Mim Kemal Öke, « The Responses of Turkish Armenians to the ‘Armenian
Question’ », dans Armenians in the
Ottoman Empire and Modern Turkey (1912-1926), Ankara, Boğaziçi University
Publications, 1992, p. 73 :
« Alors que la question arménienne était débattue à Lausanne [en décembre 1922], les Arméniens vivant
en Turquie ont fondé une organisation à Istanbul, intitulée “Association pour l’amitié
turco-arménienne” (Türk-Ermeni Teali Cemiyeti, ci-après TAFA). Annonçant
publiquement que cette organisation est le “seul représentant” du peuple
arménien en Turquie, il a envoyé deux télégrammes, le premier au Président de la
République, Mustafa Kemâl Paşa [Atatürk]
et le deuxième au principal délégué turc à la Conférence de Lausanne, Ismet
Paşa
[Inönü]. La TAFA a informé Ismet
Paşa que les Arméniens en Turquie lui avaient conféré la prérogative de
défendre légitimement les droits de la nation arménienne à la conférence et lui
étaient reconnaissants d’avoir accepté de remplir cette tâche à Lausanne. La
mise en place de la TAFA remontait à 1919, l'année même où la lutte nationale démarra
en Anatolie sous la direction de M. Kemal. L’association était alors connue
sous le nom de “Société Karabetian” ; elle avait été fondée dans une école
arménienne portant ce nom. [Petros Zeki] Karabetian, le directeur de cette école,
a avoué plus tard qu'il ne pouvait retenir ses larmes en voyant Istanbul
occupée. Rassemblant un certain nombre de Turcs arméniens autour lui,
Karabetian a fondé cette société à Istanbul et a activement coopéré avec la
“Société Karakol”, l’organisation de résistance nationaliste, pour aider les
kémalistes. Il semble que, malgré les
menaces des comités [nationalistes] arméniens,
la Société Karabétian fût active dans la contrebande d'armes et de munitions,
ainsi que dans la fourniture secrète d’argent aux forces nationalistes en
Anatolie. »
« Les Turcs et les
Arméniens », Stamboul, 1er
janvier 1923, p. 2 :
« Le maréchal Moustapha Kémal pacha vient de transmettre la réponse
suivante à un message d’une association arménienne de notre ville :
“Je suis très heureux et très touché des sentiments d’amitié et
d’attachement que vient de témoigner à l’égard du gouvernement de la Grande
Assemblée nationale de Turquie et envers moi-même, votre association créée dans
le but de travailler dans le domaine des arts et des sciences et de s’employer
au maintien de bons rapports entre les éléments turc et arménien. Je déclare
que tous les jeunes gens qui consacreront leurs efforts et leurs pensées aux
choses de la science et du savoir et travailleront pour le salut et le bien-être
de la patrie, sans se laisser prendre aux intrigues et aux excitations de
l’extérieur ou de l’intérieur, pourront toujours compter sur l’appui et la
protection de tous ceux qui aiment leur pays et qui lui sont dévoués. Je vous
souhaite un plein succès et recommande surtout aux jeunes camarades à qui
s’adressent ces paroles d’être des patriotes sincères pour la Turquie et de ne
plus prêter l’oreille aux suggestions extérieures qui ont créé la séculaire
question d’Orient.” »
« Pour le
rapprochement entre Turcs et Arméniens », Stamboul, 15 janvier 1923 :
« La réunion dont l’“Association de relèvement turco-arménienne” avait
pris l’initiative s’est tenue dans l’après-midi d’hier au premier étage de
l’ancien immeuble Duz de la grand’rue de Péra, où s’éditait la Renaissance, dans le local du Club
arménien mis à sa disposition et décoré aux couleurs turques. Le portrait du
maréchal Moustapha Kemal pacha occupait la place d’honneur.
L’assistance se composait à parts presque égales de Turcs et d’Arméniens.
Le docteur Adnan bey [Adnan Adıvar, mari
d’Halide Edip] s’était fait représenter par Madjid bey, directeur des
affaires politiques, et le patriarcat arménien par le grand-vicaire. Le préfet
de la ville Zia bey, le vali colonel Essad bey, le gouverneur de Péra Assim
bey, le directeur de la police étaient là, de même que l’ancien ministre de
l’intérieur Djélal bey.
Les honneurs étaient faits par le bureau de l’association, tandis que l’on
remarquait aussi par les présents un certain nombre de membres du Club arménien
et de la colonie [au sens de communauté]
arménienne, des jeunes gens et des journalistes turcs.
Il s’agissait, en donnant publiquement lecture de la lettre d’approbation
et d’encouragement du maréchal Gazi Moustapha Kémal pacha, adressée à
l’association, en réponse à son hommage, et que nous avons reproduite en son
temps, de contribuer à poser les bases d’une réconciliation entre deux éléments
qui vécurent confondus durant six siècles, — ainsi que le relevèrent les
discours qui furent prononcés. Comment ? En oubliant le passé. Les différents
orateurs se tinrent dans la note discrète et académique qui convenait, ne se
livrant à aucune récrimination, à aucune justification, ne rappelant du passé,
des “temps heureux” comme ils dirent, que la longue période d’harmonieuse
cohabitation qu’il est dans le désir des organisateurs de rétablir. Seul,
l’inspecteur de l’association se livra, dans son allocution, à une incursion en
tirailleur dans le domaine de l’histoire des autres peuples pour y chercher ce
qui lui paraissait ressembler à des analogies.
Nous avons pu constater ainsi que les Arméniens comptent parmi la jeunesse
turque des amis dont l’accent convaincu semblait révéler une sincérité des
sentiments d’autant plus manifeste qu’ils n’auraient pu avoir quelque intérêt à
en faire étalage ; et c’est la sincérité qu’ils ont réclamée aussi à leurs
coreligionnaires arméniens, les assurant de la possibilité, à ce prix, du
retour de l’intimité ancienne.
La lettre du
maréchal a été chaleureusement applaudie.
LES DISCOURS
M. Bédros Zeki [Petros Zeki
Karapetyan], directeur de l’établissement de Scutari d’où proviennent les
promoteurs de l’association, s’est félicité d’avoir pu leur inculquer les idées
qu’il voit mettre maintenant en pratique et les en a félicités. Il a lu ensuite
une pièce de vers pour glorifier l’auteur de la lettre d’approbation qu’ils ont
reçue.
M. Kérestédjian [Berç Keresteciyan,
directeur général de la Banque ottomane de 1914 à 1927, vice-président du
Croissant-rouge turc], l’un des présidents honoraires, a remercié
l’assistance d’avoir répondu à son appel. Il a relevé le caractère élevé et
sacré de l’œuvre poursuivie.
“Les Arméniens tendent la main aux Turcs et les pressent sur leur poitrine
: oublions et travaillons. Durant des siècles on fut si intime qu’un Turc, en
partant, confiait sa maison à un Arménien, et qu’il a entendu dire qu’il y eut
des gérants arméniens de biens de mosquées. C’est un malheur que des politiciens soient venus troubler cette harmonie. Ces deux races ne peuvent
vivre distantes l’une de l’autre. D’ailleurs, les Arméniens, dans la proportion
de 90 pour cent, n’ont pas partagé les idées de séparatisme émises par les révolutionnaires
[il est de fait que, sur environ 1 700 000
/ 1 750 000 Arméniens ottomans en 1914, environ 50 000 ont
franchi la frontière pour s’engager dans l’armée russe, et environ
100 000 ont participé aux révoltes intérieures ; même en y
ajoutant les espions et les volontaires de la Légion d’Orient, il n’est pas du
tout évident que la proportion des traîtres actifs ait dépassé 10 %].
C’est pourquoi il sollicite du gouvernement de la G. A. N. T., évitant une
différenciation, de les comprendre dans la même protection que les Turcs
(Applaudissements prolongés). Cela, au reste, est conforme aux termes de la
lettre de Moustapha Kémal pacha. Et, Dieu aidant, on vivra désormais la main
dans la main en frères. (Nouveaux applaudissements).”
Madjid bey, expliquant les causes de l’absence de S. E. Adnan bey, a
apporté son adhésion aux organisateurs, chose qu’il a d’autant plus plaisir à
faire qu’il n’est pas lui-même un étranger pour les Arméniens, ayant enseigné ,
autrefois, dans l’établissement de M. Carabédian [Karapetyan]. Les temps heureux durant lesquels régna l’accord
entre les deux éléments reviendra [reviendront], pourvu que la sincérité soit à
la base de ces initiatives. Il est persuadé que la mésintelligence, désormais
du domaine de l’histoire, a vécu sans retour, et il remercie, tant de la part
d’Adnan bey que du sien, pour la but de rapprochement poursuivi.
Mgr Cazazian, au nom du patriarcat, a dit que c’était un bonheur pour lui
de participer à cette fête destinée à contribuer à ramener le séculaire accord
amoindri par les événements mais que la sincérité se rétablira plus intense. Il
n’y aura plus de séparation et, pourvu que l’on laisse les Arméniens vivre en
paix avec les Turcs, le bonheur reviendra sur cette terre commune aux deux
races. Ceux qui ont fait ce premier pas ont fait une bonne action. Il les
félicite, il en espère un succès rapide, et il les remercie au nom de la
nation.
Le jeune Châdi bey, membre de l’association, a relevé l’œuvre réalisée.
Elle n’a pas été conçue sous l’effet des événements présents, mais il y a trois
ans, à un moment où les circonstances n’étaient guère favorables. C’est le
résultat de dix ans de réflexions et d’observations qui ont inculqué aux
promoteurs la conviction que des affinités de tempérament facilitent aux deux
races la cohabitation.
La série des discours a été close par celui du président honoraire Ismail
Mouchtak bey, qui, journaliste, a parlé en journaliste, en regrettant l’absence
de ses confrères arméniens parce que ceux qui tiennent une plume sont les
guides d’une nation et qu’ils peuvent contribuer plus que quiconque à la mener
dans la bonne voie comme dans la mauvaise. Ils sont à même de ramener
l’opinion. L’erreur est commune aux hommes. On peut se tromper, mais on
reconnaît son erreur, on se pardonne mutuellement, on oublie et l’on marche de
nouveau d’accord pourvu que l’on soit sincère. La presse peut contribuer à ce
résultat et si lui-même n’avait pas la conviction de pouvoir y travailler comme
journaliste, en écrivant dans le sens où il s’exprime, il n’aurait pas accepté
cette présidence. Il en est des nations comme des individus et sous un drapeau
commun, on peut travailler pour un avenir commun et glorieux.
Des applaudissements ont souligné de nombreux passages de ces discours. »
« La candidature
de M. Kérestédjian », Istanbul,
4 février 1935, p. 1 :
« M. Kérestédjian [Berç
Keresteciyan] a posé sa candidature à Afyon-Karahissar [sa ville de naissance].
“Citoyen turc, dit-il dans sa déclaration, tous mes efforts tendront à la
prospérité du pays.
Fidèle citoyen de la République fondée par Atatürk, mon but sera la
conservation de cette République.
Je pose ma candidature comme député indépendant de la nation turque, et non
comme représentant d’une minorité. J’exposerai donc librement mes pensées à la
Grande Assemblée nationale.
Je vous prie donc de porter à la connaissance des électeurs du second degré
[jusqu’en 1939, les élections à l’Assemblée
nationale turque étaient indirectes] de votre circonscription le but que je
me donne.
Berdj Kérestédjian, un des fondateurs du Croissant rouge, et ex-directeur
de la Banque ottomane.
3 février 1935.” »
« Les députés
indépendants », Istanbul, 9
février 1935, p. 1 :
« Voici les noms des candidats indépendants qui ont été élus aux
élections législatives, ainsi que leur circonscription :
Ankara : Dr [Nikola]
Taptas [Grec-orthodoxe]
Afyon : Kerestedjian »
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