jeudi 30 décembre 2021

Les Arméniens et la croyance en la calomnie antisémite des « crimes rituels » à l’époque ottomane tardive


 

 

Henri Nahum, « Portrait d’une famille juive de Smyrne vers 1900 », dans Paul Dumont et François Georgeon (dir.), Vivre dans l’Empire ottoman : Sociabilités et relations intercommunautaires (XVIIIe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 166-167 :

« Périodiquement, aux alentours de la Pâque juive, la communauté juive est accusée d’avoir assassiné un enfant chrétien pour mêler son sang au pain azyme. Des émeutiers grecs et arméniens font irruption dans le quartier juif, molestent les passants, cassent les devantures des magasins, pillent les marchandises. On a beau retrouver quelques jours plus tard l’enfant disparu qui en général a fait une fugue, rien n’y fait : la calomnie de meurtre rituel renaît l’année suivante. À Smyrne, il y a eu des incidents analogues en 1888, 1890, 1896. Quelques mois après la photographie qui fait l’objet de cet article, en mars 1901, un jeune Grec disparaît. La foule envahit le quartier juif, conspue l’archevêque orthodoxe qui essaye de calmer les émeutiers, monte au clocher de l’église et sonne le tocsin. Le vali (gouverneur) rétablit le calme et ordonne un procès. On retrouve le jeune garçon disparu qui était allé passer quelques jours à Tchechmé chez des amis. »

 

« VI. Fausses accusations », Bulletin de l’Alliance israélite universelle, 1887, pp. 41-42 :

« 1. Un journal de Constantinople, le Stamboul, dans son numéro du 4 avril, prétendait que deux Juifs s’étaient emparés, dans cette ville, d’une jeune fille arménienne, âgée d’environ huit ans, et l’avaient mise dans un sac pour la tuer. Interrogés par deux passants au sujet du contenu de leur sac, les deux Juifs se seraient sauvés en abandonnant leur charge, les passants auraient alors ouvert le sac et trouvé l’enfant à demi asphyxiée. Un des deux Juifs aurait été arrêté et l’autre serait parvenu à s’échapper. Cette histoire émut la population chrétienne, plusieurs colporteurs juifs furent maltraités dans divers quartiers de Constantinople. Sur la prière du grand rabbin, une enquête fut immédiatement ordonnée par S[on] A[ltesse] le grand vizir. Elle prouva qu’il n’y avait pas un mot de vrai dans toute cette histoire, si ce n’est l’arrestation du Juif et les faits de violences contre les Israélites. Le colporteur juif, qui se nommait Semaria, fut immédiatement remis en liberté et le procureur général de Stamboul fit publier dans les journaux turcs du 26 avril le communiqué suivant :

“L’homme qui aurait sauvé la petite fille de Semaria et de son complice n’a pu être découvert, bien qu’étant arménien, d’après les affirmations de l’enfant, il ait eu intérêt à se présenter pour témoigner de la véracité des déclarations de la petite victime, qui est arménienne comme lui. Or, ce sauveur inconnu n’ayant pas donné signe de vie, il est certain que la petite fille a récité une fable qu’on lui a peut-être racontée jadis pour la divertir ou pour hâter son sommeil.

Enfin, l’autre Juif, qu’on avait dit être le complice de Semaria, n’a pu être non plus découvert. Par ces motifs, la mise en liberté de Semaria est confirmée.”

Le bruit d’une autre disparition d’enfant a été répandu à Constantinople le 10 avril, dans le quartier de Yéni Mahalle-Haskeuy [Hasköy, où les Juifs et les Arméniens étaient nombreux à l’époque] ; naturellement, les Juifs étaient encore les coupables. Mais la police retrouva bien vite l’enfant, qui se promenait à Stamboul. »

 

L’accusation de « crime rituel » a été abondamment reprise, à partir des années 1920, par le journal nazi Der Stürmer et ce fut l’unique accusation antisémite que son directeur, Julius Streicher, osa maintenir au procès de Nuremberg, ce qui provoqua d’ailleurs une altercation publique avec son propre avocat. Elle n’était d’ailleurs pas le seul prétexte invoqué par des antisémites arméniens et grecs, à la fin de l’époque ottomane, afin de s’en prendre aux Juifs.

 

« IV. Israélites de Turquie », Bulletin de l’Alliance israélite universelle, 2e semestre 1884-1er semestre 1885, pp. 24-25 :

« Voici un autre incident qui prouve avec quelle facilité la population grecque porte contre les israélites, sans preuve aucune, les accusations les plus odieuses :

Samedi matin, 18 avril, un épicier grec nommé Stépan, établi dans le quartier de Haïdar Pacha, où demeurent une centaine de familles juives, trouva sur le seuil de sa boutique une croix couverte d’ordures. Il fit part de sa découverte à ses voisins, la nouvelle se répandit très rapidement et il se forma bientôt un grand rassemblement. Des menaces et des imprécations furent proférées contre les juifs, qu’on accusa d’avoir commis ce sacrilège. Des injures on passa bientôt aux faits, et la foule ameutée brisa les vitres de quelques maisons juives.

La police, avertie, courut sur les lieux ; elle fut impuissante à lutter contre les émeutiers. Une délégation de la communauté [juive] se rendit à Scutari, dont relève Haïdar Pacha, pour demander des renforts ; d’autres coururent chez le grand rabbin, à Couscoundjouk, pour l’informer de ce qui se passait.

Dans cet intervalle, on découvrit les vrais coupables. C’étaient deux gendarmes musulmans d’un corps de garde voisin de l’épicerie de Stépan, qui, s’étant pris de querelle avec l’épicier quelques jours auparavant, lui avaient joué cette farce singulière ; on les jeta immédiatement en prison.

Mais l’agitation ne se calma pas. Le gouverneur de Scutari, fit chercher des soldats. Les éphories des églises grecques et arméniennes cherchèrent de leur côté à apaiser les esprits [ce qui signifie qu’il y avait des Arméniens parmi les briseurs de vitres]. Les Grecs continuèrent à injurier les Juifs et lancèrent contre les passants et les maisons israélites une grêle de pierres. Pendant toute la soirée du samedi, les fenêtres d’un grand nombre de maisons juives furent brisées. Le lendemain, dimanche, la situation devint plus grave. Une foule de gens sans aveu accoururent des quartiers voisins, les désordres augmentèrent et un grand nombre de familles juives, accompagnées de quelques notables grecs et escortées d’un piquet de soldats, quittèrent le village et s’embarquèrent à bord d’un bateau que la police avait mis à leur disposition. Ils se rendirent à Haskeuy et à Balata, où ils passèrent la nuit.

Dimanche soir, M. Barouch Cohen, membre du comité régional de l’Alliance [israélite universelle], s’est rendu auprès de S[on] E[xcellence] Osman Pacha, ministre de la Guerre, qui a promis de prendre les mesures nécessaires pour éviter tout nouveau conflit. MM. Agiman, Félix Bloch et Fernandez Diaz, autres membres du comité, ont également fait des démarches auprès des autorités turques et du Patriarche [orthodoxe], pour empêcher le renouvellement de scènes pareilles.

La police et les autorités ont pris des mesures énergiques contre les émeutiers, une centaine d’arrestations ont été faites, et cette intervention vigoureuse a permis aux israélites de retourner en toute sécurité dans leurs foyers. Il faut ajouter qu’ici encore, comme pour l’incident de Tchorlou, le patriarcat œcuménique [c’est-à-dire orthodoxe] a contribué grandement à apaiser les esprits en blâmant sévèrement les fauteurs de désordre. »

 

Lire aussi :

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1897 : le choc entre le loyalisme juif à l’État ottoman et l’alliance gréco-arménienne

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L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

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mercredi 29 décembre 2021

Les omissions et les contrevérités de Séta Papazian

 



 Séta Papazian avait cofondé, en 2004, le collectif Vigilance arménienne contre le négationnisme (collectif VAN), à l’initiative de l’ancien chef de la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) en France, Jean-Marc « Ara » Toranian — dans un contexte de crise interne au Comité de défense de la cause arménienne (CDCA), créé en 1970 par la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA). Le collectif VAN, particulièrement virulent pendant des années, y compris contre la justice française et européenne, s’est ensuite délité : son site Internet a disparu, sans un mot d’explication, en 2020, et son blog n’est plus mis à jour depuis mai 2021. Sa présidente revient, cette fois sur le site de La Règle du jeu, c’est-à-dire celui du repris de justice Bernard-Henri Lévy (condamné pour diffamation). L’article est du niveau attendu.

 

« Éric Zemmour s’est envolé pour l’Arménie le 11 décembre comme on part en croisade, en compagnie du souverainiste Philippe de Villiers. »

M. de Villiers, ce fameux défenseur des valeurs familiales, ennemi acharné, en son temps, de la loi dite Gayssot (celle qui interdit de contester les crimes contre l’humanité commis par le régime nazi et jugés par le tribunal militaire international de Nuremberg), par ailleurs condamné pour diffamation et qui s’est signalé par son complotisme, contre l’Europe et contre la vaccination (entre autres énormités), défend la cause arménienne depuis fort longtemps, au point d’avoir été reçu en 2008 par le président arménien de l’époque, Serge Sarkissian. Son soutien n’avait jamais gêné Mme Papazian, du temps où le groupuscule de cette dernière avait encore un site Internet.

 

« De quoi alimenter des articles tels ceux que Libération a publiés en 2020 durant l’offensive meurtrière Azerbaïdjan/Turquie contre le Haut-Karabakh [Artsakh] : la présence solitaire dans l’enclave arménienne assiégée, de Marc de Cacqueray-Valménier, leader du groupe néo-nazi Les Zouaves, avait été pointée par deux journalistes spécialistes de l’extrême-droite, qui avaient préféré dénoncer avec gourmandise cet épiphénomène regrettable plutôt que fustiger le fascisme turc mortifère qui sévissait au même moment en France et au Caucase. »

Ces deux journalistes ont été victimes de menaces de mort, proférées publiquement et qui ont conduit au retrait de l’article du site de Libération. Une recherche sur le blog et le compte Twitter du collectif VAN conduit à ne trouver aucune trace d’une quelconque réprobation, ou même d’une simple désapprobation, de ces menaces. Au lieu de se positionner contre cette méthode terroriste, Mme Papazian remet une cible sur le dos des victimes.

Ce passage est par ailleurs contraire à la vérité. L’engagement de M. Cacqueray-Valménier est tout sauf un « épiphénomène ». L’Arménie a constamment célébré, de 1991 à 2020, ses « héros nationaux » qui ont porté l’uniforme du Troisième Reich, comme Garéguine Nejdeh et Drastamat « Dro » Kanayan. Ces derniers ont combattu pour Hitler, qui leur avait promis le Karabakh, après avoir écouté son ami et ministre Alfred Rosenberg, converti à l’arménophilie depuis 1930 environ. Encore en 2020, le gouvernement arménien et la « république » autoproclamée du Haut-Karabakh se sont vantés de leurs liens chaleureux avec le principal parti de l’extrême droite allemande.

En France même, après que le CDCA fut débouté de son action contre l’historien Bernard Lewis, et condamné aux dépens, c’est l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française (Agrif), alors satellite du Front national, qui donna l’exemple d’un changement de tactique, en attaquant l’historien anglo-américain sur l’article 1382 du code civil. M. Toranian vint remercier le président de l’Agrif, Bernard Antony. Le même Bernard Antony écrivait dans Présent du 26 novembre 1984 : « Est-ce tabou de le dire ? Tout est organisé pour qu’il y ait de moins en moins de petits Européens et de plus en plus de Maghrébins. Cela va dans le sens de l’Europe cosmopolite et affairiste prônée par Guy Sorman. » (Pour ceux qui ne le sauraient pas, M. Sorman est de famille juive : tout le monde a maintenant compris l’allusion.) M. Antony s’était entouré, pour diriger l’Agrif, de Serge de Beketch, lequel se définissait comme « raciste » et « antidémocrate », une autodéfinition d’autant plus justifiée qu’il avait invité le négationniste Robert Faurisson à s’exprimer durant l’émission qu’il animait sur Radio Courtoisie, pour l’interroger avec une grande complaisance ; et de Richard Haddad, disciple de l’antisémite arménophile Édouard Drumont.

La première organisation arménienne à suivre l’exemple de l’Agrif fut l’Union médicale arménienne de France (UMAF), également composée, à l’époque, de membres et d’électeurs du Front national. La seconde fut le Forum des organisations arméniennes de France, qui choisit comme avocat le néofasciste Patrick Devedjian, dont l’engagement à l’extrême droite est très loin de se limiter à ses années (1964-1967) au groupuscule néofasciste Occident.

 

« Instrumentaliser la souffrance des Arméniens est aisé : ces derniers portent en héritage un puissant sentiment d’abandon depuis le génocide de 1915 que n’a jugé aucun Nuremberg. »

Cette phrase est une confirmation de plus que l’accusation de « génocide » sert à justifier l’expansionnisme arménien, au mépris du droit international : quatre résolutions du conseil de sécurité de l’ONU et une de l’assemblée générale ont confirmé l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et exigé le retrait sans délai des forces d’occupation, ce qui fut finalement obtenu par la force, le seul langage que les nationalistes arméniens comprennent, en 2020.

Quant à la référence à l’absence de Nuremberg, rappelons que les autorités britanniques ont tenté de juger pas moins de 144 anciens dignitaires ottomans, arrêtés en 1919 et 1920, avant de renoncer en 1921, aucune preuve ne pouvant être retenue contre eux ; bien au contraire, les documents ottomans saisis montraient un État ottoman interdisant de tuer et punissant les coupables de crimes, pendant la Première Guerre mondiale (cf., par exemple, Salâhi Sonyel, Le Déplacement des Arméniens : documents, Ankara, TTK, 1978).

 

« le tout avec l’accord tacite de l’OTAN, la vacuité de l’Union européenne, du Groupe de Minsk, de l’ONU et de l’UNESCO. Sans omettre Israël qui, malgré une fraternité de destin avec les Arméniens, a continué durant le conflit à armer Bakou avec ses drones tueurs. »

Mme Papazian ne serait pas cohérente avec elle-même sans une pointe d’antisionisme fielleux, enrobée de mythes pour faire passer cela sur un site qui se prétend favorable à Israël. De quelle « communauté de destin » parle-t-elle ? De la vénération de Garéguine Nejdeh, théoricien du nazisme à l’arménienne et criminel hitlérien, par l’ensemble des forces représentées au Parlement arménien, de 1991 à 2020 (il reste la référence idéologique par excellence de l’opposition organisée) ? De la collaboration de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA, groupe terroriste dont les membres décédés sont inhumés dans un cimetière d’honneur près d’Erevan) avec le Fatah, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), le groupe Carlos, le régime du colonel Kadhafi, etc. ? De la rage antisémite vomie ces temps-ci sur Twitter par le Comité national arménien d’Amérique ?

 

« en portant un Éric Zemmour à la Présidence de la République, ses soutiens feront de son grand ami Me Olivier Pardo, un potentiel Garde des Sceaux. Or, le cabinet Pardo Sichel & Associés est le Conseil – très offensif – de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh comme l’indique La Lettre A du 15 juillet 2017 où sont évoquées ses pressions “depuis 2015 sur le Quai d’Orsay pour annuler les chartes d’amitié signées par des élus locaux avec les autorités du Haut-Karabakh.” »

Outre que le cabinet de Me Olivier Pardo a changé de nom depuis un an, et que l’article de La Lettre A est paru en 2019, et non en 2017, ces chartes ont été annulées par la justice administrative, en première instance puis en appel. Pourquoi ne pas le préciser ?

 

« Me Pardo est bien connu des militants arméniens pour les procès qu’il intente au nom de Maxime Gauin, un Français rémunéré par un think-tank nationaliste d’Ankara pour poursuivre quiconque le qualifierait de “négationniste du génocide arménien”. Dans ce cadre, Olivier Pardo dépose des QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) visant à abroger la loi du 29 janvier 2001 par laquelle “La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915”. »

Il s’agit, pour être exact, d’une seule QPC, partiellement reformulée entre la première instance et l’appel, mais qui conserve tous ses principaux arguments. Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu que la loi du 29 janvier 2001 est « applicable au litige », notamment en raison du fait qu’elle est invoquée en défense. Il a refusé de la transmettre en invoquant une jurisprudence périmée sur les dispositions législatives dépourvues de toute portée normative (jugées indignes d’être même censurées par le Conseil constitutionnel, elles sont systématiquement censurées depuis 2005). Cette jurisprudence périmée n’a de toute façon guère de pertinence, puisque nous arguons que la loi du 29 janvier 2001 a une portée normative incertaine, or à chaque fois que le Conseil constitutionnel a eu à trancher sur une disposition législative de ce genre, il a censuré.

Nous verrons ce que dira la cour d’appel. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que Me Frédéric Forgues, membre de l’Association des avocats et juristes arméniens de France (AFAJA), contrairement à ce que son patronyme pourrait laisser croire, a ouvertement menacé la cour d’une campagne de presse hostile, si elle transmettait la QPC, avouant ainsi qu’il ne se fait aucune illusion sur le sort que réserverait le Conseil constitutionnel à cette loi, s’il venait à en être saisi.

Enfin, le terme « nationaliste », non défini, est appliqué à la boîte à idées où je travaille sans un commencement d’explication. Venant de quelqu’un qui a toujours refusé de qualifier de terroriste l’attentat d’Orly, c’est assez osé.

 

Lire aussi :

Le site Internet du collectif VAN disparaît

L’inconstitutionnalité des lois mémorielles (notamment la « loi Arménie » de 2001)

Avril 2001 : le boucher d’Orly libéré après le vote de la loi inconstitutionnelle « portant reconnaissance du génocide arménien »

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

La place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien

Camille Mauclair : tournant réactionnaire, antisémitisme, turcophobie, soutien à la cause arménienne, vichysme

L’arménophilie de Lauro Mainardi

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

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« L’Assiette au beurre » : soutien à la cause arménienne, turcophobie et antisémitisme prénazi

L’arménophilie-turcophobie d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal

jeudi 9 décembre 2021

La Fédération révolutionnaire arménienne exprime son antisémitisme sans masque

 


Le Comité national arménien d’Amérique (Armenian National Committee of America, ANCA) a été créé par la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA) pour mener ses actions politiques aux États-Unis. Le tweet reproduit ci-dessus a été adressé à divers dirigeants d’associations juives étasuniennes. La plateforme pétrolière fait référence à l’Azerbaïdjan, allié stratégique d’Israël contre l’axe Iran-Arménie. La légende (« Matthieu 24 : 14-16 ») est sans ambiguïté : elle renvoie aux versets 14 à 16 du chapitre 24 de l’évangile selon Matthieu, un passage concernant la trahison de Judas :

« 14 Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres

15 et leur dit : “Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ?” Ils lui remirent trente pièces d’argent.

16 Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. »

Ce thème est exploité systématiquement, depuis le Moyen Âge par les antisémites chrétiens. À la différence des Églises protestantes et de l’Église catholique, l’Église nationale arménienne (grégorienne) a toujours refusé de renoncer à la théorie antisémite du « peuple déicide ».

Le tweet a certes été retiré, mais sans un mot d’excuse ou même d’explication. Ce type d’attaque n’est pas nouveau, mais il est rarement aussi clair.


Sur la FRA :

La Fédération révolutionnaire arménienne rend encore hommage à son ex-dirigeant Garéguine Nejdeh (nazi)

La collaboration de la Fédération révolutionnaire arménienne avec le Troisième Reich

La popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en Arménie même

Après tout, qui se souvient de ce que faisait Vahan Papazian pendant la Seconde Guerre mondiale ? Du maquis des fedai à la collaboration avec le IIIe Reich, en passant par le soutien au Khoyboun : l'engagement de toute une vie au service de la FRA-Dachnak

Misak Torlakian : du terrorisme de Némésis au renseignement du Troisième Reich

L'arménophilie de Paul Rohrbach

La précocité du rapprochement entre la Fédération révolutionnaire arménienne et l’Italie fasciste (1922-1928)

Les massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)

L’exaspération de Lord Curzon face à la politique de purification ethnique mise en œuvre par l’Arménie (1920)


Sur le thème inépuisable de l’antisémitisme arménien :

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

Patrick Devedjian et le négationniste-néofasciste François Duprat

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

Le minuscule monument commémoratif de la Shoah d’Erevan a encore été vandalisé

Racisme et antisémitisme : les caricatures de Vrej Kassouny (dignes du Stürmer)

Le Hossank, l’autre parti nazi arménien

L’antisémitisme arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien

mardi 7 décembre 2021

Déboutée de sa demande de libération des francs-tireurs et saboteurs, l’Arménie est contrainte à dissoudre deux groupes paramilitaires d’extrême droite

 


 

Ordonnance de la Cour internationale de justice, Arménie c. Azerbaïdjan, 7 décembre 2021 :

« 60. En ce qui concerne les personnes qu’elle qualifie de prisonniers de guerre et de détenus civils, réduits en captivité pendant ou immédiatement après le conflit de 2020, l’Arménie fait valoir deux droits distincts : le droit d’être rapatriées et le droit d’être protégées contre les traitements inhumains ou dégradants. La Cour fait observer que le droit international humanitaire régit la libération des personnes combattant pour un Etat qui ont été placées en détention pendant les hostilités avec un autre Etat. Elle rappelle aussi que les mesures fondées sur la nationalité actuelle n’entrent pas dans le champ d’application de la CIEDR (Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis), exceptions préliminaires, arrêt du 4 février 2021, par. 105). La Cour ne considère pas que la CIEDR oblige de manière plausible l’Azerbaïdjan à rapatrier toutes les personnes que l’Arménie qualifie de prisonniers de guerre et de détenus civils. L’Arménie n’a pas présenté à la Cour de preuve que ces personnes demeurent en détention en raison de leur origine nationale ou ethnique. »

 

Ordonnance de la Cour internationale de justice, Azerbaïdjan c. Arménie, 7 décembre 2021 :

« 45. L’Azerbaïdjan relève que l’Arménie n’a jamais condamné les activités menées sur son territoire par des groupes xénophobes ethnonationalistes armés, tels que VoMA, qui inciteraient à la violence contre les personnes d’origine azerbaïdjanaise, notamment sur les réseaux sociaux, ni puni les personnes impliquées dans de telles activités. Il cite, par exemple, la propagande anti-Azerbaïdjanais diffusée par VoMA sur les réseaux sociaux, qualifiant péjorativement de «Turcs» ou «Turcs de la Caspienne» les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaises et l’Azerbaïdjan, de «menace caspienne» à «liquider». Selon l’Azerbaïdjan, VoMA affirme que ses membres ont «travaillé en étroite coopération avec les forces armées [arméniennes] et été loués par le commandement pour leur bravoure». L’Azerbaïdjan considère en outre que, en manquant de condamner ou d’interdire les groupes paramilitaires anti-Azerbaïdjanais, l’Arménie a permis à ces groupes de proliférer. A cet égard, il fait également référence au groupe «L’indépendance comme valeur suprême» (ci-après «POGA») qui a apparemment commencé à organiser des programmes de formation militaire en mars 2021. Il soutient en outre que le Gouvernement arménien est responsable d’une «campagne de désinformation anti-azerbaïdjanaise sur les réseaux sociaux qui est toujours en cours». Selon l’Azerbaïdjan, en ne condamnant pas ou en n’interdisant pas les opérations de VoMA, de POGA ou de groupes semblables, en glorifiant l’idéologie raciste servant à cibler les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise et en menant, au niveau gouvernemental, une cyber-campagne de désinformation pour essayer «d’attiser les tensions ethniques entre les Azerbaïdjanais et les Arméniens», l’Arménie viole les droits garantis par les articles 2, 4, 5 et 7 de la CIEDR.

[…]

62. L’Azerbaïdjan fait valoir que l’Arménie a incité et continue d’inciter à la haine et à la violence contre les Azerbaïdjanais en permettant à des groupes xénophobes armés de recruter des membres, de lever des fonds et d’avoir des centres d’entraînement. Il affirme en particulier que VoMA, qui a pour objectif déclaré «de créer sur des bases ethniques une «armée-nation» arménienne et de préparer l’Etat arménien mono-ethnique face à la «menace» supposée que constituent les Azerbaïdjanais», utilise la peur et la haine des Azerbaïdjanais comme instruments de recrutement, diffuse régulièrement des messages véhiculant l’idée de la supériorité raciale, et arme les Arméniens et les entraîne en prévision d’une guerre ethnique contre les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise. De plus, selon lui, la menace de violence pesant sur ces dernières est exacerbée par «l’intensification des appels aux armes» que lance VoMA qui, dans son dernier rapport d’activité portant sur septembre 2021, a déclaré avoir formé des dizaines de personnes et d’instructeurs dans l’ensemble de l’Arménie et sollicité des dons pour acquérir des véhicules et des armes afin d’«enseigner la pratique des armes et [d’]assurer la protection dans les zones peuplées longeant les frontières». L’Azerbaïdjan ajoute que, en s’abstenant de condamner ou d’interdire les groupes paramilitaires anti-Azerbaïdjanais, l’Arménie a permis à des organisations telles que VoMA et POGA, qui ont apparemment commencé à organiser des programmes d’entraînement militaire en mars 2021 pour préparer les Arméniens à la guerre, de proliférer sur son territoire. L’Azerbaïdjan estime qu’il est dès lors urgent de protéger les Azerbaïdjanais contre de nouveaux discours de haine et actes de violence fondés sur leur origine nationale ou ethnique, et que les effets psychologiques de cette constante menace de violence peuvent causer un préjudice irréparable aux droits des intéressés.

[…]

66. De l’avis de la Cour, les actes prohibés par l’article 4 de la CIEDR — tels que la propagande encourageant la haine raciale ainsi que l’incitation à la discrimination raciale ou aux actes de violence visant tout groupe de personnes en raison de leur origine nationale ou ethnique — peuvent propager dans la société un climat imprégné de racisme. Pareille situation pourrait avoir de graves effets préjudiciables sur les personnes appartenant au groupe protégé. Ces effets préjudiciables peuvent être notamment, mais pas seulement, le risque de sévices ou de souffrances et de détresse psychologiques.

67. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la méconnaissance alléguée des droits qu’elle a jugés plausibles (voir le paragraphe 52 ci-dessus) risque d’entraîner un préjudice irréparable à ces droits et qu’il y a urgence, c’est-à-dire qu’il existe un risque réel et imminent qu’un tel préjudice soit causé avant que la Cour ne se prononce de manière définitive en l’affaire. […]

76. Par ces motifs,

LA COUR,

Indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :

1) A l’unanimité,

La République d’Arménie doit, conformément aux obligations que lui impose la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation et l’encouragement à la haine raciale, y compris par des organisations ou des personnes privées sur son territoire, contre les personnes d’origine nationale ou ethnique azerbaïdjanaise ;

2) A l’unanimité, Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile. »

 

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dimanche 5 décembre 2021

Sur Twitter, des nationalistes arméniens continuent de prôner la violence armée, de menacer, d’injurier

 


             

 

Un compte dont nous avons déjà longuement parlé en mai dernier persiste à prôner la revanche par les armes :


 

Or, les nationalistes arméniens en armes, dans cette région, à cette époque, se sont surtout manifestés par des assassinats, des crimes en tous genres, que la justice française a essayé tant bien que mal de réprimer.

 

Plus explicite et direct est ce tweet :      

 


Comme l’auteur n’a pas traduit la citation en arménien, voici ce que cela donne en français : « Le salut des Arméniens passe uniquement par les armes. » Rappelons qu’il s’agit d’un attentat-suicide, précurseur, donc des méthodes d’al-Quaïda, du Hezbollah et du Hamas.

 

Pour faire bonne mesure, le terroriste Hampig Sassounian, arrêté en 1982 puis condamné à perpétuité en 1984, par la justice californienne, pour assassinat raciste, libéré cet automne contre toutes les traditions judiciaires américaines et contre l’avis du gouverneur, est présenté comme un « combattant » dont la libération est opportune (opportune pour quels buts, ce n’est pas difficile à deviner) :

 


Moins violent en apparence, mais largement aussi porteur d’un risque de violence physique, sur le sol français, est ce commentaire relatif au procès en appel que j’ai intenté contre l’ancien chef de la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) en France, Jean-Marc « Ara » Toranian :

 


Ce délire revient à prétendre que si la cour d’appel de Paris applique le droit et transmet ma question prioritaire de constitutionnalité contre la loi du 29 janvier 2001, « portant reconnaissance du génocide arménien », alors ce sera forcément à cause de l’argent turc et azerbaïdjanais. Ce genre de diffamation mène presque nécessairement aux menaces et à la violence, comme Jean-Louis Debré, alors président du Conseil constitutionnel, en a déjà fait l’expérience en 2012.

 

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mercredi 1 décembre 2021

La signature du très soralo-compatible Jean Varoujan Sirapian réapparaît sur armenews.com


 


Des échecs de la diplomatie arménienne, par Eric Hacobyan

« Source : Civilnet / https://youtu.be/1B0ELnxrtb8

Traduit du russe par Jan Varoujan et Vladimir F. Fredoux


par Ara Toranian le lundi 29 novembre 2021 »


Pour ceux qui douteraient que le Jan Varoujan en question soit Jean Varoujan Sirapian, le même texte se trouve sur le blog de M. Sirapian.

Sur le même blog, en date du 3 janvier 2021, on trouve aussi cette remarque antisémite, bien dans la ligne du personnage et qui n’a, comme d’habitude, fait réagir personne au Conseil de coordination des associations arméniennes de France (dont M. Sirapian est un ancien vice-président) :

« A-t-on une autre solution entre un régime autocratique imposé par la Russie (pour qui la moindre réussite démocratique dans l’un de ses anciens satellites est inacceptable) et une “révolution de velours” (ou “de couleur”) financée par la “galaxie sorosienne” au service des mondialistes cosmopolites ? »


Lire aussi, sur M. Sirapian :

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Sur le parti qu’il a dirigé en France, le Ramkavar :

La remarquable complaisance d’Aurore Bruna pour l’antisémitisme visant Kemal Atatürk

Vandalisme et débuts de lynchages lors de la manifestation arménienne de Bruxelles (22 juillet 2020)

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

L’Union générale arménienne de bienfaisance et le scandale des piastres

De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

L’amitié liant le fasciste Philippe Henriot au dirigeant nationaliste arménien Léon Guerdan, dans les années 1930

Les réserves de René Le Conte quant au nationalisme d'Archag Tchobanian

Le modèle grec des nationalistes arméniens

Gabriel Noradounghian : du "libéralisme" ottoman au nationalisme grand-arménien

dimanche 28 novembre 2021

L’arménophilie de Walter Duranty (falsificateur au bénéfice de Staline)

 


 

Robert Conquest, Sanglantes moissons, Paris, Robert Laffont, 1995 :

« De plus, une grande partie du grain arraché si douloureusement à la paysannerie [ukrainienne, provoquant ainsi la mort intentionnelle de millions de personnes] ne servit à rien. Comme auparavant (et comme cela arrive encore couramment aujourd’hui), le gâchis fut prodigieux. Postychev note en novembre 1933 qu’“une quantité assez considérable de grains a été perdue par manque de soins”. La presse en cite d’innombrables exemples : à la gare de Kiev-Petrovka, un immense tas de blé pourrit ; au poste de ramassage Traktorski, vingt wagons furent inondés ; à Krasnograd, le blé pourrit dans les balles ; à Bakhmach, il pourrit, entassé sur le sol. Le correspondant — prosoviétique — du New York Times, Walter Duranty, remarqua (sans toutefois l’écrire dans son journal) que “l’on voyait de grosses quantités de grain dans les gares, dont une grande partie en plein air”. » (p. 288)

« En septembre 1933, Walter Duranty déclara à l’ambassade de Grande-Bretagne que “la population du Caucase du Nord et de la Basse-Volga [avait] diminué de 3 millions au cours de l’année passée, celle de l’Ukraine de 4 à 5 millions” et qu’il semblait “tout à fait possible” que le bilan total atteignît 10 millions. » (p. 328)

« Sa qualité d’Occidental qui coopérait étroitement aux falsifications soviétiques valut à Walter Duranty toutes sortes de privilèges — de se voir complimenter et accorder des interviews par Staline en personne, notamment. Il bénéficia en même temps de l’adulation sans réserve de milieux occidentaux influents.

“Il n’y a pas de famine ni de véritable manque de nourriture, et il n’y en aura vraisemblablement pas”, écrivait Duranty en novembre 1932. Puis, lorsque de nombreuses informations parurent sur la famine dans les pays occidentaux et que des articles rédigés par ses collègues furent publiés dans son propre journal, il changea de méthode et se mit à en minimiser l’importance, en parlant de “malnutrition”, de “pénurie de vivres” ou de “résistance affaiblie”.

“Parler de famine en Russie relève aujourd’hui de l’exagération ou de la propagande malveillante”, écrivit-il le 23 août 1933. “La pénurie alimentaire qui a touché la quasi-totalité de la population l’an dernier, notamment dans les régions céréalières — c’est-à-dire en Ukraine, dans le Caucase du Nord et la Basse-Volga — a cependant causé de lourdes pertes humaines.” Le taux de mortalité normal, qui représentait “environ un million d’individus” dans les régions citées, devait, selon toute probabilité, “être au moins triplé”.

Mais ces deux millions de morts supplémentaires qu’il jugeait regrettables, Duranty en minimisait l’importance et niait que l’on pût parler de “famine” (Il en rejetait partiellement la faute sur “la fuite de certains paysans et la résistance passive de certains autres”.)

En septembre 1933, premier correspondant à être admis dans les régions touchées par la famine, Duranty déclara que “l’emploi du mot ‘famine’ à propos du Caucase du Nord était une pure absurdité” ; au moins en ce qui concernait cette région, le nombre de morts excédentaires qu’il avait précédemment prévu lui paraissait désormais “exagéré”. “Bébé dodus” et “mollets grassouillets” étaient un spectacle typique au Kouban [région largement peuplée d’Ukrainiens]. (Litvinov [ministre soviétique des Affaires étrangères] ne manqua pas de citer ces dépêches dans sa réponse à la lettre de Kopelmann.)

Les bruits faisant état d’une famine étaient répandus par des émigrés qu’encourageaient l’ascension d’Hitler et, si “des anecdotes sur la famine étaient alors courantes à Berlin, Riga, Vienne et dans d’autres villes“, c’était parce que “des éléments hostiles à l’Union soviétique y faisaient une tentative de dernière heure pour empêcher qu’elle fût reconnue par les États-Unis, en la décrivant comme un pays en ruine et en proie au désespoir.”

[…]

Malcolm Muggeridge, Joseph Alsop et d’autres journalistes expérimentés le considéraient tout simplement comme un menteur ; “le plus grand menteur de tous les journalistes que j’aie rencontrés en cinquante ans de carrière”, précisa Muggeridge par la suite. » (pp. 344-345)

 




Anne Applebaum, Famine rouge. La guerre de Staline en Ukraine, Paris, Grasset, 2019, pp. 363-364 :

« Duranty fut le correspondant du New York Times à Moscou de 1922 à 1936 : pendant un temps, ce rôle le rendit relativement riche et célèbre. Britannique de naissance, il n’avait aucun lien avec la gauche idéologique. Il se voulait “réaliste”, pragmatique et sceptique, essayant d’écouter les deux versions d’une même histoire. “On peut objecter que la vivisection est une chose triste et affreuse, et il est vrai que le sort des koulaks et d’autres qui se sont opposés aux expériences soviétiques n’est pas heureux“, écrivit-il en 1935. “Dans les deux cas“, cependant, “la souffrance infligée l’est dans un noble dessein.”

Cette position le rendit terriblement utile au régime, qui prit soin de veiller à ce qu’il vive confortablement à Moscou. Disposant d’un grand appartement, d’une voiture et d’une maîtresse, il avait de meilleurs accès qu’aucun autre correspondant et, à deux reprises, il eut le privilège d’interviewer Staline. L’attention que lui valurent ses reportages semble avoir été cependant la principale raison de sa couverture flatteuse de la vie en URSS. »


Gedeon Haganov, Le Stalinisme et les Juifs, Paris, Spartacus, 1951, p. 3 :

« “Staline, en deux ans, a fusillé plus de Juifs que, dans le même laps de temps, il n'en a été tué en Allemagne” : ainsi s'exprimait en 1939 un journaliste stalinien notoire, M. Duranty, dûment stylé au Kremlin, à l'époque où Staline pratiquait la politique de “la main tendue” à Hitler, lequel se faisait prier.

Il s’agissait alors de laisser entendre, par l’intermédiaire d'un correspondant officieux, que rien ne s'opposait à un accord entre les deux États totalitaires, et qu'en matière même d'antisémitisme, Staline avait quelque avance sur Hitler. Le New York Times crut devoir censurer pudiquement l'observation déplaisante de son collaborateur trop “inspiré” mais la phrase fut remarquée néanmoins dans les journaux américains de la “chaîne” où passaient les articles de M. Duranty. Relevée, commentée par diverses publications, notamment la Russie Nouvelle, de Paris, citée dans le Figaro (7 mai 1939), elle mérite d’être tirée de l’oubli au moment où les mesures antisémites de Staline s'amplifient et s'accentuent d'une manière indubitable. 

M. Duranty faisait allusion, pour amadouer les nazis, aux sanglantes “épurations” commises par Staline lors des fameux procès de Moscou en 1936-1938. »

 

Walter Duranty, Stalin & C°. The Politburo—the Men who rule Russia, Londres, Secken and Warburg, 1949, pp. 146-147 :

« À Constantinople [le choix de cet ancien nom, bien après l’adoption officielle d’İstanbul, traduit en soi un mépris des Turcs], ils ont un dicton selon lequel un Grec peut rouler trois Juifs, et un Arménien peut rouler trois Grecs. Les Arméniens, comme les Juifs, ont subi une persécution raciale choquante ; et, comme les Juifs, ils y ont survécu. Pourtant, entre les Juifs et les Arméniens, il y avait une différence fondamentale. Les deux nations ont été dispersées à travers la surface de la terre comme commerçants et étrangers vivant par leur intelligence, mais les Arméniens ont toujours eu une patrie qu’ils aimaient ; et la persécution des Arméniens, contrairement à celle des Juifs, a été menée dans cette patrie, jamais à l’étranger. J’ai connu des patriotes irlandais, des Américains, Britanniques, Français et Texans mais parmi eux tous il n’y a pas de plus grand amour de leur patrie que chez les Arméniens.

Sous les tsars, l’Arménie était une “colonie” comme l’Asie centrale, exploitée et vidée de ses richesses [quelles richesses ? Il ne le dit pas…]. La moitié de la population arménienne vivait en dehors de l’empire tsariste sous domination turque. Pendant la Première Guerre mondiale et durant les années suivantes, ils ont été si complètement “éliminés” qu’aujourd’hui il n’y a pas un seul Arménien dans les provinces de l’Est de la Turquie, Kars et Ardahan, dont la population était autrefois arménienne pour les neuf dixièmes [affirmation aussi grotesque que les autres]. La domination tsariste était une froide belle-mère pour l’Arménie russe ; les Turcs assassiné les Arméniens qui se trouvaient sous leur domination.

Une visite en Arménie soviétique (ce que les étrangers font rarement) fournit une preuve tout à fait convaincante que ce petit pays des hautes terres a plus tiré de la révolution bolchevique que presque tous les États ou nationalités qui composent l’U.R.S.S. Une indication en est que l’Arménie est la seule République soviétique dans laquelle un grand nombre de ses ressortissants vivant à l’étranger, même aux États-Unis, sont volontairement retournés ces dernières années [dès 1947, la déception a été profonde et l’immigration s’est arrêtée en 1948, les « rapatriés » ne trouvant que misère]. C’était le premier pays soviétique à jouir d’une pleine liberté religieuse [sic !], et a fait de grands progrès dans l’agriculture et l’industrie grâce à un programme de travaux généreux, en particulier les projets d’irrigation, menés par Moscou.

L’Arménie doit sans aucun doute ces avantages au premier degré à l’énergie et la diligence de ses gens, qui sont immensément reconnaissants aux bolcheviks de leur protection contre les Turcs et pour l’aide apportée aux survivants arméniens de Turquie pour retourner en Arménie soviétique. Mais le pays doit aussi beaucoup à son premier citoyen, Anastas Ivanovich Mikoyan, membre depuis 1935 du Politburo bolchevique. »

 

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