« Les affaires
arméniennes », Stamboul,
8 mai 1914, p. 1 :
« Nous avons dit hier que les électeurs du second degré de la
communauté d’Erzéroum [Erzurum] avaient décidé de s’abstenir de participer
à l’élection des deux députés arméniens de cette ville, convaincus que les
délégués désignés par le patriarcat, Mourad et Vartkès [Serengülyan] Effendis, ne pourront pas obtenir la majorité de voix
nécessaire à leur élection.
Mgr Zavène, au cours de sa visite au ministre de l’Intérieur,
a entretenu aussi Talaat Bey de cette question. Il a prié le ministre de
prendre les dispositions voulues pour assurer le succès des deux candidats du
patriarcat.
Le ministre a assuré Mgr Zavène que ces candidats seraient
élus. »
Şaduman Halıcı, «
1914 Meclis-i Mebusan Seçimlerinde Ermeniler » :
« Cinq des députés élus au Parlement de 1914 (Halladjian, Zohrab,
Der Garabetyan, Boşgezenyan
et Serengülyan) ont été députés pendant trois mandats. »
Le vice-consul de France à
Van à Son Excellence Monsieur Delcassé, ministre des Affaires étrangères, 10
octobre 1914, Archives du ministère des Affaires étrangères, La Courneuve,
microfilm P 16745 :
« Tahsin Bey […] fut appelé l’année dernière [par Talat, ministre de l’Intérieur] à diriger ce vilayet [celui de Van, comptant la plus forte proportion d’Arméniens dans l’Empire ottoman].
C’est un fonctionnaire de la plus haute valeur. En quelques mois, il a réussi
à enrayer complètement le brigandage qui sévissait dans ce pays, à neutraliser
l’influence des éléments féodaux [kurdes]
et à rétablir partout l’ordre et la sécurité. Personne avant lui n’avait su s’imposer
ni manœuvrer avec autant de sens politique et d’autorité. Il est vrai que
toutes ses actions étaient approuvées d’emblée par le gouvernement central et
que cet appui lui assurait une pleine liberté d’action. »
Télégramme de Talat au préfet
d’Alep, transmis au sous-préfet d’Antep le 28 avril 1915, saisi par l’armée
britannique fin 1918, Salâhi Sonyel, « The Armenian
Question in the Light of New Documents », Belleten, XXVI/141, janvier 1972, pp. 59-60 :
« Veuillez fermer en une fois les sections des comités
Hintchak et Dachnak. […] Comme cet ordre est exclusivement destiné à empêcher l’extension
des comités, vous devez vous abstenir de l’exécuter d’une façon telle qu’il
entraînerait les éléments musulman et arménien à se massacrer. »
Note de Talat à Sait Halim Pacha, 26 mai 1915, Hikmet Özdemir et Yusuf Sarınay (éd.), Turkish-Armenian
Conflict Documents, Ankara, TBMM, 2007, pp. 58-59 :
« Les aspirations séparatistes, suscitées par les promesses et les menaces
répandues parmi les sujets arméniens par des individus que des mensonges ont
dupés, sont entretenues par divers moyens. Les manifestations de ces
aspirations séparatistes, qui ont été observées de temps à autre sous la forme
d’attaques contre les forces de sécurité et de soulèvements armés, suscitent
des sentiments de haine de la part d’autres sujets fidèles à l’État et imposent,
dès lors, d’agir pour protéger l’existence même de l’État. Cela pourrait
entraîner des événements fort déplaisants, qui ne seraient pas souhaités par l’État.
Malgré le fait que des résultats concrets aient été obtenus grâce aux
politiques suivies et aux réformes à grande échelle mises en œuvre, des pays
étrangers continuent leurs actions de tromperie.
[…]
Malheureusement, pendant que l’on cherche les moyens d’apporter une
solution définitive à ce problème, certains des Arméniens vivant à proximité
des champs de batailles se sont récemment employés à créer des difficultés pour
notre armée dans sa lutte contre l’ennemi [russe] et pour protéger les
frontières ottomanes. Ces Arméniens tentent d’entraver les opérations de l’armée
et le transfert de ravitaillements et de munitions. Ils combinent leurs
aspirations et leurs activités avec celles de l’ennemi et combattent contre
nous dans les rangs de l’ennemi. À l’intérieur du pays, ils osent mener des attaques armées contre les forces militaires et les civils innocents, commettre
des meurtres et des pillages dans les villes et villages ottomans,
approvisionner la marine ennemie [britannique] et pour les informer des places
avec des postes fortifiés.
Le comportement de ces
éléments rebelles a rendu nécessaire leur retrait de la zone d’opérations
militaires et l’évacuation des villages servant de bases opérationnelles et d’abris
aux rebelles. […]
Une décision a été prise
pour assurer le confort de ces sujets [arméniens]
en route vers les lieux alloués à leur réinstallation. Assurer l’arrivée des
sujets sur les lieux de réinstallation, faciliter leur repos et protéger leur
vie et leurs biens pendant leur voyage. De même, leur fournir de la nourriture
et un abri grâce au fonds
des immigrants jusqu’à leur installation définitive, et leur répartir les biens
immobiliers et les terres proportionnellement à leur situation financière et
économique antérieure. Construire des maisons pour ceux qui sont dans le besoin
et, si nécessaire, distribuer des semences aux agriculteurs et des outils aux
artisans, restituer les biens transférés de manière convenable, les propriétés
et les possessions qu’ils avaient laissées derrière eux, ou l’équivalent
monétaire de ces propriétés et possessions, installer les immigrants et les
tribus dans les villages évacués et répartir les biens immobiliers et les
terres entre eux après avoir évalué les prix de ces propriétés. »
Minutes du conseil des
ministres ottoman, 29 septembre 1915, ibid., p. 294 :
« Résumé
Le rapport du ministre de l’Intérieur [Talat]
a été lu.
Décision
Comme il est indiqué dans le rapport mentionné ci-dessus, il a été entendu
que lors du transfert des Arméniens, dont il avait été décidé de se déplacer
vers d’autres endroits pour des raisons militaires et pour le maintien de l’ordre
public, des actions illégales et des abus de ont été commis, dans un certain
nombre d’endroits. C’est pourquoi, afin de mener l’enquête nécessaire et de
traduire les auteurs de tels actes devant les tribunaux militaires, il a été
décidé de former trois commissions qui seront envoyées dans trois secteurs
différents. […] »
Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Paris, Triangle,
1984 :
« La note codée du 14 juin 1915 (1er juin 1331) est assez
importante :
“La préfecture d’Erzurum nous a informé qu’une colonie de 500 Arméniens qu’on
avait fait partir d’Erzurum a été tuée par des tribus entre Erzincan et
Erzurum. Il faudra veiller à défendre la vie des Arméniens que l’on met sur les
routes ; il faudra, bien entendu, châtier ceux qui, pendant leur transfert,
tenteront de fuir ainsi que ceux qui attaqueront les personnes chargées de la
protection. Mais il ne faudra jamais mêler à cela la population. Nous ne devons
laisser absolument aucune possibilité à ce que se reproduise ce genre d’événements.
En conséquence, il faudra prendre toutes
les mesures qui s’imposent pour protéger les Arméniens contre les attaques des
tribus et des villageois ; il sera également nécessaire de punir
sévèrement les meurtriers et les voleurs.” » (p. 256)
« Ceux qui furent reconnus coupables furent déférés au tribunal de
siège. Voici le nombre des cas dans quelques provinces et arrondissements :
Sivas : 648
Mamuretelaziz : 223
Diyarbakir : 70
Bitlis : 25
Eskisehir : 29
Sebinkarahisar : 6
Nigde : 8
Izmit : 33
Ankara : 32
Kayseri : 69
Syrie : 27
Hüdavendigar : 12
Konya : 12
Urfa : 189
Canik : 14 » (pp. 258-259)
Gilles Veinstein (professeur
d’histoire ottoman au Collège de France), « Trois questions sur un
massacre », L’Histoire, n° 187, avril
1995, p. 41 :
« Au demeurant, quels que soient les indices qu’on estimera pouvoir en
tirer en faveur d’une implication du gouvernement ottoman, il restera à
expliquer comment dans le même temps les autorités d’Istanbul dénonçaient les
exactions commises contre les Arméniens, en interdisaient le renouvellement,
traînaient les coupables devant des cours martiales. On a ainsi connaissance de 1 397 cas de condamnations d’agents ottomans
pour crimes contre les Arméniens, dont des condamnations à mort [9]. Dans
la région de Harput en particulier, où de terribles violences contre les
Arméniens étaient commises, selon le témoignage du consul américain Leslie A.
Davis, avec l’accord du gouverneur qui affirmait agir sur ordre de la capitale
[10], 233 procès en cour martiale furent intentés contre des officiels ottomans
accusés de crimes contre les Arméniens, suivis de condamnations [11]. »
Télégramme de Talat au
directeur des Migrations, 27 octobre 1915, Hikmet Özdemir et Yusuf Sarınay (éd.), Turkish-Armenian Conflict…, p. 351 :
« Il a été communiqué par télégramme du 23 octobre 1915 du
commandement de la IVe armée qu’un montant minimum de cent mille livres
ottomanes est nécessaire pour l’approvisionnement alimentaire des convois
arméniens, étant donné que chaque jour, une partie des personnes faisant partie
de ces convois meurent de faim. Puisque cette demande d’argent nous laisse
penser que les mandats ne sont pas entièrement payés par les bureaux locaux du
Trésor public, nous avons besoin de votre avis sur la situation exacte, c’est-à-dire
savoir si la somme déjà allouée à cet effet est suffisante ou non. »
Guenter Lewy, The Armenian
Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press,
2005, p. 65 :
« William Peet, responsable de l’assistance américaine [principalement pour les Arméniens] à Constantinople,
se souvient que Talat Pacha “accordait toujours une prompte attention à mes requêtes,
me saluant fréquemment par ces mots lorsque je lui rendais visite dans son
bureau : ‘Nous sommes partenaires, que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?’”
»
Yücel Güçlü, The Holocaust and
the Armenian Case in Comparative Perspective, Lanham-Boulder-New York,
University Press of America, 2012, p. 86 :
« Durant la Première Guerre mondiale [et en fait jusqu’à la dissolution
de l’Empire ottoman, en 1922], Hrant Abro, arménien, était le conseiller
juridique du ministère ottoman des Affaires étrangères et il accompagna Talat
Paşa, Grand vizir, et Ahmed Nesimi Bey, ministre des Affaires étrangères, lors
des négociations de paix tenues à Brest-Litovsk, avec les Soviets, qui
conduisirent au traité du 3 mars 1918 restituant aux Ottomans les districts de
Kars et Ardahan, annexés par la Russie en 1878, et abandonnant toute
revendication russe en matière de privilèges capitulaires dans l’Empire
ottoman.. »
Discours de Talat Pacha, 1er
novembre 1918, reproduit dans Yusuf Hikmet Bayur, Türk lnkliâbi Tarihi, Ankara, TTK, 1983, tome III, volume 3, p. 43 :
« La question de l’émigration des Arméniens a été l’une de celles dont
on a le plus entendu parler dans les cabinets de guerre, à l’intérieur du pays
et surtout à l’étranger.
En premier lieu, il faudrait préciser que les rumeurs sur le déplacement et
le massacre ont été très excessives. Les publications arméniennes et grecques
ont répandu les accusations d’atrocités à grand fracas et en grossissant les
choses, certaines de l’effet que de telles accusations produiraient sur l’opinion
publique en Europe et en Amérique, une opinion qui ne connaît pas les Turcs, ou
qui ne les connaît que fort peu.
En disant cela, je ne veux absolument pas nier les faits. Je désire
seulement dire la vérité et faire table rase des exagérations. Si l’on met de
côté celles-ci, beaucoup d’affaires tragiques sont effectivement survenues lors
du transfert. Mais aucune de celles-ci ne s’est produite sur un ordre donné par
la Sublime Porte. La responsabilité de ces actes incombe avant tout à des
éléments qui ont agi de manière inadmissible. Sans aucun doute, les Arméniens
ne sont pas tous responsables de ce qui s’est produit. Mais pendant une guerre
qui devait décider de la vie ou de la mort d’un pays, il était nécessaire de ne
montrer aucune indulgence envers ceux qui gênaient les mouvements de l’armée et
qui mettaient en danger la sécurité de celle-ci et la sûreté du pays en fomentant
des insurrections sur les arrières. Les bandes de francs-tireurs arméniens
gênaient les mouvements de nos armées dans la région d’Erzurum et trouvaient
aide et protection dans tous les villages arméniens.
Lorsqu’ils se trouvaient en position difficile, sur un appel lancé, tous
les villageois couraient dans les églises chercher les fusils qu’ils y avaient
cachés et accouraient pour les aider. Nous ne pouvions pas tolérer qu’ils se
trouvent ainsi sans cesse sur les arrières de l’armée, coupant nos lignes de
retraite, ni tolérer le danger qu’ils pouvaient faire encourir à nos services
en retrait du front. Les informations venant des armées ainsi que les notes
envoyées sans cesse par les gouverneurs, nous ont finalement mis dans l’obligation
de prendre des mesures catégoriques.
La question du transfert est avant tout le résultat de mesures prises en
raison des nécessités créées par l’état de guerre.
Ce que je voudrais préciser est que, partout, le transfert des Arméniens a
eu lieu dans des conditions régulières et seulement dans la mesure où la
nécessité y contraignait. Dans plusieurs endroits, les hostilités accumulées
depuis longtemps ont explosé et ont occasionné des abus que nous n’avions
absolument pas souhaités. Certains fonctionnaires ont manifesté une violence et
une cruauté excessives. J’avoue également que, dans de nombreux endroits,
beaucoup d’innocents ont été injustement sacrifiés. »
Lire aussi :
L’assassinat
du maire de Van Bedros Kapamaciyan par la Fédération révolutionnaire arménienne
(1912)
Le
caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)
La
nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en
1915
L’assassin
et menteur Soghomon Tehlirian : un modèle récurrent pour le terrorisme arménien
contemporain
Le
mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été «
authentifiés » au procès Tehlirian (1921)
Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam
L’urologue Yves Ternon : menteur sous serment
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
L’Empire
ottoman tardif et ses catholiques (y compris les Arméniens catholiques)
Le
grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens
Hamit
(Kapancı) Bey et les Arméniens
Artin
Boşgezenyan : un Jeune-Turc à la Chambre des députés ottomane
Le
rôle du député jeune-turc Dikran Barsamian dans la reconstitution du Comité
Union et progrès, fin 1918
L’Entente libérale (référence des « historiens » défendant le nationalisme arménien) : antijudéomaçonnisme, racisme antitsigane, putschisme, etc.
Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux
L’affaire
Bernard Lewis (1993-1995)