Michael M. Gunter, “Pursuing the
Just Cause of their People.” A Study of Contemporary Armenian Terrorism,
New York-Westport-Londres, Greenwood Press, 1986, p. 3 :
« Aux États-Unis, les spectacles prévu par la troupe publique de danse
populaire furent annulés [en 1972] à cause de menaces et [en 1976] d’un
attentat à la bombe, la soirée pour le centenaire d’Atatürk organisée par
l’Association turco-américaine de Houston [au Texas] fut interrompue et en
janvier 1982, des extrémistes arméniens ont interrompu un cours à l’université
de Californie-Los Angeles [UCLA] donné par Stanford J. Shaw, un éminent
professeur d’études ottomanes. En outre, la maison du professeur Shaw fut
ravagée [en 1977] par une bombe, la porte de son bureau à l’université fut
forcée puis la pièce saccagée, et il a reçu de fréquentes menaces verbales et
écrites. Finalement, il a dû annuler la tenue de ses cours [au premier semestre
1982] et partir se cacher [à İstanbul]. Il semble que la raison de
ce harcèlement fut la perspective proturque qu’il avait manifestée dans son History of the Ottoman Empire and Modern
Turkey, [parue aux Presses universitaires de Cambridge en]
1977. Répondant à une enquête sur ce sujet, William D. Schaefer,
vice-président de l’UCLA, a écrit : “Dès lors qu’une organisation
terroriste internationale est impliquée, l’université n’a qu’un pouvoir limité
pour remédier à cette situation.” »
Franck « Mourad » Papazian,
compte-rendu du procès de Max Hraïr Kilndjian devant la cour d’assises
d’Aix-en-Provence pour tentative d’assassinat sur l’ambassadeur de Turquie à
Berne, Haïastan, février 1982, p. 14
:
« Pendant une demi-heure, des lamentations [sic] et des slogans : “Libérez
Kilndjian.”
Lorsque les avocats de la défense [Patrick
Devedjian et Henri
Leclerc] ont pris la parole, toute manifestation s’est interrompue afin de
ne pas gêner leur plaidoirie [contrairement, donc, à ce qui s’était passé
durant la plaidoirie de l’avocat de la partie civile, Alain Vidal-Naquet]. […]
À l’extérieur, nous étions tous conscients de la gravité du moment que nous
vivions. Les jurés allaient délibérer. D’un coup, la foule a commencé à
entonner des slogans. J’étais fou [sic], je n’avais jamais vécu cela. Deux
heures de délibérations, deux heures de slogans incessants, seulement
interrompus par des chants révolutionnaires.
Cette foule qui, pendant deux heures, a crié, a chanté, cette foule [composée principalement par des membres de la Fédération révolutionnaire arménienne] qui,
pendant deux jours a soutenu Hraïr, cette foule consciente, concernée, passionnée,
cette foule qui a su quand il fallait crier [sic], chanter ou garder le
silence, a sûrement influencé la décision du jury. […]
Non Hraïr ne devait plus rester en prison. C’en était assez, c’était même
trop. Et puis cette foule, non pas
excitée, mais convaincue, quelle allait être sa réaction [en cas de
condamnation supérieure au temps passé en détention provisoire] ? Mieux vaut ne
pas y penser. »
Pulat Tacar, « On
Devedjian’s Passing », avim.org.tr,
10 avril 2020 :
« Avant la résolution [sur la question arménienne] qui devait être
adoptée au Parlement européen, [Patrick] Devedjian a négocié le placement d'une
personne au titre de «secrétaire» pour assurer la sécurité du Belge Jaak
Vandemeulebroucke et le contrôler ; or c’est ce dernier qui a été chargé
de préparer un rapport sur la “résolution politique de la question arménienne”.
M. Israel, ancien rapporteur du Parlement européen et citoyen français de
famille juive, a refusé d’écrire un rapport dans le sens que souhaitaient les
lobbyistes arméniens tels que Devedjian.
Lors de chaque rencontre que j'ai eue [en tant qu’ambassadeur de Turquie
auprès de la Communauté européenne] avec Vandemeulebroucke, ce “secrétaire”
était présent et a enregistré nos conversations. Le groupe dont Devedjian
faisait partie avait initialement rédigé le rapport Vandemeulebroucke original
en français. Ensuite, le rapport a été traduit dans la langue maternelle de
Vandemeulebroucke, le flamand, et lui a été glissé entre les mains.
En fait, au début, lors d'un déjeuner en tête-à-tête que j'ai pu avoir avec
Vandemeulebroucke, il avait accepté de venir en Turquie et d'ajouter le point
turc dans son rapport. Ce rapporteur devait venir en Turquie, écouter ce que
pensent ses habitants et pourrait rencontrer tous les citoyens turcs d'origine
arménienne qu’il souhaiterait. Cependant, Devedjian et son organisation ont
empêché Vandemeulebroucke de se rendre en Turquie et de bénéficier des
documents que nous lui avions remis. Le rapport a été présenté à la commission
des questions politiques du Parlement européen.
Lors du vote en commission des questions politiques, nous avons pu obtenir
le rejet de la proposition relative au thème du génocide sur la base du rapport
précité avec une petite différence : une voix (16 non, 15 oui). Je connais
très bien ces développements, car les enregistrements vocaux de tous les
discours m'ont été d'une manière ou d'une autre envoyés le soir de la séance de
vote. Le président italien de la commission, M. Formigoni, disait, en proie à
la panique : “Regardez, le projet a été rejeté, je le mets encore une fois
aux voix” ; mais c’eût été une tentative atypique de faire revoter un texte. Un
parlementaire allemand s'est opposé à ce que la proposition fût mise au vote
une deuxième fois ; cependant, le président n'a pas écouté cette objection et a
de nouveau mis la proposition aux voix ; le rapport a de nouveau été rejeté par
seize votes contre quinze. Un rapport rejeté à nouveau inscrit à l'ordre du
jour n'a pas été possible, en application du règlement du Parlement européen.
Malgré cela, Formigoni a subi des pressions pour ramener ce sujet à l'ordre du
jour, mais il a résisté. Cependant, cinq mois après la fin du mandat de
Formigoni, un autre Italien du nom de M. Ercini a été nommé président de la
commission.
Ercini a remis le rapport à l'ordre du jour comme si de rien n'était et a
ignoré les objections. Nous nous sommes assurés que les parlementaires qui
soutenaient le point de vue turc s’y opposeraient, en commission ; cependant,
cette objection n'a même pas été portée à l'ordre du jour. Cette fois, le
parlementaire allemand Klaus Hänsch qui était membre de la commission des
questions politiques (il est devenu président du Parlement européen par la
suite) a veillé à ce que toutes les occurrences du mot “génocide” dans la
proposition introduite par les parlementaires français soient une par une mises
aux voix et retirées du texte. Cette proposition que l'on tentait d'adopter à
des fins de propagande a perdu tout son sens du fait de la suppression des
références au “génocide”.
À ce stade, des politiciens français, dont Devedjian, se sont à nouveau impliqués et, en bref, ont déclaré; “Ne formulez pas d’objections à la commission des questions politiques, veillez à la transmission du rapport à la session plénière du Parlement européen, nous ajouterons ces références lors de cette session”. […]
En juin 1987, certains
parlementaires qui devaient voter contre le projet de résolution au PE ont été
menacés et ont été empêchés d'entrer dans la salle de session où le vote se
déroulait par une équipe de militants arméniens armés qui étaient entrés dans
le bâtiment. Certains
parlementaires ne sont pas allés au Parlement ce jour-là par crainte. Du point
de vue des parlementaires, est-ce que quelqu'un qui n’aurait aucun intérêt dans
le conflit turco-arménien se mettrait en danger pour prendre parti à ce sujet ?
Au cours de la session de vote, le parlementaire allemand Rudolf Wedekind a
déclaré à la tribune qu'il avait été menacé avec une arme à feu dans
l’enceinte du Parlement européen ; cela été consigné au compte-rendu des
débats. La présidente de séance, Mme Pery — ce qui est incroyable — a
ri des objections de Wedekind et a fait reprendre le cours de la séance. Les
références au “génocide” qui avaient été supprimées du texte lors de la
commission des questions politiques, en plus d'autres articles suggérés par des
parlementaires d'origine grecque, ont été ajoutées au texte. À ce moment-là, il y avait environ 50 députés présents sur
un total de 650 parlementaires. Les organisations de la diaspora arménienne
avaient rempli la section du public de la salle du parlement et criaient et
manifestaient.
Le jour du vote a été très pluvieux. Des centaines de bus avaient amené des
militants de divers endroits de France. Le parlement était encerclé: on ne
pouvait ni entrer ni sortir. C'était comme s'il y avait un état d'urgence. Un
podium a été placé à l'extérieur du bâtiment et ceux qui ont pris la parole ont
provoqué les personnes qui s'y étaient rassemblées. Dans le but de relayer les
cris et l'ignominie, j'ai demandé à Ankara d'écouter par téléphone comme s'il s'agissait
d'une émission en direct.
L'une des personnes qui a
conçu et mis en œuvre ce scénario et organisé tout ce jour-là était Patrick
Devedjian. La personne qui m’a informé de cette affaire était un parlementaire
français du parti de Devedjian qui voulait voter en notre faveur mais n’a pas
assisté à la session de vote par peur. […]
Heureusement, ces initiatives politiques et la propagande sur le “génocide”
se sont heurtées au mur du droit, le 17 décembre 2003. Dans un procès intenté
par deux citoyens français d'origine arménienne et lié à la résolution du
Parlement de 1987 et à la candidature de la Turquie à l'Union européenne, la
Cour de justice européenne a
jugé, à propos de cette résolution :
“Il suffit de relever à cet égard que la résolution de 1987 est un document
contenant des déclarations de caractère purement politique, lesquelles peuvent,
à tout moment, être modifiées par le Parlement. Elle ne saurait, de ce fait,
produire d’effets juridiques obligatoires à l’égard de son auteur ni, a
fortiori, à l’égard des autres institutions défenderesses.” »
Ara Krikorian, « L’action du Comité de défense de la cause arménienne et la reconnaissance du génocide arménien », Haiastan.fr, 29 juin
2020 :
« Le matin du 18 juin [1987], plus de trois mille Arméniens accourus
de France et de l’Europe tout entière, bravant le froid et la pluie, se massent
devant les grilles du Parlement, difficilement
contenus par les forces de l’ordre. »
« Les
actions engagées par les parties civiles arméniennes contre “le Monde” déclarées
irrecevables par le tribunal de Paris », Le Monde, 27 novembre 1994 :
« Dans un jugement du 18 novembre, la dix-septième chambre du tribunal
correctionnel de Paris a déclaré irrecevables les actions engagées pour
“négationnisme” par les parties civiles arméniennes à l'encontre du Monde [et de Bernard Lewis]. Ces parties
civiles, et notamment le Comité de défense de la cause arménienne [créé en 1965
par la Fédération
révolutionnaire arménienne], contestaient les propos de l'islamologue
anglo-américain Bernard Lewis, qui avait notamment affirmé, dans un entretien
accordé au Monde, qu'il n'y avait pas
de “preuves sérieuses” d'un plan du gouvernement ottoman visant à exterminer la
nation arménienne (le Monde du 17
octobre). Pour des raisons juridiques, le tribunal a estimé que les parties
civiles arméniennes n'avaient pas “intérêt à agir”. »
ð
Ne
pas avoir « intérêt à agir » signifie qu’on n’a pas le droit,
juridiquement, d’entamer une action de ce type (en l’occurrence, l’inclusion de
la lutte contre le racisme ou la défense des anciens déportés dans ses statuts est obligatoire pour engager une action de ce genre).
Le Monde aurait pu ajouter que, de
toute manière, l’article de loi invoqué ne concerne que les crimes contre
l’humanité commis par les nazis, leurs alliés et leurs auxiliaires, puis jugés
à Nuremberg, ou par une juridiction française. Le but n’était donc pas de
gagner, mais — dans un premier temps — d’intimider.
Déposition
écrite de Koray Incki (ingénieur, ancien étudiant de l’université de
Californie méridionale), 2000 :
« Moi et les étudiants que je représentais avons été victimes du
terrorisme arménien et d'autres formes de violence et de harcèlement antiturcs
perpétrés par des éléments de la communauté arméno-américaine. Le soir du
vendredi 8 avril 2000, l'USCTSA [l’Association des étudiants turcs de
l’université de Californie méridionale] a tenté de tenir sa Neuvième soirée
turque annuelle, au centre estudiantin du campus. La Soirée turque est très
populaire à l'USC et présente la cuisine, la danse et musique de Turquie.
Chaque année, plus de 200 étudiants y assistent. Malheureusement, cette année-là,
notre évènement a subi une attaque brutale par un groupe nombreux des militants
arméno-américains, qui ont convergé vers la salle de danse entre 20h30 et 21h30,
lançant des objets sur les participants à cette fête et frappant sur les portes
vitrées de la salle de danse. Ces militants portaient tous des t-shirts noirs
qui disaient: “La Turquie est coupable de génocide.” Il va sans dire que le
spectacle danse était entièrement financé, organisé et assisté par des étudiants
de l’USC, et n'avait aucun lien avec le gouvernement turc.
Plus de 200 participants, terrifiés ont recherché protection derrière les
lignes de police et à l’intérieur du bâtiment. Le département de la sécurité
publique de l'USC a répondu en envoyant dix voitures de service, appuyées par
un peloton de 25 policiers anti-émeute du département de police de Los Angeles (LAPD).
Les forces de sécurité ont construit un mur humain autour de la danse salle.
Alors que la plupart des manifestants avaient fui les lieux, les forces de
l’ordre ont filmé l’affaire.
La police a pu arrêter deux militants arméno-américains. Incapable ou peu
disposé à fournir la protection nécessaire qui eût permis à la Soirée turque de
se dérouler comme prévu, le département de la Sécurité publique a ordonné
l'arrêt de la soirée dès 22 h. Cette action officielle a non seulement
récompensé les efforts des militants arméno-américains pour nuire, menacer et
intimider les étudiants — turco-américains et autres — qui participaient à la
fête, mais elle a aussi violé le droit de réunion de ces étudiants. Aucune
poursuite n’a été engagée, car l’université [de Californie méridionale] considère
que cette affaire est close [ce qui implique une intervention à un haut niveau,
dont de simples braillards de rue seraient incapables : ils étaient donc
protégés]. »
« L’actualité à Marseille —
Veinsein persiste mais en vain », Haïastan,
juin 2000, p. 10 :
« Vendredi 12 mai 2000, la Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme
d’Aix-en-Provence accueillait M. Gilles Veinstein, professeur [d’histoire
ottomane] au Collège de France, pour un cours sur “Sultanat et califat dans
l’Empire ottoman” [aucun rapport avec la question de 1915, donc]. Dans l’assistance,
sont présents des historiens, chercheurs et étudiants, mais aussi, pour son
tiers des Arméniens.
Le CDCA [Comité de défense
de la cause arménienne, déjà évoqué plus haut] Marseille, la FRA Nor Seround
[organisation de jeunesse de la FRA] sont présents, dispatchés discrètement
dans la salle et sont fermes et unanimes : M. Gilles Veinstein ne fera pas
son cours. Il est
inconcevable [sic !] de laisser un homme faire à travers un cours la
propagande politique d’un empire signataire de l’extermination du peuple
arménien en 1915.
Ce
négationniste du génocide
arménien refusait par ses écrits [sic : un seul article] parus dans la
revue L’Histoire d’avril 1995
l’emploi du terme “génocide”. Il reste perplexe quant à l’exactitude du chiffre
des victimes arméniennes, revendique la reconnaissance des “victimes
oubliées” (les victimes
turques) [notons au passage le mépris exprimé par les guillemets] et discute
“l’implication du gouvernement turc de l’époque”. Par conséquent, il remet en
cause la crédibilité des nombreuses
preuves apportées, entre autre [sic : faute d’orthographe maintenue
ici] le télégramme de Talat Pacha qui
stipule l’extermination totale du peuple arménien au sein de l’Empire ottoman
[un faux
grossier, fabriqué sous la direction d’Aram Andonian, raciste déclaré,
membre du Parti Ramkavar, créé par le raciste aryaniste Boghos Nubar].
[…]
À la question
“Monsieur Veinstein, quel est votre prix ?”, accompagnée d’une pluie de
pièces de cinq centimes, l’orateur se cacha dans une autre pièce. »
Jean-Louis Debré, Ce que je ne pouvais pas dire, Paris, Robert Laffont, 2016, p. 100
:
« 28 février [2012]
Le Conseil
[constitutionnel], résistant aux pressions insistantes des associations
d'Arméniens, annule
les articles de la loi visant à réprimer toute contestation de l'existence des
génocides reconnus par la loi.
Cette décision me vaut les foudres de plusieurs parlementaires et nombre de
lettres d'injures. Je me suis toujours
opposé aux lois mémorielles et ce ne sont pas les menaces qui me feront
changer d'avis. L'idée me choque que le pouvoir politique puisse
prétendre imposer une lecture de l'Histoire, a fortiori qui ne concerne pas la
France directement, mais les relations entre des communautés ou peuples
étrangers. J'y vois une aberration qui aboutit de surcroît à porter atteinte à
la liberté de penser. Il n'est naturellement pas question d'admettre les thèmes
révisionnistes, ni d'oublier la
Shoah, ni de tolérer qu'on veuille en
nier l'existence. Mais est-il normal que la loi française doive se
prononcer sur des massacres qui se sont produits au XIXe siècle dans
l'Empire ottoman ?
C’est une caractéristique des régimes
totalitaires que de s'arroger le droit d'exercer un contrôle sur ceux qui
enseignent l'histoire. Rien n'est plus logique pour les
dictateurs ou représentants de régimes autoritaires que
l'instrumentalisation du passé. »
Arrêt
de la cour d’appel de Versailles, 8e chambre correctionnelle, 30
avril 2014, Çetin c. Der-Hagopian :
« DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant
publiquement a rendu l'arrêt suivant :
LES FAITS :
Emine ÇETIN, juriste au sein de la fédération des Turcs de France, a contribué
à l’organisation le 21 janvier 2012 d’une manifestation à Paris contre le
projet de loi présenté au Sénat visant à
la pénalisation de la négation des génocides. Elle était par ailleurs
connue pour représenter publiquement cette structure associative, et pour
s’être exprimée sur cette question, dans le cadre de ses activités militantes,
sur de nombreux médias.
Avant cette manifestation, puis pendant plusieurs jours, c'est-à-dire entre
le 21 janvier et le 26 janvier 2012, Madame ÇETIN a reçu sur son téléphone
portable de nombreux appels téléphoniques injurieux ou menaçants, en numéro
masqué, principalement le soir et jusque tard dans la nuit.
Les propos suivants ont
notamment été tenus : “Si tu tiens à la vie, ne manifeste pas, tu vas
payer pour ce que tu as fait, fasciste, sale pute” (21 janvier 2012) ; “Sale
pute de Turc, chienne fasciste”
(23 janvier 2012) ; “On va faire le ménage entre le bon et le mauvais Turc,
comme des salopes de ton espèce, et si tu t'y opposes, tu verras bien sale pute
de Turc” (24 janvier 2012).
La plaignante a précisé avoir perçu deux voix d’hommes, parlant correctement
le français.
Certains appels ont été reçus au milieu de la nuit, par exemple un appel de
21 minutes le 23 janvier 2012 à 0 heure 34, d’un homme lui disant travailler au
ministère de l’Intérieur, vouloir démanteler les associations turques, lui demandant
si elle tenait à la vie, et si elle n’avait pas peur de prendre la parole en
public. Cet homme lui a même proposé de se rendre à un rendez-vous à Alfortville,
proposition à laquelle elle n’a pas donné suite.
Les réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie mobile ont permis d'établir
que ces appels malveillants émanaient du numéro 06.17.61.43.73. La plaignante a
été contactée à 23 reprises par ce numéro sur la période en question, entre le
21 et le 25 janvier. Certains des appels de cette liste correspondaient
parfaitement, tant en ce qui concerne l’heure que la durée, aux appels relevés
par la plaignante.
Le titulaire de ce numéro est Gilles DER AGOPIAN, demeurant à Alfortville.
Il n'a pas déféré aux différentes convocations qui lui ont été adressées par
les policiers et il a fallu recourir à
la force publique pour l’interpeller et le placer en garde à vue. Gilles
DER AGOPIAN a reconnu être le titulaire de la ligne en question, mais a nié
être l’auteur des appels malveillants. Il a expliqué que ce téléphone était
réservé à un usage professionnel, mais était utilisé uniquement par lui-même,
éventuellement par sa mère, et par son frère Grégory DER AGOPIAN.
Ce dernier, interrogé à son tour, a reconnu qu’il utilisait effectivement cette
ligne téléphonique, mais il a nié également être l’auteur des appels malveillants.
Saisi des poursuites engagées par le ministère public, le tribunal correctionnel
de NANTERRE a statué par jugement réputé contradictoire du 27 novembre 2012
dans les termes rappelés en tête du présent arrêt. Le ministère public a relevé
appel de ce jugement le 4 décembre 2012.
La partie civile en a relevé appel le 5 décembre 2012.
Par arrêt du 7 novembre 2013, cour d’appel de Versailles a ordonné un
supplément d’information, qui a confirmé que Yakup GEZICI, co-organisateur de
la manifestation en sa qualité, à l’époque, de vice-président de la fédération
turque de Pantin, avait lui aussi reçu des appels téléphoniques menaçants dans
la même période, c’est-à-dire à partir du 21 janvier 2012, jusqu’au 26 janvier
2012.
Comme avec madame ÇETIN, son interlocuteur s’était présenté comme appartenant
au ministère de l’intérieur, avait voulu savoir qui finançait ces manifestations,
puis le ton avait changé : l’homme
l’avait menacé d’enlever sa femme et ses enfants et de les torturer.
Tous ces appels provenaient là encore d’un numéro caché. Monsieur GEZICI a
pu enregistrer en partie l’une de ces conversations, dans laquelle son interlocuteur
a prétendu se prénommer Grégory, et lui a donné rendez-vous chez AACE, 29 rue
Étienne Dolet à Alfortville pour “s’expliquer”.
Les policiers ont procédé à une retranscription et à une copie de cette communication
menaçante.
L’adresse indiquée par l’individu qui provoquait monsieur GEZICI, 29 rue Étienne
Dolet à Alfortville, correspond à l’adresse professionnelle de Grégory DER
AGOPIAN, où se situent les bureaux de sa société la SARLOURARTOO, entreprise de
services à la personne.
Par ailleurs l’exploitation des factures détaillées du numéro 06.17.61.43.73
appartenant à Gilles DER AGOPIAN et utilisé par celui-ci, a permis de localiser
l’auteur des 23 appels émis vers le numéro de madame ÇETIN et des 17 appels
émis vers le numéro de monsieur GEZICI. Pour l’ensemble de ces 40 appels, les
cellules activées se situaient dans le département du Val-d'Oise et plus
précisément pour 33 de ces appels au n°1 de l’allée Modigliani à Alfortville.
Or Gilles et Grégory DER AGOPIAN sont domiciliés au n°6 de cette même rue.
Devant la Cour,
La partie-civile a été entendue. Elle a exprimé son désir de ne plus risquer
d’être inquiétée et de pouvoir s’exprimer librement. Son conseil a demandé à la
cour de déclarer sa constitution de partie civile recevable et bien fondée. Il
a sollicité que soit ajoutée à la prévention la qualification de menaces de
mort sous condition. Soulignant le préjudice moral ainsi que les conséquences
importantes des faits sur la vie personnelle et professionnelle de madame
CETIN, il a demandé que les deux prévenus soient condamnés à lui verser 5000
euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral , ainsi que
2000 euros en application des dispositions de l’article 475-1 du code de
procédure pénale.
Le ministère public a demandé à la cour de déclarer les deux prévenus coupables
des infractions reprochées, de condamner Grégory DER AGOPIAN à la peine de six
mois d’emprisonnement avec sursis, et Gilles DER AGOPIAN, dont le rôle apparaît
un peu moindre, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis.
Les deux prévenus ont été
cités pour la présente audience en étude, et ils n’ont pas retiré la lettre
recommandée accompagnant leur citation. Il sera donc statué par défaut à leur
encontre.
[…]
Il s’agit d’atteintes
préméditées à la personne, dans un contexte visant à atteindre également la
liberté d’expression, par la peur et la menace, les prévenus se dissimulant de
surcroît derrière l’anonymat téléphonique. En raison de leur nature, de leur gravité, et de
leurs conséquences pour la victime, ces faits doivent être sanctionnés par une
peine d’emprisonnement. Celle-ci pourra néanmoins être assortie du sursis, les
deux prévenus n'ayant jamais été condamnés jusqu’ici.
Il convient de prononcer une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis
à l’encontre de Grégory DER AGOPIAN, dont les propos enregistrés sont les plus
virulents et les plus provocateurs, et de quatre mois d’emprisonnement avec
sursis à l’encontre de son frère Gilles DER AGOPIAN
II- Sur l’action civile :
Au vu des éléments du dossier ainsi que des conclusions et des explications
de la partie civile, la Cour estime fondées les demandes de Emine ÇETIN
concernant tant son préjudice moral que l’application de l’article 475-1 du
code de procédure pénale, et lui allouera les sommes sollicitées »
Eugene Volokh, « All the way down the slippery slope at Cal State
Northridge », The Washington Post, 16
décembre 2016 :
« Je n'arrête pas de penser à cette affaire épouvantable, survenue le mois
dernier à l'université d'État de Californie à Northridge (CSUN), où l’Armenian
Youth Federation [AYF, branche de jeunesse de la Fédération révolutionnaire
arménienne aux États-Unis, créée en 1933 par Garéguine
Nejdeh, le doctrinaire du nazisme à l’arménienne ; l’AYF a été en
pointe dans l’exaltation du terrorisme arménien des années 1970 et 1980] a crié contre un conférencier invité, l'historien militaire George Gawrych, titulaire. Le Cal State Northridge Sundial indique :
“L'universitaire George Gawrych n'a pas prononcé plus de cinq phrases lors
de la présentation de son livre sur l'officier de l'armée turque Mustafa Kemal
Atatürk, avant que les étudiants n'élevassent la voix en signe de protestation,
jeudi, à la bibliothèque Aronstam de Manzanita Hall.
Plus de vingt manifestants se sont levés de leur siège, ont tourné le dos à
Gawrych et ont scandé à plusieurs reprises “Turquie, coupable de génocide” et “négationniste
du génocide”.
Gawrych a attendu brièvement pendant que d'autres participants soutenaient
qu’il fallait le laisser parler, puis il s’est mis à marcher de long en large
dans l'allée en essayant d'amener les [manifestants] à lui faire face.
Deux policiers qui gardaient l'entrée ont escorté Gawrych, titulaire de la
chaire d'histoire militaire Boal Ewing de l'Université Baylor, hors de la
bibliothèque, au son rendu par les chants des manifestants.”
Owen Doonan, professeur à la CSUN, avait “invité Gawrych à parler pour le
programme d'études islamiques du Moyen-Orient”. Le livre de Gawrych, The Young Ataturk: From Ottoman Soldier to
Statesman of Turkey, a remporté le prix de la Society for Military History en
2014. Et pourtant, il s'avère que
même un universitaire invité avec des qualifications impressionnantes n'est pas
autorisé à prendre la parole au CSUN.
Comme je l'ai noté en novembre, naturellement, aucun orateur ne devrait subir
de tels cris, qu'il ait écrit un livre primé ou non — mais l’envergure du
travail de Gawrych ne fait que rappeler la gravité du mouvement visant à
supprimer la liberté d’expression dans les universités américaines. De temps en
temps, lorsque je défends cette liberté pour des étudiants dans les
universités, ou celle de professeurs en dehors de leur domaine d’expertise universitaire,
des gens m’objectent que la “liberté
académique” consiste à protéger les universitaires qui parlent aux
universitaires. Je ne pense pas que ce soit juste ; je pense qu'un débat ouvert
dans les universités, y compris un débat académique ouvert, nécessite de
protéger le discours qui n’est pas tenu par un expert ainsi que le discours
d'experts. Mais ici, je n’ai pas besoin d’en parler : ici, un chercheur de
premier plan dans son domaine a été visé par des hurlements.
Et, pour autant que je sache, cela a été fait sans aucune tentative de la
part de l’université de protéger la capacité du savant à parler, ou de punir
les étudiants qui criaient contre Gawrych. La sécurité de la CSUN était
présente et a fait sortir Gawrych de la conférence lorsque (selon ce qu’a dit
l’établissement en question) “une conférence du professeur George Gawrych en
visite a été annulée dans l'intérêt de la sécurité publique, lorsqu'il a été
déterminé que l'événement ne pouvait pas se poursuivre en raison d’une
manifestation.” Mais, pour autant que je sache, ils n’ont pas essayé d’expulser les manifestants. »
Lire aussi :
Les
violences commises par des manifestants arméniens à Paris et Los Angeles
(juillet 2020)
Franck
« Mourad » Papazian et l’apologie du terrorisme arménien
Un
nostalgique de l’ASALA menace de mort des journalistes français
Patrick
Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et
antiturc
Un
lieu de radicalisation terroriste à ciel ouvert : le forum d’armenews.com
Le
témoignage d’Avedis Simon Hacinliyan au procès de l’attentat d’Orly
Varoujan
Garbidjian : le boucher d’Orly devenu héros national de l’Arménie
Le
soutien du parti Hintchak au terrorisme de l’ASALA
Misak
Torlakian : du terrorisme de Némésis au renseignement du Troisième Reich
La
nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en
1915
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
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