Après les
mensonges proférés par Soghomon Tehlirian, assassin de l’ex-grand vizir et
ex-ministre ottoman de l’Intérieur Talat Pacha, lors de son procès (il
prétendait avoir agi seul, alors qu’il faisait partie de Némésis, groupe
terroriste créé par la Fédération révolutionnaire arménienne ; il prétendait
avoir été déporté en 1915, alors qu’il a rejoint l’armée russe, dès 1914,
depuis Belgrade, où il résidait ; etc.), voici un mensonge concernant le
déroulé du procès lui-même.
Comité de soutien aux
prisonniers politiques arméniens (c’est-à-dire aux terroristes ; ce comité
était dirigé par Jean-Marc
« Ara » Toranian), 1915. Le
génocide des Arméniens, Paris, 1984, p. 77 :
« Seul Soghomon Teilirian [sic :
il s’appelait Tehlirian et, parmi les terroristes de l’opération Némésis, Misak Torlakian, a également été arrêté]
est arrêté et jugé à Berlin, les 2 et 3 juillet 1921. A l’issue d’un procès qui
se transformera rapidement en procès de la “victime” (Talaat), Teilirian est acquitté.
Son acte ne pèse rien face à l’énormité et l’évidence du crime de génocide (28).
Au cours du procès, plusieurs documents accablants mettant en évidence la
responsabilité directe de Talaat sont présentés au tribunal, en particulier les
télégrammes chiffrés adressés par Talaat à la préfecture d'Alep et ordonnant
l’extermination des déportés [l’auteur
anonyme parle ici de certains des faux publiés en 1920 par Aram Andonian].
Le télégramme suivant, figurant parmi les documents authentifiés et admis comme
preuve par le tribunal de Berlin, se passe de tout commentaire.
__________
(28) “Minutes du procès de Tehlirian, traduit de l'allemand par Marcus
Fisch” est paru sous le titre “Justicier du Génocide Arménien. Le Procès de
Tehlirian”, Diasporas, Paris, 1981. Cet ouvrage contient également en annexe
de nombreux documents et témoignages concernant le génocide arménien. »
Jean-Marie
Carzou (Zouloumian), Arménie 1915, un
génocide exemplaire, Paris, 2006, p. 329 :
« Il faut préciser en outre que, bien que l’accès aux archives turques
soit également interdit pour cette période [mensonge
grossier], on peut disposer d’un certain nombre de documents officiels,
soit parce qu’ils ont pu être récupérés lors de la défaite turque de 1918 (c’est
le cas des télégrammes reproduits dans l’ouvrage d’Aram Andonian — et nous ne
citons que ceux qui ont été présentés et authentifiés à Berlin en 1921, lors du
procès de Tehlirian) […]. »
Aurore
Bruna, L’Accord d’Angora de 1921.
Théâtre des relations franco-kémalistes et du destin de la Cilicie, Paris,
Le Cerf, 2018, p. 184 :
« C’est la mise en place de l’opération
Némésis qui rend la justice aux Arméniens. Soghomon Tehlirian assassine le
grand vizir Talat pacha et grand ordonnateur de l’extermination des Arméniens [faute de syntaxe maintenue ici], à
Berlin, où ce dernier s’était enfui. Les témoignages de Tehlirian [Mme Bruna ignore, ou fait mine
de ne pas savoir, que Tehlirian a menti de bout en bout, par exemple en prétendant avoir agi seul], de
Christine Terzibashian, Johannes
Lepsius ou même du général Liman von Sanders [sic : voir ci-dessous quelques passages du témoignage en
question, qui, au contraire, innocentait Talat], ainsi que les documents
retenus, parmi lesquels 5 télégrammes chiffrés adressés par Talat à Naïm Bey [un festival : même le faussaire Aram
Andonian, qui a publié ces « télégrammes », ne prétendait pas qu’ils
fussent adressés au douteux « Naim Bey » en particulier], donnent
une nouvelle dimension au procès, où le crime génocidaire de Talat et des
Jeunes-Turcs [rappelons ici que l’Arménien
Bedros Hallaçyan faisait partie des dirigeants jeunes-turcs…] est à son
tour mis en accusation. Le tribunal acquitte Soghomon Tehlirian [pour folie, ce que Mme Bruna ne
précise pas]. »
Ara
Krikorian (éd.), Justicier du
génocide arménien. Le procès de Tehlirian (traduction en français du
compte-rendu du procès Tehlirian), Paris, Diasporas, 1981 :
« Déposition
de l’expert Son Excellence Otto
Liman von Sanders, 66 ans, protestant
Je voudrais
ajouter quelques précisions d’ordre liminaire à ce qu’a dit M. le Dr. [Johannes] Lepsius.
À mon avis, tout ce qu’on appelle en général “massacres arméniens” peut se
diviser en deux moments : le premier est sans aucun doute un ordre du
gouvernement jeune-turc de procéder à la déportation des Arméniens [pas de tous]. De cet ordre, on peut
rendre responsable le gouvernement jeune-turc, mais non lui en imputer toutes
les conséquences. » (p. 127)
« En tout cas, je dois dire
que, durant les cinq années que j’ai passées en Turquie, je n’ai jamais vu une
seule signature de Talat contre les Arméniens. » (p. 130)
« Le défenseur [Adolf] von Gordon [avocat de Soghomon
Tehlirian] (à S. E. Liman von Sanders) :
Excellence, sans le dire positivement, vous avez fait comprendre que ce sont
des fonctionnaires subalternes qu’il faut rendre responsables de tous les actes
de cruauté ?
L’expert Liman von Sanders : Des cruautés, oui ; mais pas des
déportations elles-mêmes.
Le défenseur von Gordon :
Mon devoir m’oblige à répondre à ce que vous avez avancé en
montrant 5 dépêches de la direction d’Alep [cinq
des faux documents publiés par Aram Andonian en 1920].
(Le conseiller privé von
Gordon va mettre ces dépêches sur la table.)
En demandant qu’on les considère comme des preuves, je vais lire ici deux
de ces dépêches ; M. le professeur Lepsius les a vérifiées.
Le président : En les lisant ici, vous leur enlèverez
leur valeur de preuve.
Le défenseur von Gordon :
Mais je dois au moins
dire leur sens. Les cinq dépêches prouvent que c’est Talat en personne qui a
donné l’ordre d’exterminer tous les Arméniens, y compris les enfants. […] Je ne
devrais faire vérifier les preuves que si les jurés n’étaient pas convaincus.
Le procureur : Je
vous prie de refuser l’authentification. M. le président a déjà permis ici
des explications assez vastes sur la responsabilité de Talat dans les cruautés
envers les Arméniens. Cette question est tout à fait insignifiante. Car, à mon
avis, il est hors de doute que l’accusé était persuadé de tuer en Talat celui
qui portait la responsabilité de ces cruautés. Maintenant, la question est
élucidée. Je pense aussi qu’il ne peut
être question ici, dans ce tribunal, de la responsabilité de Talat. Car on
prononcerait un jugement historique pour lequel il faudrait davantage de
matériel que celui dont nous disposons.
Le défenseur Niemeyer [autre avocat de Tehlirian] : Je voudrais rappeler que Talat était
le fonctionnaire le plus haut placé,
c’est-à-dire le grand vizir [sic :
Talat n’est devenu grand vizir qu’en 1917, donc après le déplacement forcé de
1915-1916]. Talat était le grand responsable de tout, on ne peut que le
croire.
Le défenseur von Gordon : Après cette prise de position du
ministère public et l’influence qu’elle a eue sur Messieurs les jurés, je crois
que c’est le cœur gros que je vais me
passer de cette demande de vérification. » (pp. 137-138)
« C’est pour cela que je [c’est
ici le procureur qui prononce son réquisitoire] crois avoir le droit d’accorder
la plus grande valeur à la déposition de l’autre expert, M. le général Liman
von Sanders : il était sur les lieux à l’époque, avec un haut grade, et il
très au courant de tout ce qui s’est passé. Ils nous a montré qu’il fallait
bien distinguer les raisons qui ont dicté au gouvernement de Constantinople l’ordre
de déportation et la manière dont cet ordre a été exécuté. Si le gouvernement
de Constantinople a cru utile, pour des raisons d’État ou de nécessités
militaires de prendre des mesures de déportation, c’est pour que les
Arméniens ne les trahissent pas, pour qu’ils ne conspirent pas avec l’Entente
et pour qu’ils n’attaquent pas les Turcs dans le dos et ne profitent pas de la
situation pour exiger leur indépendance. […]
Il faut que je fasse cette digression pour faire remarquer que les témoins
et les experts n’ont pas le droit de dire : “Il est prouvé que Talat Pacha
est le responsable direct et conscient des actes de cruauté.” L’utilisation des documents produits ne
peut pas non plus m’induire en erreur. Je sais, en tant que procureur, comment
des documents portant des signatures de hautes personnalités sont apparus chez
nous lors des troubles révolutionnaires et comment on a montré par la
suite qu’ils étaient falsifiés. » (pp. 160-161)
Şinasi Orel et Sürreya Yuca, Les
« Télégrammes » de Talat Pacha. Fait historique ou fiction ?,
Paris, Triangle, 1986, pp. 95-99 :
« Cette partie sur les déportés de Malte est en rapport étroit avec
les “documents” d’Andonian.
Celui-ci, nous l’avons vu, fondait “l’authenticité des documents” qu’il
publiait sur la prétendue signature du préfet d’Alep, Mustafa Abdulhalik Bey.
De même on a vu que les forces britanniques qui occupaient Istanbul avaient
exilé à Malte certains Turcs “qui avaient été estimés coupables des événements
arméniens” pour y être jugés, et que ce même Mustafa Abdulhalik Bey était du
nombre. […]
À la suite de l’armistice de Moudros du 30 septembre 1918, par lequel l’État
ottoman acceptait la reddition, les pays de l’Entente qui avaient occupé
Istanbul et certaines régions de I’Anatolie avaient procédé sous divers prétextes
à des arrestations parmi les dirigeants ottomans. Parmi eux se trouvaient ceux
qui étaient considérés comme responsables des “événements arméniens” [approximatif : seul le Royaume-Uni a
procédé ainsi].
Les arrestations se faisaient d’après les listes préparées par les soins de
la “section gréco-arménienne” qui travaillait auprès du Haut-Commissariat
britannique à Istanbul et qui, dans cette besogne, n’épargnait aucun effort.
Les Britanniques avaient transféré ensuite les détenus à Malte. Andonian
précise dans l’édition française de son livre qu’il était au courant de ce
développement:
“Au moment où j‘écris ces lignes, une nouvelle arrivée à Londres dit que
les autorités anglaises de Constantinople [Istanbul], craignant sans doute
qu’on ne cessât le procès et qu’on ne laissât en liberté tous ces criminels,
les ont fait déporter à Malte dans un bateau spécial [51].”
Le préfet d’Alep, Mustafa Abdulhalik (Renda) Bey, a été déporté le 7 juin
1920 à Malte, et son numéro d’exilé était 2.800 [52].
Les pays de l’Entente avaient consacré, en outre, les articles 226 à 230 du
traité de Sèvres du 10 août 1920, qu’ils avaient imposé au gouvernement
ottoman, à la traduction en justice des “criminels de guerre ottomans”, y
compris “ceux qui étaient tenus responsables des événements arméniens”.
[…] Comme on le voit, pas plus dans les archives des États-Unis qu’ailleurs
les “preuves” que les Anglais cherchaient contre les déportés de Malte
n’avaient pu être trouvées. Le Foreign Office, malgré tout, pour faire
condamner les 42 personnes, dont le préfet d’Alep Mustafa Abdulhalik Bey, “responsables
des événements arméniens”, avait tenté d’influencer le procureur général [de Sa Majesté en Angleterre et au Pays de
Galle] en avançant la raison d’État et les “importantes nécessités
politiques” ; le procureur général n’en avait pas moins persisté, à juste
titre, à refuser de condamner qui que ce fût sur la base des “preuves” qu’il
possédait et il en avait averti le Foreign Office par une lettre du 29 juillet
1921 [60].
La propagande étant battue par le droit, la question des «responsables
turcs des événements arméniens» fut ainsi close et les déportés de Malte furent
tous libérés.
L’un des 17 exilés rentrés de Malte en Turquie, à Inebolu, le 1er novembre
1921, à bord du Chrysanthemum fut Mustafa Abdulhalik Bey [61].
[…]
Le livre d’Andonian a été publié en Grande-Bretagne et en France en 1920. Cette
parution, avec celle des “documents” prétendus “authentiques”, est arrivée
juste au moment où les Britanniques cherchaient partout des preuves contre les
déportés de Malte, fouillant les archives turques aussi bien que celles des États-Unis
d’Amérique [il faut ajouter ici que des
doubles de certains faux d’Andonian figurent au dossier d’accusation de
plusieurs ex-dignitaires ottomans internés à Malte]. Il aurait suffi de
quelques-uns seulement de des “documents” pour faire condamner nombre des
prétendus responsables des “événements arméniens”, entre autres Mustafa
Abdulhalik Bey. Pourquoi donc les Britanniques
n’ont-ils pas accordé crédit à ces “documents” et cherché à les utiliser contre
les déportés de Malte ? La réponse à cette question est simple : les
Britanniques savaient que les “documents” étaient des faux et qu’ils avaient
été fabriqués par les milieux [nationalistes]
arméniens. »
Lire aussi :
Maxime
Gauin réplique à Conspiracywatch, site en pleine dérive (où il est,
notamment, question des faux « documents » publiés par Andonian)
Le terrorisme interarménien pendant l’entre-deux-guerres
Atrocités
arméniennes : une réalité admise par les Allemands contemporains (en public et
en privé)
Johannes
Lepsius dans l'imaginaire nazi
Turcs,
Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français
La
nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en
1915
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
Nationalisme
arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils
musulmans
Talat
Paşa
(Talat Pacha) d’après diverses personnes
"Génocide
arménien" : les télégrammes secrets (authentiques) de Talat Paşa (Talat
Pacha)
Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire