jeudi 29 juillet 2021

L’engagement de Patrick Devedjian dans un sous-produit du Service d’action civique (droite extrême, à tendance mafieuse)

 


 

François Audigier, Histoire du S.A.C. La part d’ombre du gaullisme, Paris, Stock, 2003, pp. 492-495 :

« Le 9 décembre 1981, une page entière de publicité [payée avec quel argent ?] dans Le Figaro, Le Monde et Le Quotidien de Paris annonça le lancement d’un mouvement intitulé Solidarité et défense des libertés (SDL). Piloté par Charles Pasqua (SDL siégeait au 63, boulevard des Batignolles, adresse à laquelle on trouvait déjà le Centre d’études sociales, économiques et politiques, une officine présidée par le sénateur RPR) et son ami Paul d’Ornano, ce “rassemblement ferme et résolu” s’adressait à ceux qui refusaient le socialisme et voulaient agir. […] Si certaines figures de l’opposition étaient là pour la vitrine […], on y remarquait aussi la présence de personnalités plus marquées à droite, comme le Dr François Bachelot (secrétaire général de la Chambre des professions libérales et futur député FN en 1986), Jean Roussel (futur député FN en 1986) ou Pierre Lagaillarde, ancien chef des étudiants à Alger. Le responsable du bulletin de SDL, La Vraie Vérité, était un ancien de l’OAS et du SAC [Service d’action civique, service d’ordre truffé de voyous, parfois aussi de véritables truands, dissous en 1982 après le massacre d’une famille par plusieurs membres du SAC], Jean Taousson. Cet ancien des barricades d’Alger avait été arrêté à Nice en 1963 en possession d’armes. Amnistié, il avait rejoint comme d’autres le SAC [en 1968] pour lutter contre la chienlit. Il y avait rencontré Charles Pasqua, qu’il suivait désormais entre deux séjours africains aux finalités mystérieuses. […] Sur le terrain, l’encadrement de SDL était clairement assuré par des membres de l’extrême droite, à l’image de Gérard Écorcheville. Cet ancien d’Ordre nouveau [organisation ouvertement néofasciste, interdite en 1973] et du Parti des forces nouvelles [PFN, issu d’une scission du Front national, en 1974] se vit attribuer par Charles Pasqua le secrétariat administratif de la nouvelle organisation. […] Deux autres rescapés de l’extrême droite, Alain Robert (cet ancien secrétaire général d’Ordre nouveau avait fondé le PFN, il noyautait alors le CNIP de Philippe Malaud) et Patrick Devedjian rejoignirent l’organisation.

Les liens entre SDL et le SAC apparaissaient clairement à Marseille. Quand Charles Pasqua vint inaugurer les nouveaux locaux de la fédération des Bouches-du-Rhône, il put rencontrer des anciens. Le président et le secrétaire général de l’antenne marseillaise de SDL n’étaient autres que Paul Gaillet et Joseph Nicolaï (ancien commandant principal de la police marseillaise), tous deux membres du SAC. Parmi les simples adhérents, les anciens du SAC étaient aussi nombreux. […]

Sur le terrain, SDL ressemblait fortement au SAC. Même discours extrémiste anticommuniste et sécuritaire, mêmes méthodes musclées, même organisation paramilitaire (caractéristique qu’on retrouvait dans une autre structure accueillante pour les anciens du SAC, Unir et Servir). Même tendance aussi au renseignement clandestin. […]

Les médias allaient encore parler du SAC et de Charles Pasqua à l’occasion de l’assassinat, le 15 janvier 1982, de Marcel Francisci. On retrouva dans sa poche une cassette de conversations téléphoniques qu’il avait eues avec l’avocat Paul Lombard, ami de Gaston Defferre. Marcel Francisci, un ancien du SO [service d’ordre] du RPF [Rassemblement du peuple français, parti politique créé par Charles de Gaulle en 1947, mis en sommeil en 1955] qui avait participé aux combats de la France libre, avait eu ensuite des démêlés avec la justice et la police. Alors que le pouvoir de droite avait toujours toléré son empire, Gaston Defferre avait fait fermer le cercle de jeux Haussmann. Pour expliquer le meurtre, on rappela son engagement dans les activités barbouzardes anti-OAS, on évoqua la French connection. Dans leur biographie de Charles Pasqua, Philippe Boggio et Alain Rollat mentionnèrent un fait que les enquêteurs de l’époque ignoraient. Huit jours avant son assassinat, Marcel Francisci avait déjeuné avec un ancien résistant surnommé Ronibus, auquel il aurait confié son intention de révéler à l’Élysée certains chantages financiers du SAC, en échange de la réouverture de son cercle de jeux. L’avait-on assassiné pour l’empêcher de parler ? »


« Une manifestation à Paris — L’extrême droite et le R.P.R. bras dessus, bras dessous », Le Monde, 5 mai 1982 :

« Précédées de jeunes filles portant des drapeaux bleu, blanc, rouge, d’une rangée de jeunes gens en jeans et blouson de cuir, munis d’un brassard tricolore, où l’on pouvait lire “service d’ordre P.F.N.” (Parti des forces nouvelles, mouvement d’extrême droite), environ deux mille personnes ont manifesté, lundi 3 mai, entre 18 h 30 et 20 h 30, à Paris, de la place de l’Aima à la rue Marbeuf, en passant par les Champs-Élysées, pour protester contre “le terrorisme et l’insécurité en France”.

Elles répondaient à l’appel du mouvement Solidarité et défense des libertés, fondé par M. Charles Pasqua, président du groupe sénatorial R.P.R., pour qui “le gouvernement est responsable de l’aggravation du terrorisme” et pour qui “la suppression de la Cour de sûreté de l’État, et celle de la peine de mort, ont été perçues comme une faiblesse par les terroristes, qui en profitent”. Le mouvement Légitime défense, la Fédération professionnelle indépendante de la police (F.P.I.P.) et plusieurs sections de banlieue du R.P.R. s’étaient associées à la manifestation.

Bras dessus, bras dessous, une dizaine d’élus, dont MM. Paul d’Ornano, sénateur, représentant les Français à l’étranger, Jacques Toubon, député R.P.R. de Paris, Jacques Dominati, député U.D.F. de Paris, et Pierre-Christian Taittinger, sénateur R.I., ainsi que Mme Alice Saunier-Seïté, ancien ministre, ont défilé, reprenant en chœur la Marseillaise, ou des slogans parfois contre le terrorisme, souvent contre le gouvernement : au “Français, dans la rue contre le terrorisme !”, succédaient : “Carlos, Defferre, même combat !”, “Communistes, terroristes, assassins !” et “Defferre, salaud, le peuple aura ta peau!”, pour finir par “Defferre à l’hospice !” en passant par “Le vieux porc à Marseille !”

[N.D.L.R. - La grossièreté semble décidément devenir la marque des ultras de l’opposition. “Voyou”, pour M. Séveno, “moisissure”, pour M. Badinter, “vieux porc”, pour M. Defferre ! Où s’arrêtera la violence verbale et vulgaire de distingués représentants de la droite ?] »

 

Jacques Foccart, Journal de l’Élysée, tome IV, La France pompidolienne. 1971-1972, Paris, Fayard/Jeune Afrique, 2000, p. 523 (les citations en italiques sont de Georges Pompidou, alors président de la République) :

«  Toutefois, il y a quelque chose qui m’ennuie beaucoup, c’est la désignation de Charles Pasqua. “Je n’ai pas compris comment cela a pu se faire ; c’est complètement ridicule. — Je savais qu’il en était question, mais je n’avais pas pu joindre Germain. — Vous auriez dû m’en parler. J’aurais convoqué Messmer et lui aurais dit : ‘Pas d’histoires, je ne veux pas de ce Pasqua ; c’est complètement ridicule.’ Vous voyez ce type, s’il prend à la parole, mettons pour la mort du Général à Colombey, il va faire rigoler la terre entière. — Il n’y a pas que cela, il y a aussi le fait que c’est quelqu’un que je considère personnellement comme douteux. Il appartenait [jusqu’à son éviction en 1967] aux éléments du SAC qui se sont retirés, et vous vous rappelez mon jugement à ce moment-là. Ces gens, à cette époque, avaient dans leur équipe tous les mauvais garçons [euphémisme pour « voyous »] des Bouches-du-Rhône et du Var. C’est à lui aussi qu’est arrivée cette histoire très désagréable : un de ses gardes du corps, qui était un Noir de Marseille, a tué un de ses adversaires socialistes. — Oui, oui, je sais. Enfin, c’est tout à fait déplorable, je ne comprends pas.” »

 

Jean Mauriac, L’Après-de Gaulle. Notes confidentielles, 1969-1989, Paris, Fayard, 2006, pp. 165-166 :

« 7 février 1975

Maurice Couve de Murville [ministre des Affaires étrangères de 1958 à 1968, puis Premier ministre de 1968 à 1969] […] : “Le plus triste à l’UDR [parti gaulliste], c’est le manque de moralité et d’honnêteté de certains. De certains Corses, par exemple. Chirac a barre sur les [René] Tomasini, les Pasqua, les [Alexandre] Sanguinetti. Il les tient parce qu’il sait trop de choses sur eux.” »

 

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