Taner Akçam est un nationaliste kurde, qui a obtenu en 1995 un doctorat en
sociologie à l’université de Hanovre (Allemagne) dans des conditions illicites.
En effet, en Allemagne, le directeur de thèse, ou, le cas échéant, les deux
codirecteurs, doi(ven)t être professeur(s) des universités en exercice. Or, M.
Akçam a été codirigé par un professeur de l’université de Hanovre (jusqu’ici,
rien que de très légal) et par Vahakn Dadrian, or ce dernier avait été radié de
l’université d’État de New York au printemps 1991, pour harcèlement sexuel en
situation de récidive et M. Akçam s’est inscrit en thèse en septembre ou
octobre 1992. Bien que le personnage soit discrédité depuis plus de dix ans, y
compris aux yeux d’historiens qui considèrent la qualification de « génocide
arménien » comme pertinente, il est régulièrement mis en valeur par les
organisations nationalistes arméniennes, qui substituent le « vu à la
télévision » à la rigueur universitaire.
Hilmar Kaiser (docteur en
histoire ottomane et partisan de la qualification de « génocide arménien »),
entretien
à l’Armenian Weekly, 8 mars 2008 :
« — Hilmar Kaiser. La façon dont les sources turques est utilisée dans
une publication en anglais [Taner Akçam, A
Shameful Act] parue dans ce pays [les États-Unis] et qui est acclamée comme
s’il s’agissait d’une grande recherche,
n’est absolument pas universitaire (is
totally unscholarly). L’acclamation
est là parce que personne n’est capable de vérifier les sources. […]
— Khatchig Mouradian. Pouvez-vous donner un exemple précis ?
— Par exemple, un chercheur [Taner Akçam] affirme que le président de la
Chambre des députés ottomane s’est rendu en Allemagne en mars 1915 pour
coordonner [avec les autorités allemandes] la décision du génocide arménien et
il donne la source. Or, la source dit exactement le contraire. »
Hilmar Kaiser, « A Deportation that Did Not Occur », The
Armenian Weekly, numéro spécial, avril 2008, pp. 17-18 :
« Il est intéressant de noter que les affirmations selon lesquelles l’allié allemand
aurait suggéré les déportations se trouve en contradiction avec de telles
suppositions [une prétendue décision d’« exterminer » antérieure à 1915]. La
contradiction se trouverait en grande partie résolue si les assertions selon lesquelles
le CUP [Comité Union et progrès] avait coordonné sa décision de mars 1915 avec
l’allié allemand. Toutefois, cette affirmation est fondée sur la description
incorrecte d’une source clé ; elle est par conséquent intenable (1).
_________
(1) Taner Akcam, A Shameful Act. The Armenian Genocide and
the Question of Turkish Responsibility, traduit [du turc] par Paul Bessemer
(New York, N.Y.: Metropolitan Books, 2006), p.152. L’auteur a résumé, en l’occurrence, d’une façon
erronée les Mémoires d’Halil Menteşe. »
Remarque : cette falsification de source est maintenue telle quelle dans l’édition française : Taner Akçam, Un acte honteux, Paris, Denoël, 2008, p. 167.
Erman Şahin
(devenu depuis docteur en histoire à la London School of Economics), « Review
Essay: A Scrutiny of Akçam’s Version of History and the Armenian Genocide »,
Journal of Muslim Minority Affairs,
XXVII-2, août 2008, pp. 311-312 :
« En discutant de l’application du déplacement [forcé d’Arméniens] et
des massacres, l’auteur [Taner Akçam] soutient que beaucoup de membres du
gouvernement [ottoman] n’étaient pas au courant de la politique génocidaire que
celle-ci était mise en œuvre par le parti [Comité Union et progrès] sous
couvert d’un décret de déportation. Comme [son directeur de thèse Vahakn]
Dadrian, Akçam se réfère aux entretiens accordés par Eşref Kuşçubaşı pour
appuyer sa conclusion :
“Comme l’indique Eşref Kuşçubaşı, le gouvernement ne fut jamais
informé des réunions ni des projets liés aux déportations et aux massacres.”
(pp. 156-157) [p. 172 de l’édition française, Un acte honteux]
Dans le texte cité, après avoir brièvement parlé des activités de l’Organisation
spéciale [unité d’élite de l’armée ottomane], Eşref Kuşçubaşı déclare
effectivement que “comme ces [activités] étaient tenues rigoureusement ‘secrètes’,
elles étaient inconnues même des membres du cabinet.” Toutefois, plusieurs
problèmes se posent quant à l’utilisation et l’interprétation par Akçam de ce
compte-rendu autobiographique d’Eşref Kuşçubaşı. Tout d’abord, le texte en
question ne cite aucune réunion relative au déplacement d’Arméniens et aux massacres,
et ne fait pas non plus mention des Arméniens, de quelque manière que ce soit.
Ensuite, et c’est plus important, après la phrase déjà citée, Kuşçubaşı
explique que Talat Pacha était lui aussi un des membres du cabinet qui n’étaient
pas informés des activités de l’OS et qu’il s’en plaignait :
“Comme ces [activités] étaient tenues rigoureusement ‘secrètes’, elles
étaient inconnues même des membres du cabinet. De fait, je me rappelle très
bien qu’un jour, Talat Pacha, plaisantant à moitié, m’avait demandé : ‘Monsieur
Eşref, y a-t-il quelques nouvelles concernant l’institution d’État que vous
pourriez partager avec nous ?’ Et il me l’a doucement chuchoté à l’oreille,
pour que les autres n’entendissent pas. Quelles étaient ces activités si
secrètes que même une personne [Talat] qui exerçait les fonctions de ministre
de l’Intérieur et qui était considérée comme le dirigeant naturel du parti au
pouvoir se plaignait ainsi ?”
Par conséquent, l’utilisation et l’interprétation par Akçam de ce que
Kuşçubaşı a déclaré et son effort pour établir un lien entre ces propos et les
massacres devient extrêmement problématique. En effet, si l’on accepte la
paraphrase fausse d’Akçam alors toute la théorie de ce dernier sur “une
politique génocidaire sous la supervision de Talat” s’effondre, puisque Talat
Pacha, celui-là même qu’il présente comme le coordinateur général des massacres
et des déportations, n’est pas informé de ce que, paraît-il, il supervise. Il est clair qu’Akçam ignore
délibérément le contexte [de la phrase qu’il cite] et trompe ses lecteurs. L’intention
d’une telle manipulation est de faire croire aux lecteurs à ce qui n’est, au
fond, qu’une conclusion établie par avance, aux dépens de la vérité
historique. »
Kent Schull (maître de
conférences en histoire ottomane à l’université d’État de New York et
relativement proarménien), « Book Review », The Journal of Modern History, LXXXVI-4, décembre 2014, pp. 975-976
:
« Premièrement, dans le passage affirmant que le gouvernement CUP a
interdit tout type d’assistance offerte aux Arméniens déportés, il cite
plusieurs documents hors contexte, ce qui est problématique (pp. 423-439). En réalité, les documents cités démontrent
que les autorités ottomanes n’ont pas interdit l’assistance aux Arméniens
déportés mais voulaient empêcher des tiers de distribuer secrètement cette
assistance. En d’autres termes, toute aide devait être redistribuée par des
canaux officiels ottomans et n’était pas nécessairement bloquée (pp. 431 et
435).
Deuxièmement, Akçam utilise des documents des archives ottomanes pour
affirmer que les autorités impériales tentaient insidieusement d’empêcher les
étrangères de “voyager librement en Anatolie” afin de dissimuler leurs activités
génocidaires. Les documents, toutefois, ne prouvent pas cela. Ils discutent de
l’interdiction pour les “citoyens des États hostiles”, c’est-à-dire des
ressortissants russes, britanniques et français, de circuler parmi les
populations arméniennes d’Anatolie et ajoutent que les mouvements de ces individus
doivent être contrôlés (pp. 431-432). Étant donné qu’Akçam démontre clairement
que le CUP voyait dans les Arméniens ottomans une menace sécuritaire, ce n’est
que logique pour les autorités ottomanes d’avoir tenté d’empêcher le contact
entre les ressortissants des États ennemis et leur propres populations suspectes.
La volonté des autorités ottomanes d’empêcher l’assistance secrète aux
Arméniens ottomans (quelle qu’en fût la source) a aussi du sens, puisque le
gouvernement les voyait comme des menaces pour la sécurité de l’Empire. Ce que
ces documents [utilisés par Taner Akçam] montrent, c’est que les autorités
ottomanes voulaient maîtriser et contrôler l’afflux d’aide, pas nécessairement
l’interdire (p. 436).
Un autre exemple est fourni par l’affirmation d’Akçam selon laquelle “de
nombreux documents ottomans […] trop nombreux pour être cités ici, montrent
clairement […] que […] des unités de l’Organisation spéciale furent impliquées
[…] dans le génocide arménien” (pp. 422-423). Les documents qu’il cite,
pourtant, parlent de l’utilisation d’unités de l’Organisation spéciale pour
éliminer des activités révolutionnaires mêlant des Kurdes et des Arméniens et
non de la déportation et des tueries d’innocents. »
Maxime Gauin (docteur en
histoire), « Review
Essay — ‘Proving’ a ‘Crime against Humanity’? », Journal of Muslim Minority Affairs, XXXV-1, mars 2015, pp. 143-144 (une version française, un peu plus
longue que la version originale, est disponible en
ligne) :
« M. Akçam argue (pp. 202-203) que le télégramme expédié par le
ministre de l’Intérieur, Talat, à la préfecture d’Ankara, le 29 août 1915,
constitue “la déclaration la plus claire, montrant que la politique du gouvernement
[CUP] vis-à-vis des Arméniens [pendant la Première Guerre mondiale] avait pour
but leur annihilation […] Ce document à lui seul devrait mettre fin à de longs
et inutiles débats sur cette question.” Il est intéressant de remarquer que M.
Akçam ne cite que les deux premières phrases du document, et encore, dans une
traduction inexacte : “La question arménienne dans les provinces orientale est
résolue. Il est inutile de porter atteinte à [l’honneur] de notre nation et de
notre gouvernement avec de nouvelles atrocités.” En remplaçant le contexte des
phrases par ses propres spéculations, Taner Akçam achève d’en déformer le sens.
La lecture du texte exact, en entier, est éclairante (souligné par moi) :
“La question arménienne qui se posait dans les provinces orientales est
résolue. Pour autant, il est inutile d’endommager l’image de notre nation et de
notre gouvernement par des actes de cruautés qu’aucune nécessité ne justifie.
En particulier, l’attaque récente qui a eu lieu contre des Arméniens près
d’Ankara a causé beaucoup de regret au ministre, qui a constaté que l’évènement
s’est produit suite à l’évidente incompétence des officiers chargés de
superviser le transfert des Arméniens, et à l’audace de gendarmes et
d’habitants de la région, qui ont agi en suivant leurs instincts bestiaux,
violant et volant les Arméniens. Le transfert d’Arméniens, qui doit être
appliqué dans l’ordre et avec prudence, ne doit jamais, à l’avenir être confié
à des individus animés d’une hostilité fanatique, et les Arméniens — tant ceux
qui sont transférés que les autres — doivent absolument être protégés contre
toute agression, contre toute attaque. Dans les lieux où une telle protection
ne pourrait pas être assurée, le transfert doit être reporté. À partir de
maintenant, les officiers chargés [du transfert] seront tenus pour
responsables, compte tenu de leur rang, de toute attaque qui se produirait, et
renvoyés en cour martiale. Il est nécessaire de donner des ordres très stricts
à cet égard, au personnel concerné [25].”
Au lieu de prouver un quelconque dessein “génocidaire” de la part de
Talat, ce document tend à montrer le contraire. »
Lire aussi
Maxime
Gauin réplique à Conspiracy Watch, site en pleine dérive (j’y parle du
dernier livre de Taner Akçam, où il prétend démontrer que les faux « documents
Andonian » seraient authentiques).
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