du Caucase dans le régime mussolinien] à
l’égard de Thetri Guiorgui peut être
aussi due à la profession de foi plus clairement exprimée par cette
association. » (p. 71)
« Nous avons trop l’orgueil d’être français pour aller chercher hors de nos
frontières des exemples ou des leçons. […] Qu’on nous comprenne bien. Nous
éprouvons une grande admiration pour l’œuvre accomplie par M. Mussolini : du
chaos politique, économique et social dans lequel son pays menaçait de sombrer,
ce grand patriote a su faire surgir les hommes et les institutions grâce
auxquels l’Italie redressée, réorganisée, reconstituée, peut désormais
prétendre aux plus beaux destins. »
« Patriote passionné, défenseur résolu de la liberté et du véritable
progrès social, M. André Faillet est un ennemi acharné du marxisme et des
Soviets.
Il a combattu les socialo-communistes dans maints journaux, et dans d’innombrables
réunions, chassé de Paris le chef
judéo-socialiste Léon Blum, et participé à de nombreuses tentatives
antisoviétiques, en particulier lors de l’assassinat du général Koutièpoff. »
« Récemment constituée [erreur : il s’agit d’une rénovation du
Comité franco-arménien, créé en 1933 et neutralisé très rapidement par le
ministère des Affaires étrangères, soucieux de ne susciter aucun litige avec la
Turquie] sous la présidence de M. Louis Marin, député, ancien ministre, l’“Union franco-arménienne”, dont l’animateur
est notre confrère M. André Faillet, vient de donner une brillante
réception dont la nombreuse assistance était composée par la colonie arménienne
et ses amis français.
[…]
Des discours furent
prononcés par MM. Louis
Marin, René Fiquet, ancien président du conseil municipal de Paris ; le
sénateur Justin Godart ; le poète Archag
Tchobanian ; A[lexandre] Khatissian, ancien président du Conseil d’Arménie, et
André Faillet, délégué général de l’“Union franco-arménienne”. »
« Les Syriens
sont-ils des étrangers ? » (éditorial non signé), L’Œuvre (journal autrefois de gauche
et turcophile, devenu fasciste après sa prise de contrôle par Marcel Déat en
1940), 17 août 1941, p. 1 :
« Il paraît que la loi du 16 août 1940, interdisant l’exercice de la
médecine à tous les praticiens d’origine étrangère, n’est pas très
vigoureusement appliquée. Il se peut bien, en effet, que l’on ait pris toutes
sortes de précautions à l’égard de personnes puissamment recommandés, même s’ils
sont aussi peu aryens que possible, et si leur origine non française est
surabondamment prouvée. En revanche, la loi a été appliquée sans ménagement, et
avec une parfaite brutalité, à des gens à qui la France aurait pu manifester un
peu plus de reconnaissance, et qu’il est simplement odieux de considérer comme
des étrangers.
Nous voulons parler d’un petit nombre de médecins d’origine arménienne,
devenus syriens de fait ou de droit, et qui ont délibérément choisi, pour y
faire leurs études, la Faculté de médecine de Beyrouth. Après quoi, ayant, pour
beaucoup d’entre eux, servi la France dès l’autre guerre [1914-1918], ils ont
été naturalisés français, ce qui n’était qu’une formalité entérinant une volonté
dès longtemps affirmée, et ils ont exercé leur métier en des coins de France divers,
où la sympathie de la population ne leur a pas manqué.
Les Arméniens ne sont pas
des Juifs, autant que
nous sachions, et la France les a toujours considérés comme ses protégés. Les
Syriens ne sont pas des étrangers, autant que nous puissions en juger. […]
Nous demandons instamment au nouveau secrétaire d’État à la Santé publique,
et au ministre de l’Intérieur, de qui il relève, de bien vouloir examiner une
situation exceptionnelle, qui appelle, pour l’honneur de la France et pour son
bon renom dans le Proche-Orient, un rapide redressement. »
« C’est avec une bien vive satisfaction que je lis dans l’Œuvre de ce matin, je lis l’éditorial
que vous avez consacré à nos frères [souligné
dans l’original] arméniens.
Acte de justice, dont je tiens à vous remercier chaleureusement, au nom de
l’Union franco-arménienne ; notre gratitude, aussi, pour un noble peuple
qui, depuis l’époque des Croisades, […] est demeuré fidèle à notre
traditionnelle amitié.
De race purement aryenne et
n’ayant jamais toléré la moindre infiltration sémitique, les Arméniens — qui ont constitué un des
plus anciens États chrétiens — sont, depuis des siècles, les pionniers de l’influence
et de la culture française en Orient.
Ils furent nos héroïques compagnons d’armes pendant la guerre de 1914-1918,
servant doublement sous nos drapeaux (Légion étrangère et Légion d’Orient) et
sacrifiant à la cause commune le quart de leur population massacrée. […]
Aussi est-il inadmissible — comme vous le soulignez si pertinemment — que
les médecins arméniens soient victimes de la loi du 16 août 1940. Dès le mois
de septembre de l’an dernier, je suis intervenu auprès du Dr Carle — alors
secrétaire général des syndicats médicaux — et des Pouvoirs publics. Depuis, d’autres
démarches ont été faites, auxquelles plusieurs grands maîtres français ont tenu
à s’associer. […]
Tout récemment, d’ailleurs,
à la demande de l’Union franco-arménienne, qui compte nombre d’éminentes
personnalités, le gouvernement du Maréchal [Philippe Pétain] a mis à l’étude un
statut spécial, conférant aux Arméniens une protection et les garanties que justifie leur loyalisme reconnu [y
compris au régime de Vichy, donc] et leur participation à nos charges
nationales. »
« Salle Pleyel, sous la présidence de M. l’ambassadeur de France [Georges] Scapini
et de l’Union franco-arménienne, le Gala des étudiants arméniens s’est déroulé
au profit du Comité central d’assistance aux Prisonniers de guerre et de la
famille du prisonnier. »
Rouben Khérumian (médecin
arménien lié
à l’occupant nazi), Introduction à l’anthropologie
du Caucase : les Arméniens, Paris, Paul Geuthner, 1943, p. 10 :
« L’Union franco-arménienne a bien voulu se charger de surmonter les
difficultés auxquelles se heurte de nos jours l’édition. Nous les remercions
très sincèrement, ainsi que M. M. Petrossian pour son aide dans nos démarches. »
« — Le chef de l’État [Philippe Pétain] a reçu en audience M. [Archag]
Tchobanian [vice-président de l’Union franco-arménienne animée par son ami André
Faillet], président du comité central des réfugiés arméniens [issu de la
transformation de la Délégation nationale arménienne après 1923], qui lui a
remis le second versement d’une collecte faite parmi la colonie arménienne de
Paris au profit des œuvres sociales du Maréchal. Le versement total atteint 909
885 francs. »
Remarquons la très grande discrétion, sur ce sujet, des auteurs favorables
au nationalisme arménien ou qui s’en réclament. Cyril Le Tallec évoque en deux
phrases l’Union franco-arménienne, mais, par manque de connaissances, il pense
qu’il s’agit vraisemblablement d’un regroupement de communistes renégats, « "retourné"
par des éléments pétainistes ou germanophiles », à cause de la similarité de
nom avec l’Union populaire franco-arménienne, créée en 1938 par le Parti
communiste pour succéder au Comité de soutien à l’Arménie (HOG) et dissoute par
le gouvernement Daladier en 1939 (La
Communauté arménienne de France, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 144). Edmond
Khayadjian, dans son ouvrage apologétique sur Archag Tchobanian (Archag Tchobanian et le mouvement arménophile, Marseille, CRDP, 1986), ne dit mot d’André
Faillet. Étant donné le travail systématique de M. Khayadjian dans la correspondance
de Tchobanian (qui se trouve désormais à Erevan), ce silence, sans vouloir
faire de procès d’intention, étonne.
Il est également étonnant de ne pas trouver la moindre mention de Faillet, dans
Claire Mouradian et Anouche Kunth, Les
Arméniens de France. Du chaos à la renaissance, Paris, Les éditions de l’attribut,
2010. Mme Mouradian a eu pour étudiant de thèse Georges Mamoulia,
pionnier de l’étude des rapports entre la Fédération révolutionnaire arménienne
et ses amis géorgiens d’une part, l’Italie fasciste d’autre part ; et c’est
dans un séminaire animé par cette même Mme Mouradian que Mme Penati,
citée ci-dessus, a parlé des rapports entre certains nationalistes caucasiens
et le régime mussolinien. Elle avait donc deux pistes à explorer (sans parler
de Tchobanian lui-même), qui auraient pu la mener à André Faillet.
J’en profite pour remercier l’auteur du blog Arménologie ; c’est en le lisant que j’ai eu l’idée de chercher des informations complémentaires sur
Tchobanian pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n’avais rien trouvé de
significatif aux archives de la préfecture de police de Paris, sur ce dirigeant
nationaliste arménien, pendant cette période en particulier.
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