Firuz Kazemzadeh, The Struggle
for Transcaucasia, New York-Oxford, Philosophical Library/George Ronald
Publisher, 1952, pp. 71-75 :
« Mais ce ne sont ni les Kadets [constitutionnels-démocrates],
ni les mencheviks [socialistes], ni
les SR [sociaux-révolutionnaires, parti
divisé entre partisans et adversaires de bolcheviks] qui ont sauvé le
Soviet [de Bakou] pendant les jours
de mars [1918]. Ce fut la
Dashnaktsutiun [Fédération
révolutionnaire arménienne, FRA, aussi appelée « les dachnaks »],
avec son organisation militaire, qui fit pencher la balance en sa faveur. Au
début, le Conseil national arménien a proclamé sa neutralité dans la querelle
entre le Musavat [parti national
azerbaïdjanais] et le Soviet. Il a même été sous-entendu que les Arméniens [de la FRA] auraient dit au Musavat que
ce dernier pourrait s'attendre à leur aide contre les bolcheviks. Si c'était le
cas, alors les Arméniens [de la FRA]
étaient en grande partie responsables du massacre qui s'en est suivi, car le
Musavat s'est plongé dans le conflit armé en pensant qu'il n'avait qu'un seul
ennemi [les bolcheviks] à affronter.
[…]
Les Arméniens qui avaient jusque-là proclamé, avec force, leur neutralité, se
tournèrent soudain vers les Soviétiques et se joignirent à l’attaque contre
le Musavat. […]
Du côté arménien, l’archevêque Bagrat écrivit une lettre à la mission
américaine de Bakou. […]
En ce qui concernait le massacre de la population musulmane, l’archevêque
Bagrat nia que les Arméniens y aient pris part [rappelons ici que ses héritiers idéologiques hurlent « négationnisme »
quand ils font face à des arguments qu’ils ne savent pas contrer]. Il
prétendait au contraire que les Arméniens avaient accueilli vingt mille
musulmans pendant l’affrontement.
Les Azerbaïdjanais portèrent la contradiction sur chaque affirmation de
cette version arménienne. Ils dirent que c’était un désir de vengeance
nationale, ou celui de partager le pouvoir avec les bolcheviks qui était à l’origine
des attaques par des Arméniens et du massacre de la population civile [musulmane] de Bakou. Il ne fait aucun
doute que l’attaque était dirigée tout autant contre la population civile que
contre les détachements militaires du Musavat. Tout Azerbaïdjanais que les bandes dachnaks attrapaient était tué.
Beaucoup de Persans y perdirent la vie, eux aussi. Les Arméniens iraniens de
Bakou essayèrent de sauver la vie de leurs compatriotes et y réussirent en
effet, ce qui est peut-être la base à partir de laquelle l’archevêque
Bagrat présenta son affirmation exagérée, selon laquelle vingt mille musulmans
avaient été sauvés par des Arméniens. […]
Sur la base des éléments présentés ci-dessus, il est possible d’affirmer
que le Soviet a provoqué la “guerre civile” dans l’espoir de briser la
puissance de son plus redoutable rival, le Musavat. Cependant, une fois que le
Soviet eut appelé la Dachnaktsoutioun à prêter son assistance dans la lutte
contre les nationalistes azerbaïdjanais, la “guerre civile” a dégénéré en
massacre, les Arméniens [de la FRA]
tuant les musulmans quelle que fût leur affiliation politique ou leur position
sociale et économique. Les Russes non bolcheviques se rangèrent du côté du
soviétique pour la simple raison qu'ils étaient Russes et préféreraient voir le
triomphe du soviétique qui obéit à Moscou, plutôt que la victoire du Musavat
indépendantiste.
Quand enfin un semblant d'ordre a été rétabli à Bakou, les rues débarrassées des milliers de cadavres et les incendies éteints,
le Soviet est apparu comme la plus grande force de la ville. Les musulmans ont
été vaincus et complètement désarmés, tandis que les Arméniens étaient
affaiblis. »
Gaston Gaillard, Le
Mouvement panrusse et les alllogènes, Paris, Chapelot, 1919, pp. 40-41 :
« Bien que les représentants du parti nationaliste arménien,
Daschnaktsoutioim, qui n'étaient pas bolchevistes et avaient même mené au
Conseil municipal une campagne acharnée contre ces derniers, et les représentants
des autres partis arméniens qui composaient le Conseil national arménien, aient
engagé, peu de temps avant ces événements, des pourparlers avec les
représentants du Comité central musulman de la Transcaucasie pour régulariser
les relations politiques et nationales des éléments arméniens et
musulmans, dès que les bolcheviki eurent engagé le combat contre les
Azerbaïdjaniens, plus de 3.000 soldats arméniens revenus du front occidental se
joignirent à eux contre les -Musulmans. Près de 12.000 Musnlmans périrent de la
main des boicheviki aussi bien que de celle des ennemis de l'islamisme qui
profitèrent de ces circonstances pour régler entre eux leurs comptes nationaux.
Ces deux éléments détruisirent de concert de nombreux villages musulmans et,
parmi ceux-ci, une des plus anciennes villes de l’Azerbaïdjan : Chemaka
(Chirvan). Les Arméniens de Bakou prirent seuls part à ce mouvement qui fut désapprouvé
par les autres éléments arméniens habitant hors de Bakou. »
Justin McCarthy, Death and Exile.
The Ethnic Cleansing of Ottoman Muslims, 1821-1922, Princeton, Darwin
Press, 1995, p. 215 :
« Le gouvernement turc a déclaré que 199 villages musulmans de la
République arménienne avaient été détruits [en
1919], ce qui n’est probablement pas très exagéré. En mars 1920, la
République d’Azerbaïdjan a officiellement protesté contre les massacres en
République d’Azerbaïdjan, énumérant nommément les villages détruits et estimant
que l'État arménien “avait dévasté plus de 300 villages et massacré la plupart
des musulmans qui peuplaient lesdits villages”. Même le
gouvernement persan, qui ne n’est pas plaint parce qu'il était largement
sous le contrôle des soldats du corps d’occupation britannique, s'est prononcé
contre le massacre. Cependant, les critiques les plus éloquentes sont venues d’Arméniens
— du Parti social-révolutionnaire de la
République arménienne :
“Au président du Parlement :
Nous vous prions d'adresser au ministre de l'intérieur la demande suivante.
Le Ministre est-il informé qu'au cours des trois dernières semaines, sur le
territoire de la République arménienne, dans les limites des districts
d'Echmiadzin, Erivan et Sourmalin, une série de villages tatars, par exemple
Pashakend, Takiarli, Kouroukh-Giune, Oulalik de la société Taishouroukh,
Agveren, Dalelar, Pourpous, Alibek Arzakend, Djan-Fida, Kerim-Arch, Agdjar,
Igdalou, Karkhoun, Kelani-Aroltkh du district d'Echmiadzin, de même qu’une
série d'autres villages ont été purgés de la population tatare [azérie] et ont été par visés par vols
et des massacres ? Est informé que la police locale, non seulement n'a pas
empêché, mais a même participé à ces vols et à ces massacres, que ces
événements ont laissé une très mauvaise impression sur la population locale qui
est dégoûtée de ces vols et désordres et qui souhaite vivre en paix avec ses
voisins et demander que les coupables soient jugés et punis en conséquence, car
ils sont à ce jour impunis ?” »
Il va sans dire que cette protestation est restée sans effet.
Lire aussi :
Les
massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
Nationalisme
arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils
musulmans
Turcs,
Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français
Le
vandalisme : une pratique centennale du nationalisme arménien
Non,
il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le
contraire)
La
collaboration de la Fédération révolutionnaire arménienne avec le Troisième
Reich
Misak
Torlakian : du terrorisme de Némésis au renseignement du Troisième Reich
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