dimanche 21 février 2021

Les éloges répétés de l’assassin Mardiros Jamgotchian par Jean-Marc « Ara » Toranian



Mardiros Jamgotchian est un terroriste arménien, membre de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA, raciste antiturque, antifrançaise et antijuive), condamné en décembre 1981 à quinze ans de prison et quinze ans d’interdiction de territoire par la cour d’assises de Genève, pour l’assassinat de Mehmet Savaş Yergüz, secrétaire du consulat turc de cette ville. M. Jamgotchian fut défendu par l’avocat néofasciste Patrick Devedjian, qui centra sa défense sur la justification du terrorisme arménien en général et de cet assassinat en particulier. Cette stratégie de défense, ajoutée au fait que M. Jamgotchian n’a pas cherché à fuir, conduit inévitablement à penser que l’ASALA voulait tenter, en 1981, ce que son inspirateur Chahan Natalie (1884-1983 ; dirigeant de la Fédération révolutionnaire arménienne, exclu en 1929 à cause de son insistance à réclamer des attentats contre des dirigeants français et britanniques) avait fait en 1921, quand il avait organisé l’assassinat de Talat Pacha par Soghomon Tehlirian : instrumentaliser le procès, inverser les rôles.

 

Jean-Pierre Richardot, Arméniens, quoi qu’il en coûte, Paris, Fayard, 1982 :

« Genève, 19 décembre 1981

[…]

Le Palais de justice de Genève est comparable à un camp retranché. Partout, barrages, contrôles, fouilles. Le palais a déjà été plastiqué par des organisations arméniennes [l’ASALA] et les autorités suisses sont sur le pied de guerre. Il y a eu, en près d’un an et demi, une vingtaine d’attentats anti-suisses, attribués à des groupements arméniens [l’ASALA, toujours, utilisant divers noms pour brouiller les pistes]. » (p. 95)

« Témoin suivant, Ara [Jean-Marc à l’état-civil] Toranian, vingt-sept ans, Arménien de France, animateur du journal Hay Baykar (Combat arménien), organe du mouvement “Lutte arménienne” [sic : Libération arménienne, devenue Mouvement national arménien pour l’ASALA en 1982], proche [c’est le moins qu’on puisse écrire] de l’ASALA.

Le président : “Êtes-vous, oui ou non, un membre de l’ASALA ?”

A. T. : “Écoutez, je fais partie de ces Arméniens…”

Le président, cassant : “Je ne vous demande pas de commencer votre discours préparé d’avance ! Je vous ai posé une question. Répondez par oui ou par non.”

A. T. : “Non, je ne suis pas membre de l’ASALA.”

Le président : “En octobre 1980, une bombe éclate au Palais de justice de Genève. Est-ce vous qui avez posé cette bombe ?”

A. T. : “Mais…”

Le président : “Oui ou non ?”

A. T. : “Non.”

Le président : “Cet été, une bombe éclate aux grands magasins à Genève. Est-ce vous qui avez posé cette bombe, oui ou non ?”

A. T. : “Non.”

Le président : “Et la bombe qui a explosé à la gare Cornavin, est-ce vous qui l’avez posée ?

A. T. : “Non, et je voudrais dire que nous avons été les premiers à dénoncer ces attentats odieux qui ne servent pas le peuple arménien.” [affirmation dont je n’ai jamais trouvé la moindre confirmation et qui cadre mal avec les propos du même Toranian à l’automne 1981]

Le président : “Et ceux qu’Alec Yenicomechian préparait contre le consulat de Turquie ?

A. T. : “Alec Yenicomechian, il me semble, a été remis en liberté par une cour de justice suisse, dans ce palais même [après avoir été condamné à dix-huit mois de prison, assortis du sursis en raison de la crainte des représailles de l’ASALA]. C’est un héros du peuple arménien, comme Mardiros Jamgotchian.

Le président : “Un héros, c’est quelqu’un qui risque sa vie pour un idéal, pas un assassin.”

A. T. : “Je suis absolument d’accord avec vous. C’est pourquoi je suis venu, au nom du Comité de soutien aux prisonniers politiques arméniens, au nom de millions d’Arméniens, je suis venu dire que Mardiros Jamgotchian est pour nous tous un héros national. Ce jeune garçon s’est engagé dans la résistance arménienne, car le peuple arménien est dans une situation politique sans issue. […]

Le peuple arménien puise maintenant dans ses dernières forces. Là où il est décimé, il se bat pour vivre, et ses éléments les plus dévoués se sont constitués dans une Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie, dont fait partie Mardiros Jamgotchian. » (pp. 106-107)

 

[Jean-Marc « Ara » Toranian], « Éditorial », Hay Baykar, 1er juin 1984, p. 2 :

« À force de malheurs et de trahisons, les Arméniens finissent par être immunisés contre la souffrance. Le meilleur symbole de cette vérité demeure Mardiros Jamgotchian.

Le 9 juin il entamera sa quatrième année de détention. Trois ans déjà depuis son arrestation. Et encore 12 ans à tirer ! Et toujours sur son beau visage, la même sérénité, la tranquille assurance d'avoir fait son devoir, porté par la volonté invincible de son peuple à vivre. »

 

Ariane Bonzon, « Mourad Papazian et Ara Toranian, les deux visages du lobby arménien en France », Slate.fr, 2 mai 2015 :

« L’apparition dans les années 70 de l’Armée secrète de libération de l’Arménie (Asala, d’inspiration nationaliste et marxiste-léniniste) marque une seconde rupture familiale. Des attentats ciblent de nombreux diplomates turcs à Paris, Madrid, Vienne, Burgas, Beyrouth. Avec de 1975 à 1984, 46 morts et 299 blessés.

Pour Ara [Toranian], c’est le signal du réveil. “On n’avait pas le choix, la violence était notre dernier recours”, justifie le neveu transfuge. »

 

« 46e anniversaire de l’ASALA », armenews.com (site dirigé par Jean-Marc « Ara » Toranian), 20 janvier 2021 :

« Aujourd’hui 20 janvier, à 15h00, à l’occasion du 46e anniversaire de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA), un service commémoratif a eu lieu au mémorial de l’ASALA édifié au Panthéon arménien de Yerablur.

La cérémonie a été célébrée par le plus jeune ecclésiastique du Saint-Siège, en présence des combattants de la liberté de l’ASALA, des représentants et des partisans du Mouvement populaire arménien. »

Mardiros Jamgotchian n’est pas explicitement cité, mais, depuis la mort, en 2019, de Varoujan Garbidjian, le boucher d’Orly, il est le terroriste de l’ASALA encore en vie le plus connu — et il vit en Arménie.

 

Lire aussi :

Quand Jean-Marc « Ara » Toranian reprochait à la FRA de ne pas être assez terroriste (1981)

Quand la police française enquêtait sur le financement de l’ASALA, elle entendait le nom de Jean-Marc « Ara » Toranian

L’« antisionisme » constant de Jean-Marc « Ara » Toranian

1984 : l’exaspération du socialiste arménophile Joseph Franceschi envers son ex-ami Jean-Marc « Ara » Toranian

La justification insidieuse ou explicite de l’attentat d’Orly dans la presse arménienne de France

Quand Jean-Marc « Ara » Toranian menaçait d’attentats la France de la première cohabitation (1986)

Le 11 septembre, le terroriste Jean-Marc « Ara » Toranian publie un double hommage à deux autres terroristes

Le procès Gauin c. Toranian et Leylekian vu de la partie civile

Le fils de Jean-Marc « Ara » Toranian appelle à intimider la justice française

Monte Melkonian : assassin d’enfant, criminel de guerre, héros national arménien

Patrick Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et antiturc

Le terrorisme interarménien pendant l’entre-deux-guerres

vendredi 19 février 2021

L’urologue Yves Ternon : menteur sous serment

 


 

Comité de soutien à Max Kilndjian, Les Arméniens en cour d’assises. Terroristes ou résistants ?, Roquevaire, Parenthèses, 1983 (compte-rendu sténographique du procès du terroriste Max Hraïr Kilndjian, jugé pour tentative d’assassinat) :

« M. le président. — Vous connaissez l’accusé ?

M. Ternon. — Je ne pense pas l’avoir rencontré, mais je précise qu’ayant participé à de nombreuses réunions à Marseille, il est possible que je l’aie vu.

(PRESTATION DE SERMENT DU TÉMOIN.) » (p. 119)

« Si bien qu’au terme de l’année 1916, sur les 1 800 000 citoyens [arméniens] de l’Empire ottoman — ce qui représente le minimum des différentes discussions des recensements [premier mensonge : le recensement ottoman comptait 1 300 000 Arméniens en 1914, y compris ceux de confession catholique et protestante[1]] —, l’historien Arnold Toynbee dit qu’il y a une répartition en trois groupes des victimes :

— 600 000 personnes ont échappé à la mort ;

— 600 000 sont mortes sur le lieu même de leur arrestation, surtout dans la [sic] province orientale ;

— 600 000 environ en déportation. » (pp. 122-123)

 

Il a encore répété, toujours sous serment, le 4 février 2021, que « les deux tiers » des Arméniens ottomans ont été tués pendant la Première Guerre mondiale. Or, Toynbee, son unique source en l’occurrence, a écrit exactement le contraire : 600 000 morts et 1 200 000 survivants.

 

Arnold J. Toynbee, The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire: Documents presented to Viscount Grey of Fallodon, Londres, Hodder & Stoughton, 1916, p. 650-651 :

« Nous pouvons résumer cette enquête statistique en disant que, pour autant que nous puissions juger à partir des informations approximatives dont nous disposons, le nombre d'Arméniens en Turquie qui ont échappé à la déportation, le nombre de ceux qui ont péri à cette occasion et de ceux qui y ont survécu semblent à peu près les mêmes ; et on ne se trompera pas de beaucoup si, en nombres ronds, on estime chacune de ces catégories à 600 000. »

 

Arnold J. Toynbee, The Western Question in Greece and Turkey, Londres-Bombay-Sydney, Constable & Co., 1922, p. 342 :

« Pendant la guerre européenne [1914-1918], alors qu’en Angleterre, certains invoquaient l'ascendance nomade des Turcs ottomans afin de rendre compte du meurtre de 600 000 Arméniens, 500 000 nomades turcophones d'Asie centrale, appartenant à la Confédération kirghizo-kazake, étaient exterminés — également en exécution d’ordres supérieurs — par ce “le plus juste de l'humanité”, le muzhik russe. Des hommes, des femmes et des enfants ont été abattus ou ont été mis à mort de la façon la plus horrible, en se faisant voler leurs animaux et leur équipement, puis en étant chassés en plein hiver pour périr dans la montagne ou dans le désert. Quelques chanceux se sont échappés en passant de l'autre côté de la frontière chinoise. Ces atrocités ont été courageusement dénoncées et dénoncées par M. Kerensky à la Douma avant la première révolution russe, mais qui a écouté ou s'en est soucié ? Ni le gouvernement du tsar, ni le grand public occidental. »

 

Dans son article « The Truth About Near East Atrocities », Current History, XVIII-4, juillet 1923, pp. 544-551, Toynbee ne revient pas sur la question des chiffres et renvoie au Livre bleu de 1916 (The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire, cité ci-dessus), tout en reconnaissant une « part d’exagération » dans les récits compilés.

Toujours lors du procès du 4 février 2021, M. Ternon est allé jusqu’à dire, après avoir prêté serment, que j’ai été « condamné », ce qui est, une fois de plus, le contraire de la vérité. J’ai relevé ces deux mensonges (sur l’estimation de Toynbee et ma « condamnation » imaginaire) à l’audience. La défense n’a rien tenté pour me contredire.

 

Sur d’autres contrevérités du menteur Ternon :

Non, il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le contraire)

Cinq témoignages américains contredisant la prétendue « extermination des chrétiens du Pont-Euxin » en 1921

Le consensus de la presse française pour attribuer l’incendie d’İzmir (« Smyrne ») aux nationalistes arméniens (1922)

 

Sur ses références :

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

 

Sur son rapport au terrorisme :

L’approbation du terrorisme par les polygraphes de la cause arménienne



[1] Meir Zamir, “Population statistics of the Ottoman empire in 1914 and 1919,” Middle Eastern Studies, XVII-1, janvier 1981, pp. 89-99.


mardi 16 février 2021

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès


 Vahakn Dadrian et son étudiant de thèse Taner Akçam

 

Vahakn Dadrian, « The Convergent Roles of the State and a Governmental Party in the Armenian Genocide », dans Levon Chorbajian et George Shirinian, Studies in Comparative Genocide, New York-Londres, St Martin’s Press, 1999, p. 120, n. 16 :

« […] Général Chérif Pacha [pionnier du nationalisme kurde, antisémite, lié aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et admirateur déclaré du régime de Vichy], “L’Asie Mineure en danger”, La Revue, XXIV-9, 1er mai 1913, p. 11. Le troisième auteur, bien connu pour son histoire générale [sic] de la Cilicie moderne, insiste, dans son livre, sur le fait que ce fut sous la pression des loges maçonniques de Salonique que l’Ittihad [Comité Union et progrès] décida du massacre d’Adana : Paul du Véou, La Passion de la Cilicie, Paris, Paul Geuthner, 1954, p. 101. »

 

Il a déjà été vu ici que Paul de Rémusat, alias Paul du Véou, était un agent d’influence de l’Italie fasciste, obsédé par le « complot judéo-maçonnique » ou « judéo-maçonnico-dönme » (les dönmes étant un rameau de l’islam formé de descendants de Juifs convertis, très attaqué par de Paul de Rémusat/Paul du Véou). L’antimaçonnisme de feu Dadrian, sociologue qui jouait à l’historien, est ici explicite, l’antisémitisme à peine implicite, puisqu’il choisit délibérément un passage où il est question des loges de Salonique, formées en majorité de Juifs, puisque la majorité des habitants de cette ville, à l’époque, étaient israélites. Sur l’affaire d’Adana elle-même, l’auteur est plus radical que la Fédération révolutionnaire elle-même, puisque celle-ci a dit, à l’époque, et répété pendant des décennies, que le CUP n’avait rien organisé de criminel à Adana en 1909 : cf., par exemple, Sarkis Atamian, The Armenian Community, New York, Philosophical Library, 1955, p. 178, n. 20.

Or, Vahakn Dadrian n’était pas n’importe qui : très actif de 1964 à 2008, il a été, du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, la référence principale, au niveau international, et tout particulièrement aux États-Unis, pour la qualification de « génocide arménien ». Ce fut le mentor de Taner Akçam, à qui il a appris à falsifier les sources historiques. Vincent Duclert, qui a dû reconnaître tout récemment : « Je ne suis pas spécialiste du génocide arménien », mais qui se comporte depuis vingt ans comme si c’était le cas, n’a que du bien à dire de feu Dadrian, et surtout pas la moindre critique à présenter (cf., par exemple, son article « Les historiens et la destruction des Arméniens », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 81, 2004/1, pp. 137-153). Il est vrai que M. Duclert cite aussi Paul du Véou/Paul de Rémusat, de façon très favorable, dans son livre La France face au génocide des Arméniens, Paris, Fayard, 2015. En 1998, peu après avoir été élu à l’Académie arménienne des sciences, Vahakn Dadrian a été décoré par le président Robert Kocharyan.

 

Lire aussi, sur l’affaire d’Adana :

Le gouvernorat de Cemal Bey (futur Cemal Paşa) à Adana (1909-1911)

 

Sur la théorie du « complot judéo-maçonnico-dönme » :

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

Le vrai visage de « l’alternative libérale » au Comité Union et progrès et au kémalisme

L’« antisionisme » constant de Jean-Marc « Ara » Toranian

La place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien

 

Et sur son contexte :

L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

L'arménophilie de Lauro Mainardi

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

L’arménophilie de Johann von Leers

lundi 15 février 2021

L’« antisionisme » constant de Jean-Marc « Ara » Toranian


 

 

Bien connu des lecteurs de ce blog, M. Toranian a dirigé la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) de 1976 à 1983 ; il est coprésident du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF) depuis 2010.

 

Jean-Marc « Ara » Toranian, « Entretien avec la direction palestinienne : Abou Iyad », Hay Baykar, avril 1980, p. 12 :

« La cause arménienne et la cause palestinienne se ressemblent étrangement. Ces deux peuples ont été chassés de leurs terres. Les Palestiniens ont aussi attendu des dizaines d’années avant de commencer leur lutte. Au moment où la lutte armée de notre peuple s’affirme, il nous a semblé intéressant de rencontrer les fondateurs du renouveau palestinien. Intéressant car leur expérience du mouvement révolutionnaire est irremplaçable. »

 



Jean-Marc « Ara » Toranian, « La direction du Mouvement national arménien s’explique sur 9 questions », Hay Baykar, 30 juin 1983, p. 5 :

« L’alliance entre les forces révolutionnaires de la région est une nécessité face à l’alliance des forces impérialiste et sioniste. L’agression israélienne au Liban l’an dernier, en visant prioritairement la résistance palestinienne, a eu des répercussions sur la résistance arménienne. Cela montre à quel point notre cause est impliquée, objectivement, dans les fluctuations politiques de la région. »

 

[Jean-Marc « Ara » Toranian], « Un détail de la 1re Guerre mondiale », Hay Baykar, 1er février 1988, p. 7 :

« Le mensuel sioniste “France-Israël information” […] a commis dans son édition de décembre 87, paru en janvier (n° 144), un texte infâme, d’un certain Pierre-V. GROSJEAN, intitulé “Vous avez dit ‘génocide’ ?” (lire ci-contre). Non contents de persécuter les Palestiniens, les chrétiens, en Israël et dans les territoires occupés, les sionistes prétendent à présent se réserver le monopole du chagrin et de la pitié, en déniant au peuple arménien le droit de rappeler que, lui aussi a été victime d’un génocide. »

 

Jean-Marc « Ara » Toranian, « La faute aux puissances », armenews.com, 8 novembre 2020 :

« Que dire par ailleurs de la place que tient Israël dans ce tableau désolant, avec la vente de ses armes high-tech à l’Azerbaïdjan ? Tel-Aviv a fait de ce pays son principal allié dans la région, au nom de ses besoins énergétiques et de ses plans contre l’Iran. Mais ces intérêts géostratégiques justifient-ils que l’on donne les moyens au régime Aliev de tuer tous les jours plus d’Arméniens ? Et ce, alors que l’État hébreu avait déjà vu son crédit moral entamé à leur égard, avec entre autres sa non-reconnaissance du génocide ? Une lâcheté visant à ne pas contrarier la Turquie, paraît-il. »

 

Et pour ceux qui douteraient encore de la nature de cet antisionisme, voici, encore une fois, la couverture d’Hay Bayar, en 1987, montrant un banquier stéréotypé, au nez crochu et aux lèvres épaisses :



 

Lire aussi :

L'"antisionisme" de la mouvance ASALA

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Quand la police française enquêtait sur le financement de l’ASALA, elle entendait le nom de Jean-Marc « Ara » Toranian

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dimanche 14 février 2021

Le minuscule monument commémoratif de la Shoah d’Erevan a encore été vandalisé


 


« Holocaust memorial in Yerevan, Armenia vandalized », The Jerusalem Post, 12 février 2021 :

« Le mémorial de la Shoah “Vivre et ne pas oublier” dans la ville d’Erevan (Arménie) a été profané avec de la peinture pulvérisée sur tous les mots écrits hébreux.

Le mémorial a été construit pour honorer à la fois l'Holocauste et les victimes du génocide arménien et se compose de deux piliers principaux, avec “Vivre et ne pas oublier: À la mémoire des victimes des génocides des peuples arménien et juif” écrit en arménien sur le pilier droit et hébreu sur le pilier gauche. »

Cela fait plus de dix fois, depuis l’érection de la première version, en 1999, que ce minuscule mémorial a été vandalisé. C’était arrivé, notamment, en 2004en 2005, en 2006, en 2007, en 2010 et en 2020.

Pour la première fois, certes, des condamnations claires sont venues de certaines autorités (le maire d’Erevan, un vice-président du Parlement), mais, outre que personne du pouvoir exécutif ne voit, pour l’instant, la nécessité de s’exprimer là-dessus, la présence en Arménie de cinq monuments à l’effigie du criminel nazi Garéguine Nejdeh, de dix-neuf rues à son nom, sans compter le mausolée de Drastamat « Dro » Kanayan, autre criminel nazi, ne peut qu’inciter à répéter ce type d’actes néonazis. Ceux qui affirment condamner cet acte tout en révérant Nejdeh sont au mieux inconséquents, au pire, hypocrites.


Lire aussi :

La popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en Arménie même

Les activités collaborationnistes de Garéguine Njdeh en Bulgarie

La Fédération révolutionnaire arménienne rend encore hommage à son ex-dirigeant Garéguine Nejdeh (nazi)

Le regard sans complaisance de Nune Hakhverdyan et Arman Grigoryan sur la situation intellectuelle en Arménie et en diaspora

Le régime bananier arménien se flatte de ses liens avec l’extrême droite allemande

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Après tout, qui se souvient de ce que faisait Vahan Papazian pendant la Seconde Guerre mondiale ? Du maquis des fedai à la collaboration avec le IIIe Reich, en passant par le soutien au Khoyboun : l'engagement de toute une vie au service de la FRA-Dachnak

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jeudi 11 février 2021

Les nationalistes arméniens n’aiment pas la justice française (et ne l’ont jamais aimée)


  


https://fr-fr.facebook.com/vasken.toranian.3/posts/1512881118906804?__tn__=H-R





https://www.facebook.com/dzovinar.melkonian/posts/10221939016919419?__cft__[0]=AZVcuAv4brIW2Hsa1zRQBB6HIj7OZ20cNTAdzDdjPmdnSHG8T4_thcmEHTEauwlCNj3HqU8pLpaJruOYp4ywPQkSG7hTfii9pVLe6o0Y5bFj02yX1VnK-dN-sSowA3h7ZmU&__tn__=%2CO%2CP-R


Ces commentaires portent sur le procès que j’ai intenté à Jean-Marc « Ara » Toranian, ancien chef de la branche « politique » de l’ASALA en France, actuellement directeur des Nouvelles d’Arménie magazine, et à Laurent Leylekian, ancien directeur de France-Arménie : les juges sont vitupérées pour m’avoir laissé parler, moi et mon avocat. Voilà où en sont ces gens.

 

Il faut dire que l’exemple vient d’haut, comme en témoigne ce communiqué (3 février 2021) du Conseil de coordination des associations arméniennes de France :

« Le CCAF condamne avec la plus grande fermeté les dernières manoeuvres visant à faire abolir la loi de reconnaissance du génocide des Arméniens, votée il y a 20 ans le 29 janvier 2001. La QPC que déposera Maitre Pardo devant la 17e chambre correctionnelle de Paris contre ce texte le jeudi 4 février, représente une nouvelle tentative des milieux proches de l’État turc de servir ses agissements négationnistes, qui constituent le volet politique de l’entreprise d’extermination. »

Ce qui revient à dire qu’une transmission de la QPC reviendrait à se rendre complice d’une « entreprise d’extermination », pas moins. Et les lecteurs de ce blog savent ce que les dirigeants du CCAF ont prôné en pareil cas : le terrorisme. Ce conflit frontal, cette prétention délirante à inverser les rôles, n’est d’ailleurs pas nouvelle et se retrouvait à l’époque des pires attentats, comme celui d’Orly :

 

« Procès des boucs émissaires de la répression anti-arménienne à Créteil », Hay Baykar (journal dirigé par Jean-Marc « Ara » Toranian), 12 janvier 1985, p. 4 :

« Le 11 décembre [1984] s’ouvre à Créteil le procès d’Avétis Catanessian, Ohannès Catanessian, Roobig Avanessian, Nercès Tasci, Antoine Achkoyan et Bedros Halabian. Les audiences vont durer quatre jours, quatre jours pendant lesquels la partie civile [Turkish Airlines], émissaire direct du gouvernement turc, va tenter, sous la houlette de Maître [Christian] de Thézillat, orchestrateur d’une partie civile acharnée et opiniâtre, de faire du procès celui du terrorisme aveugle, amalgamant indifféremment organisations combattantes et politiques, MNA [Mouvement national arménien, dirigé par M. Toranian, branche « politique » de l’ASALA jusqu’en août 1983] et ASALA, brandissant inlassablement le spectre de l’attentat d’Orly, qui, bien qu’étranger aux débats [sic ! c’était justement le sujet principal] plana pendant les audiences et les trois jours de délibération du tribunal. […]

Cynisme de l’histoire, parodie de la justice : les Arméniens une fois de plus sont les accusés là où ils devraient être les accusateurs.

Au cours de ce procès à haute tension, dans une salle bourrée et fébrile, deux interventions déterminantes vinrent marquer de leur empreinte les débats, et donnèrent au procès sa véritable dimension politique. Ce fut d’abord la déclaration d’Avédis Catanessian, martelant devant ses juges sa foi dans le combat politique [sic] dans lequel il s’était investi, demandant justice pour son peuple, affirmant le droit de ce dernier à lutter pour ses terres, pour sa liberté. Puis, enfin, clôturant le procès, la plaidoirie de Maître Leclerc, chargée d’une émotion et d’une intensité rare, qui replaça le débat dans sa véritable dimension et en extirpa le véritable fondement : le droit d’un peuple, face à une injustice totale, d’entrer en résistance face à ses oppresseurs.

Mais la justice a des raisons que les pouvoirs publics semblent ignorer.

À l’issue de ces délibérations, les verdicts tombèrent, lourds et impitoyables, parfois même déconcertants. »

 

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mercredi 10 février 2021

Le procès Gauin c. Toranian et Leylekian vu de la partie civile


 


 D’habitude, j’écris le moins possible sur ce blog, dédié, comme son nom l’indique, aux sources ; mes commentaires visent à les rendre plus facilement intelligibles, quand il y a lieu. À titre exceptionnel, la source est ici mon témoignage.

 

Rappel des faits

J’ai porté plainte en septembre 2016 contre le député suisse Carlo Sommaruga, Jean-Marc « Ara » Toranian, ancien chef de la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) en France, directeur des Nouvelles d’Arménie magazine, et Laurent Leylekian, ancien directeur de France-Arménie — contre M. Sommagura pour m’avoir qualifié de « suppôt du pouvoir turc » et de « négationniste du génocide » arménien ; M. Leylekian pour avoir retweeté avec un commentaire aussi agressif contre moi que favorable à l’agression verbale ; M. Toranian pour avoir reproduit cette agression sur son site. Initialement, le procès était prévu pour décembre 2019, mais entretemps, dans une affaire similaire, la cour d’appel de Paris avait justifié des relaxes par la loi inconstitutionnelle du 29 janvier 2001, ce qui m’a conduit à faire déposer par Me Olivier Pardo une question prioritaire de constitutionnalité. Me Henri Leclerc, alors avocat de M. Toranian, avait fulminé en vain : la QPC fut enregistrée.

L’audience suivante fut fixée au 4 février 2021.

 

La QPC

Dans un premier temps, conformément aux règles, la QPC fut débattue : d’abord la plaidoirie de Me Pardo en sa faveur, puis celles de la défense, Mes Frédéric Forgues et Lucille Vidal, cette dernière s’occupant désormais seule des procédures engagées contre M. Toranian, son patron Henri Leclerc ayant récemment pris sa retraite. Mon avocat se centra sur l’applicabilité au litige (le texte législatif que nous contestons est cité pas moins de onze fois du côté de la défense et fonde la demande de relaxe) et sur la normativité ambigüe d’un texte déclaratif, sans sanction, mais prétendant parler au nom de la France. Un habitué du tribunal de Paris, venu, par curiosité, à l’audience, dit à un de mes amis que la défense s’était contentée de dénigrer notre QPC sans vraiment répliquer sur le fond. Je partage cette analyse. Il est vrai que l’inconstitutionnalité de la loi du 29 janvier 2001 est tellement criante que la défense était dans une position très inconfortable.

 

Les témoins de la défense

Cette dernière avait fait citer l’ex-urologue Yves Ternon et le spécialiste de l’affaire Dreyfus Vincent Duclert. M. Ternon approchant des 89 ans, la présidente de la 17e chambre correctionnelle (chambre de la presse) proposa que les témoins fussent entendus d’abord ; personne ne fit la moindre objection. Je doute fort que les deux intéressés et ceux qui les ont fait venir aient beaucoup apprécié la double performance ainsi donnée.

M. Ternon — arrivé sans cravate — dut avouer qu’il n’avait jamais rien lu de moi, qu’il me traitait de « négationniste » sans me connaître, et ce, après avoir revendiqué une expertise en matière de « négationnisme ». Ce jour-là, chacun put voir qui était cet homme, notamment lorsqu’il prétendit que j’avais été « condamné », ce qui est absolument faux. M. Ternon n’est même pas un menteur professionnel : c’est un menteur maladroit. Il s’est proclamé expert de la Shoah, de la médecine nazie, du « génocide arménien », du génocide des Rwandais tutsis et du « négationnisme » (ce terme incluant même, selon lui, ceux qui ne contestent pas l’existence du génocide des Rwandais tutsis mais qui utilisent cette qualification juridique pour les massacres de centaines de milliers civils hutus par les ethno-nationalistes tutsis). Il ne manquait plus que le Japon médiéval et l’Espagne franquiste. Me Pardo fit observer que cela faisait tout de même beaucoup pour un seul homme. M. Ternon ne trouva rien à répondre, sinon la prétention d’avoir passé toutes ses vacances à travailler sur l’histoire. Pour soutenir son intime conviction sur la tragédie de 1915-1916, il ne trouva comme référence que le manipulateur de sources Taner Akçam, dont les méthodes frauduleuses ont été démontées par divers historiens, dont moi.

M. Duclert se présenta avec encore plus d’assurance — mais pas pour de meilleures raisons. Son interrogatoire par Me Pardo fut un supplice qui dut lui paraître durer des heures. Dans sa déposition, M. Duclert s’en était — notamment — pris aux trois lettres de soutien que m’avaient adressées, respectivement, Michael M. Gunter, professeur de sciences politiques à l’université technique du Tennessee, Edward J. Erickson, ancien professeur d’histoire à la Marine Corps University et auteur d’une quinzaine de livres sur la Turquie et l’Empire ottoman ; et Pamela Dorn Sezgin, professeur d’histoire à l’université de Géorgie du nord. Me Pardo commença son interrogatoire en demandant à M. Duclert comment il avait pu avoir connaissance de ces lettres. La réponse fut fort étonnante : « Par mon avocat. »  Comment cela, par son avocat ? Nul n’a porté plainte contre M. Duclert. Se rendant compte de l’erreur monumentale qu’il venait de commettre, le témoin se mit à expliquer qu’il connaissait l’existence de ces lettres, mais qu’il n’en connaissait pas le contenu jusqu’à l’audience (Me Vidal lui en avait lu des extraits, au terme de sa déposition, pour l’interroger là-dessus). M. Duclert était tout de même très bien préparé pour quelqu’un qui découvrait le contenu sur le moment. Il dut finalement admettre avoir discuté avec la défense de M. Toranian et même lui avoir envoyé des articles pour parution dans Les Nouvelles d’Arménie magazine. La 17e chambre correctionnelle a dû voir comparaître, dans le passé, des témoins plus détachés.

Néanmoins, les souffrances de M. Duclert ne se sont pas arrêtées là — il s’en faut, il s’en faut de beaucoup. En effet, il avait cru pertinent de citer la page « Remerciements » de ma thèse, où j’exprimais ma gratitude envers Sümeyye Hoşgör (historienne) pour m’avoir traduit quelques documents ottomans et Monika Manişak-Paksoy (traductrice) pour m’avoir permis de comprendre un article en arménien ; il en déduisait cette critique : « M. Gauin ne sait pas lire l’osmanli et l’arménien. » Je me rappellerai toujours de cet instant, où, me tournant vers Me Olivier Pardo, je lui ai murmuré : « Mais lui non plus ! » D’où, évidemment, le moment venu, cette question : « Vous avez reproché à mon client de ne pas lire l’arménien et l’osmanli ; c’est donc que vous, vous comprenez ces langues ? » J’ai rarement assisté, dans ma vie, à un tel moment de gêne.

La gêne s’est presque transformée en suicide intellectuel quand M. Duclert a dû avouer : « Je ne suis pas spécialiste du génocide arménien. » Que venait-il donc faire dans cette galère ?

 

Les parties

M. Leylekian fut à la hauteur de sa performance lors du procès devant la même chambre (autrement composée), en 2013, et qui lui valut d’être condamné pour diffamation (une condamnation confirmée l’année suivante en appel). Il se surpassa même, lorsqu’il avoua candidement qu’il ignorait, jusqu’à ce jour, que la Cour européenne des droits de l’homme était composée de magistrats professionnels.

M. Toranian est un meilleur acteur, mais comme tant d’autres comédiens sexagénaires et possédant un demi-siècle d’expérience, il peine à sortir de son rôle favori. Sa déclaration fut on ne peut plus politisée, mêlant des sujets divers, jusqu’à des accusations absurdes contre la Turquie, à propos de la guerre arméno-azerbaïdjanaise de l’automne dernier — elle aurait envoyé « deux mille djihadistes » sunnites se battre pour un pays laïque à majorité chiite, allié d’Israël et trois plus peuplé que le voisin contre lequel il entamait une opération de reconquête territoriale (les territoires illégalement occupés depuis 1992-1993). La présidente lui expliqua aimablement que le tribunal préférait entendre des déclarations en rapport avec l’affaire, mais M. Toranian mit un certain temps à bien le comprendre. Interrogé par Me Pardo à mon sujet, M. Toranian avoua du « mépris » — sans expliquer précisément ce qui pousse ce titulaire d’un baccalauréat à me mépriser, moi qui ai un doctorat en histoire, et sans jamais apporter de contradiction spécifique.

Puis, ce fut mon tour de parler. Je me suis présenté aussi brièvement que possible. La présidente du tribunal m’a demandé des précisions sur les motifs de ma plainte, sur ma thèse de doctorat et sur les universités en Turquie. Mes réponses lui ont attiré ce commentaire : « C’est intéressant, ce que vous dites » ; et une autre question, pour aller plus loin sur le même sujet. Une des juges assesseurs m’a demandé ce qu’était l’AVIM, la boîte à idées où je travaille, et ce que j’y faisais. J’ai bien volontiers répondu. L’autre juge assesseur m’a demandé ce que j’avais publié sur la question arménienne : pour des raisons évidentes, j’ai répondu en donnant des exemples de publications hors de Turquie, notamment mon chapitre pour un ouvrage dirigé par Edward J. Erickson et paru chez le grand éditeur londonien Bloomsbury en décembre 2019. Cela m’a donné l’occasion de préciser que trois des quatre universitaires ayant lu le manuscrit ont nettement approuvé la parution de mon chapitre — le premier d’entre eux, Matthew Hugues, professeur d’histoire militaire, a même écrit : « c’est un chapitre fort — puissant ». Je me suis alors demandé, à voix haute : « Si j’étais vraiment le marginal que la défense décrit, comment aurais-je eu l’approbation de trois universitaires britanniques sur quatre ? » Je n’obtins pas de réponse.

Pour entrer plus précisément sur le fond, j’ai présenté plusieurs arguments contre la qualification de « génocide arménien » : l’échec des enquêteurs britanniques à trouver des preuves, ne fût-ce que contre un seul des 144 ex-dignitaires ottomans internés à Malte, de 1919 à 1921, ou contre l’État ottoman en tant que tel ; la nature contre-insurrectionnelle de la décision de déplacement forcé ; l’exemption pour environ 500 000 Arméniens ottomans et l’absence de tout équivalent des lois nazies de Nuremberg, du statut des Juifs sous Vichy ou des lois raciales (1938 et 1939) de l’Italie fasciste ; la répression, par l’État ottoman, des agissements criminels contre des Arméniens (1 397 condamnations entre octobre 1915 et janvier 1917) ; l’autorisation donnée aux missionnaires et humanitaires américains de distribuer des rations alimentaires, en plus de la nourriture déjà donnée par les fonctionnaires ottomans. Les trois juges prirent des notes. Les avocats de la défense ne tentèrent aucune objection là-dessus.

Toutefois, ayant parfaitement compris que son confrère Pardo allait utiliser la réponse de M. Toranian à mon sujet (le « mépris ») pour plaider plus aisément l’animosité personnelle (un critère qui exclut la bonne foi en matière de diffamation), Me Vidal me demanda ce que je pensais de son client. Je répondis que, pour ma part, je refusais de juger la personne, me centrant sur les faits et les actes. N’ayant pas renoncé à me déstabiliser — et, ce faisant, elle était dans son rôle de défenseur —, elle me demanda aussi de m’expliquer sur le tweet où j’écrivais : « Je ne doute pas un instant que Patrick Devedjian reste dans l’histoire du terrorisme antifrançais. » Ce fut donc pour moi l’occasion de rappeler, comme je l’ai déjà fait ici, que Patrick Devedjian avait annoncé, le 19 janvier 1983, l’attentat d’Orly, perpétré le 15 juillet de la même année et qu’encore en 1985, il osait qualifier de « résistance » les attentats de l’ASALA. Il n’y eut pas de relance sur ce sujet. J’eus, en revanche, droit à une autre question sur M. Toranian et sur le terme terroriste que j’emploie à son sujet. Une telle question appelait une réponse étayée par des faits précis, que j’ai donnés : l’article de M. Toranian expliquant que « les Mouvements nationaux et populaires pour l’ASALA [dont le sien] permettent d’engager une dialectique Peuple/Armée, Armée/Peuple[1] » (ce qui revient à admettre que son groupe était une vitrine de l’ASALA) ; sa déclaration de juin 1983, selon laquelle « nous ne nous désolidarisons pas de l’ASALA et nous reconnaissons toujours son rôle d’avant-garde de la lutte armée[2] » ; son éditorial de 1985, expliquant, à propos du verdict rendu pour l’attentat d’Orly, que « ces trois condamnations constituent un nouveau coup porté à la cause arménienne[3] » ; et son article en ligne du mois dernier, où les terroristes de l’ASALA étaient qualifiés de « combattants de la liberté ». Là, encore, il n’y eut pas de relance.

Après que j’eus fini, ce fut aux avocats de plaider. L’affaire a été mise en délibéré au 25 mars. Il est déjà possible de savoir comment cette audience a été perçue par les nationalistes arméniens en lisant le long cri de rage publié sur sa page Facebook par le fils de M. Toranian, et dont j’extrais ces lignes :

« J’ai vu la mort.

Hier, au tribunal de Paris, ce qui devait être un procès pour diffamation contre Ara Toranian s’est transformé en une plaidoirie de 9h consécutive [sic !] des attaquants visants à prouver qu’il n y a jamais eu de génocide des Arméniens. […]

On nous demande si « nous avons la haine ? » . On nous regarde comme des bêtes curieuses. On jette du sel sur des plaies ouvertes pour analyser notre niveau d’affect, comme des cobayes dans un laboratoire d’un mauvais film d’horreur. Tout ça, je l’ai vu hier.

Il me semble que ce qui se joue dans les tribunaux en France aujourd’hui est peut être la question la plus importante pour les arméniens de diaspora. »

 

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[1] Jean-Marc « Ara » Toranian, « Stratégie — Entre les Justiciers et l’ASALA, quelle politique ? », Hay Baykar, 29 septembre 1982, p. 6.

[2] « La direction du Mouvement national arménien s’explique sur neuf questions », Hay Baykar, 30 juin 1983, p. 4.

[3] « Éditorial », Hay Baykar, 11 mars 1985.

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