mardi 15 juillet 2025

Mort de Jean-Pierre Azéma, grand historien et adversaire des lois mémorielles

 



Tweet de Frédéric Sallée, agrégé d’histoire, 14 juillet 2025 :

« Des générations d’historiens furent nourries de ses travaux pionniers.

Merci pour tout et pour avoir montré la voie. »

 

Tweet de Corentin Sellin, professeur d’histoire en classes préparatoires, 14 juillet 2025 :

« Je n'avais jamais lu un livre d'histoire universitaire, fut-ce un manuel.

L'été de mes 17 ans, j'ai dévoré le Point Seuil de Jean Pierre #Azéma sur la France de Munich à la Libération

Et soudain j'ai eu envie de faire de l'histoire et même de devenir prof.

Un maître est parti »

 

Jean-Marie Guillon, professeur à l’université d’Aix-Marseille, compte-rendu de Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), 1938-1948. Les années de tourmente: de Munich à Prague. Dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1995, Vingtième Siècle, revue d'histoire, n° 51, juillet-septembre 1996, p. 168 :

« Mais l'ensemble porte la marque très forte des deux directeurs qui ont assuré eux-mêmes la rédaction de notices nombreuses et essentielles dont il n'est pas nécessaire de souligner la qualité. Citons la déclinaison des principaux types de conflits par François Bédarida, ou sa synthèse chaleureuse sur l'État-Providence, celles de Jean-Pierre Azéma sur Prague et Auschwitz. […]

Ces deux derniers chapitres couronnent un ensemble qui réussit à associer “Retour à Clio”, inventaire problématique et démarche éthique, conformément aux objectifs que s'étaient fixés ses maîtres d'œuvre. Ce dictionnaire original s'impose donc comme un instrument de travail et de réflexion indispensable. »

 

Jean-Pierre Azéma, « Cessez de jouer avec les mémoires ! », Libération, 10 mai 2006 :

« Nous ne disons pas que l’histoire appartient aux historiens : le résultat de tous les travaux qu’elle inspire devient le bien de tous. C’est précisément pour préserver ce droit de tout citoyen d’accéder aux connaissances historiques que nous nous élevons contre la proclamation de vérités officielles, qui, en imposant ce qu’il faut chercher, trouver, enseigner, au risque de sanctions administratives, voire pénales, est indigne d’un régime démocratique. Et notre association Liberté pour l’histoire soutiendra ceux qui, hormis les négationnistes des chambres à gaz, seraient menacés pour avoir enseigné la réflexion, le débat.

En décembre, des responsables de groupes parlementaires de l’Assemblée nous avaient assurés à demi-mot qu’aucune nouvelle disposition ne viendrait aggraver ces lois mémorielles. Nous apprenons qu’une proposition de loi déposée par le groupe socialiste entend “compléter” la loi sur le “génocide arménien de 1915” : sa “négation” serait “punie des mêmes peines que la négation de la Shoah” [ce texte a été rejeté par le Sénat en mai 2011 pour inconstitutionnalité criante]. Récemment, quarante députés UMP demandaient le “déclassement” d’un article de la loi Taubira “par souci d’égalité de traitement”, plus probablement en représailles du déclassement de l’article 4 de la loi Mekachera. On assiste donc à ce que nous redoutions, à la rivalité et à la surenchère de mémoires victimaires qui prendront les enseignants, mais aussi la connaissance historique des citoyens, en otage. Que les députés ne prêtent pas attention aux retombées perverses des lois mémorielles, c’est désolant. Que leur dessein ne soit pas exempt de visées électoralistes est tout bonnement consternant. »

 

Il est remarquable qu’à l’instar de Marc Ferro, Françoise Chandernagor, René Rémond, Alain Juppé, Josselin de Rohan, Gaëtan Gorce, Jean-Jacques Hyest, Jacques Mézard, Gwendal Rouillard ou encore Michel Diefenbacher (non-juifs, comme lui, opposés aux lois mémorielles, comme lui), Jean-Pierre Azéma n’ait pas suscité, chez les nationalistes arméniens, la même hystérie haineuse que Bernard Lewis, Gilles Veinstein, Robert Badinter et Pierre Nora (tous les quatre de famille israélite).

 

Lire aussi, sur la tragédie de 1915 :

Talat Pacha et les Arméniens

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

Les destins parallèles de Simon Petlioura et Talat Pacha

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

L’urologue Yves Ternon : menteur sous serment

Artin Boşgezenyan : un Jeune-Turc à la Chambre des députés ottomane

Zareh Dilber Efendi : conseiller d’État sous Abdülhamit II, sénateur jeune-turc et admirateur de Pierre Loti

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

L’évolution et les remords d’Arnold Toynbee

L’évolution et les remords de James Barton

1915 : le Premier ministre arménien ébrèche le tabou du « génocide »

 

Sur l’origine du deux poids, deux mesures évoqué plus haut :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

L’antisémitisme de Mevlanzade Rifat, nationaliste kurde, menteur et référence du nationalisme arménien contemporain

L’Entente libérale (référence des « historiens » défendant le nationalisme arménien) : antijudéomaçonnisme, racisme antitsigane, putschisme, etc.

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

Le rôle de l’URSS et de l’ASALA dans la réactivation des thèmes antisémites et antimaçonniques du nationalisme arménien

Alain Soral de nouveau mis en examen : rappels sur Jean Varoujan Sirapian et le soralisme

Patrick Devedjian et le négationniste-néofasciste François Duprat

Paul Rohrbach : militant arménophile, référence du nationalisme arménien, théoricien de l’extermination des Hereros et inspirateur d’Hitler

Les massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)

 

Sur les tentatives de censure légale :

La triple défaite des nationalistes arméniens devant le Conseil constitutionnel (2012, 2016, 2017)

Quand l’avocat Philippe Krikorian se prenait pour la justice française

Hubris : porte-voix du communautarisme arménien, Julien Ravier a prôné une modification constitutionnelle pour annuler la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel

L’anticatholicisme rabique de l’Église apostolique arménienne, du XVIIe siècle à nos jours

  Précision liminaire : l’Église apostolique arménienne est une Église nationale, schismatique depuis la fin de l’Antiquité ; néanmoins, il ...

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