Pierre Tévanian, « Le génocide des arméniens et l’enjeu de sa qualification (première partie) — Réflexions sur "l’affaire Veinstein" », Les mots sont importants, 24 avril 2020 (texte précédemment publié en 2003) :
« Yves
Ternon [dans L’Empire ottoman :
la chute, le déclin, l’effacement, Paris,
éditions du Félin, 2002] rappelle par ailleurs que le total des Turcs
assassinés par des activistes [sic] arméniens ne dépasse pas quelques
centaines, ce qui fait un rapport de un pour mille. Il rappelle enfin que
certains de ces assassinats, s’ils ne sont pas justifiables, s’expliquent par
le désir de vengeance de certains Arméniens. »
Jeremy Salt, The Unmaking of the
Middle East, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press,
2008, p. 67 :
« Le capitaine C. L. Woolley, un officier britannique voyageant à travers
le “Kurdistan” après la guerre, entendit de chefs de tribus kurdes que quatre
cents mille Kurdes avaient été massacrés par des Arméniens, rien que dans la
région de Van et de Bitlis. Deux volumes de documents ottomans récemment [la première édition date de 1995 et la
seconde, augmentée, de 2001, donc bien avant les élucubrations de MM. Ternon et
Tévanian] publiés — essentiellement des rapports de réfugiés, de police, de
jandarma et de fonctionnaires du corps préfectoral — couvrant la période de
1914 à 1921, indiquent que cette estimation kurde de leurs pertes à cause de
massacres par des Russes, par leurs protégés arméniens, ou par les deux à la
fois, n’est probablement pas éloignée de la vérité. Comptant par village et par
ville, les noms des assassins étant souvent donnés, le nombre de musulmans [Turcs, Kurdes, Lazes, etc.] qui furent
massacrés dans la région [de l’Anatolie
orientale] est estimé à 518 105. »
Général Hassan Arfa
(officier iranien né d’une mère britannique et d’un père persan, présent sur
les lieux pendant la Première Guerre mondiale et qui a critiqué, en son temps,
le déplacement forcé d’Arméniens ottomans), Under
Five Shahs, Londres, John Murray, 1964, p. 147 :
« Quand l’armée russe progressa à l’intérieur de l’Anatolie, elle
était précédée par un certain nombre de bataillons de volontaires arméniens,
combattants irréguliers, brûlant d’un désir de revanche [Hassan Arfa omet, délibérément ou par ignorance, les massacres
perpétrés entre
novembre 1914 et mai 1915, avant le déplacement forcé ; mais il ne nie
manifestement pas ceux commis à partir du milieu de 1915, ce qui est déjà
considérable]. Ils commencèrent à massacrer la population, un massacre qui
devint général après la révolution [russe
de 1917] et le départ des officiers et soldats russes, les Arméniens étant
laissés seuls sur le front turc. Le
nombre de musulmans tués n’était pas situé très loin de 600 000 [en comptant les dizaines
de milliers tués dans
le Caucase, entre 1918 et 1920,
ainsi que les victimes des volontaires arméniens de l’armée
grecque, de 1920 à 1922, on ne doit effectivement plus être loin de 600 000,
si tant est que ce chiffre ne soit pas dépassé], mais ce ne fut pas connu à
l’étranger ; en Europe et aux États-Unis, on était principalement
intéressé par les Arméniens chrétiens, dont le sort avait été rendu public par
des missionnaires
américains et d’autres
nationalités, résidant en Turquie. »
Paul Dumont et François Georgeon, « La mort d’un empire (1908-1923) », dans Robert Mantran (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989, p. 625 :
« Il importe cependant de souligner que les communautés arméniennes ne
sont pas les seules à avoir été laminées par le fléau de la guerre. Au
printemps de 1915, l’armée tsariste s’est avancée dans la région du lac de Van,
entraînant dans son sillage des bataillons de volontaires constitués
d’Arméniens du Caucase et de Turquie. […] Les
statistiques de l’après-guerre font apparaître, pour chacune des provinces
soumises à l’occupation russe et aux actes de vengeance des milices arméniennes
[même frilosité que ci-dessus à parler
des massacres perpétrés avant la fin de mai 1915, par des insurgés, tout en
admettant ceux commis à partir de juin], un important déficit démographique
— totalisant plusieurs centaines de
milliers d’âmes — dû pour une bonne part aux massacres perpétrés par
l’ennemi. »
Michael A. Reynolds (maître
de conférences en histoire à l’université de Princeton), Shattering Empires. The Clash and Collapse of the Ottoman and Russian Empires, 1908-1918, Cambridge-New
York, Cambridge University Press, 2011, p. 157 :
« Un fonctionnaire tsariste, le prince Vassili Gadjemoukov, exposa
carrément les accusations contre les Arméniens dans un rapport à Youdenitch. La
participation arménienne dans les opérations militaires n'avait produit “que
des résultats négatifs”. Les marchands arméniens abîmaient la logistique de
l'armée en abusant de leur accès aux chemins de fer pour expédier des biens
commerciaux. Pire encore, le pillage incontrôlé du fait des bandes arméniennes
éveillait l'hostilité des Kurdes et des autres musulmans. Par leur massacre général des musulmans à Van [en avril-mai 1915, soit avant la loi sur le
déplacement forcé], expliquait-t-il, “les Arméniens eux-mêmes” avaient
donné le “signal de la destruction barbare de la nation arménienne en Turquie”. »
Documents [sur les Arméniens ottomans], Ankara, Direction générale
de la presse, tome I, 1982, pp. 59-61 :
« Liste de la population masculine du village de Mergehu [village de la province de Van] tuée et
massacrée à la suite de cruautés jamais vues, perpétrées par des Arméniens de
la région, qui se sont joints aux bandes d’Arméniens renforçant les forces
russes
Le fils d’Abdi, Haci Ibrahim Par
balle et par baïonnette
Le fils d’Haci Ibrahim, Abdi Par
balle et par baïonnette
Le fils d’Abdi, Reso Battu
et coupé en morceaux
Le fils d’Ömer, Sado Battu
et coupé en morceaux
Le fils de Reso, Oso Battu
et coupé en morceaux
Le fils de Canko, Kulu Par
un coup de baïonnette dans l’œil
Le fils de Mollah Hamit, Emin Par
un coup de baïonnette dans l’œil
Le fils de Hamit, Molla Abdullah Par un coup de baïonnette dans l’œil
Le fils de Canka, Abdullah Coupé
en morceaux
Le fils d’Ahmet, Ibo Éventré
Le fils d’Ibo, Ismail Grillé vif
[Suivent encore des dizaines
de cas de ce genre, y compris des femmes et des enfants dont le cadavre a été
retrouvé dans un four]
4 mars 1915
Copie retranscrite à partir du livre d’enquête
Le gouverneur, Kemal »
René d’Aral, « Le spectacle de
l’Orient », Le Gaulois, 12
septembre 1922, p. 1 :
« On demeure stupéfait de la candeur des plénipotentiaires de 1919 qui,
tranquillement, sans se préoccuper ni des questions de races, d’orgueil, de
patriotisme, ni des passions allumées, ni des rancunes qu’ils laissaient
vivaces, ni des considérations d’ordre national ou ethnique, décrétaient la
suppression ou presque de la Turquie d’Europe, la réduction de la Turquie
d’Asie au profit de la Grèce, et se figuraient que les bons Turcs se
soumettraient à ce dépeçage, trop heureux encore de ne point avoir été totalement
rayés de la carte du monde Il faut reconnaître, il est vrai, que nous étions
assez sceptiques sur les conséquences de cette singulière décision mais quand
nous tentions d’y objecter, nous trouvions en face de nous le puritanisme
anglo-américain, hérissé et furibond, qui invoquait en faveur de sa thèse l’éternelle histoire des massacres
arméniens, et nous n’osions répliquer que les statistiques des agents de
l’Entente avaient maintes fois démontré que les massacreurs étaient de part et
d’autre à égalité. »
Une fois encore, ceux qui hurlent « négationnisme » pour tenter
de censurer les thèses
historiennes qui démontent
rationnellement la qualification de « génocide
arménien » ne se gênent pas pour nier grossièrement des massacres
parfaitement avérés — tombant ainsi sous le coup de leur propre définition, à
usage purement polémique, du terme « génocide ». Ni M. Ternon, ni M.
Tévanian n’ont mis les pieds de leur vie dans un seul dépôt d’archives, turc,
français, britannique, américain, russe, arménien, ou autre, relatif à la
question arménienne, ni n’ont prétendu apporter la moindre réponse aux diverses
sources sur les massacres musulmans (et de juifs), par des nationalistes
arméniens, avant 1917. Notons aussi que dans Les Arméniens, histoire d’un génocide, Paris, Le Seuil, 1996, pp.
341 et 409, M. Ternon cherche à faire croire à son lecteur que le recueil Documents
sur les atrocités arméno-russes, İstanbul, 1917, concerne son année de
parution, alors qu’il s’agit, notamment, de documents sur les massacres commis
en 1915, y compris avant la loi sur le déplacement forcé.
Lire aussi :
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
Le
« négationnisme » peu connu d’Anahide Ter Minassian
Les
atrocités des insurgés arméniens en Anatolie orientale (avant les déportations
de 1915)
Turcs,
Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français
1917-1918
: la troisième vague de massacres de musulmans anatoliens par les nationalistes
arméniens
Nationalisme
arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils musulmans
Les
massacres d’Azéris par les dachnaks et les divisions entre Arméniens à ce sujet
(1918-1920)
Les
massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)
L’urologue
Yves Ternon : menteur sous serment
Non,
il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le contraire)
L’approbation
du terrorisme par les polygraphes de la cause arménienne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire