mardi 1 octobre 2024

Les liens entre arménophilie et antisémitisme chez le vichyste George Montandon et dans sa revue « L’Ethnie française »

 


George Montandon, « Racisme et Juifs », L’Ethnie française, n° 7, janvier 1943, p. 6 :

« Il est arrivé à bien des groupements historiques, au cours des temps, de subir de éclipses. Ce fut le cas des Grecs, qui, pendant près d’un demi-millénaire, ont été sous la domination turque, c’est encore le cas du groupe ethnique des Arméniens, disloqué entre trois autres pays (Russie, Turquie êt Perse). Or, quelle fut l’attitude de ces peuples et de presque tous ceux qui se sont trouvés dans le même cas et avaient une vitalité suffisante pour ne pas disparaître ? Tout en continuant à entretenir ce qui faisait de chacun d’eux une entité propre, ils ont participé à la vie des nouvelles unités nationales au sein desquelles ils étaient englobés comme des femmes qui, soit légitimement, soit de fait, sont mariées à un homme. Ainsi, pour en revenir à un peuple dont il y a lieu de comparer le comportement, sur environ 3 millions d’Arméniens existants, il n’y en a pas beaucoup plus d’un demi-million qui soient dispersés sur le .globe, où ils ne constituent aucun danger social ou politique pour les pays qui les hébergent, tandis que 2 millions ½ d’entre eux restent enracinés sur l’étendue des trois pays dont fait partie l’Arménie, et que l’ethnie arménienne met avec persévérance ses dons et ses efforts au bénéfice presque exclusif du Proche-Orient et de leur terre d’origine.

En est-il de même des Juifs ? Il existe de 16 à 20 millions de Juifs de par le monde. Une statistique de 1937, portant sur l 6 millions d’individus, donnait la répartition suivante :

10 millions de Juifs en Europe,

5 millions en Amérique,

moins d’un million dans toute l’Asie,

et un demi-million en Afrique.

Si l’on compare les pourcentages, on constate que 96 % des Arméniens vivent dans les trois· pays dont est faite l’Arménie, et 50 % dans cette Arménie même, où la majorité sont laboureurs, tandis que les Juifs ont déserté leur pays pour s’incruster chez d’autres, puis qu’il n’y a que 5 % des Juifs dans l’Asie entière.

Le fait de se réclamer de nationalismes multiples comme le font les Juifs — sans oublier de trahir pour Sion, dès qu’il leur est possible — n’est comparable qu’à la ligne de conduite de la femme publique qui se donne à tous. La communauté juive vit sur le globe en état de prostitution ethnique. »




 

Georges Mauco (membre du Parti populaire français de Jacques Doriot, collaborationniste), « La situation démographique de la France », ibid., p. 15 :

« Dans un précédent article n° 6 de L’ETHNIE FRANÇAISE consacré à l’immigration étrangère en France, nous avons été amené à faire un exposé — qui a été jugé sévère — des inconvénients de l’immigration des réfugiés arméniens. C’est que nous n’avons établi qu’un bilan imposé par 20 ans d’expérience, et non une étude détaillée de la population arménienne en France.

Une telle étude ferait apparaître des exceptions heureuses, les qualités de certaines familles laborieuses, le courage de quelques Arméniens adaptés au travail manuel dans l’industrie et même dans l’agriculture.

Elle mettrait en valeur l’origine ethnique et la formation chrétienne des Arméniens qui facilitent l’assimilation ; l’existence d’une patrie à laquelle ils restent attachés et l’absence d’une activité politique internationale agissante. Toutes choses qui distinguent nettement les réfugiés arméniens des réfugiés et apatrides juifs. »

 

Valérie de Graffenried, « L’ethnologue devenu antisémite », Le Temps, 29 décembre 2014 :

« Dès 1938, il [George Montandon] entre en contact avec Louis-Ferdinand Céline [écrivain qui appelait à une alliance avec Hitler dès 1937, collaborationniste sous l’Occupation allemande], dont Bagatelles pour un massacre semble influencé par ses travaux. Dans Féerie pour une autre fois, l’écrivain dira de lui: “Il ne savait pas rire Montandon, il était gris de figure, de col, d’imperméable, de chaussures, tout… mais quel bel esprit ! Tout gris certes ! Pas une parole plus haute que l’autre ! Mais quelles précisions admirables !”

Montandon approuve les lois raciales italiennes relatives aux Juifs, va jusqu’à publier un article, dans une revue raciste italienne, intitulé L’Etnia putana. […]

En juillet 1940, on le retrouve comme directeur de la revue L’Ethnie française. Il publie notamment Comment reconnaître le Juif ?, dont 30 pages sont consacrées aux “traits du masque juif”, et contribue à l’organisation de l’exposition de Berlitz, “Le Juif et la France”. A partir de 1941, George Montandon est attaché au Commissariat général aux questions juives en qualité d’ethnologue. Il pratique des “visites raciales”, dont les conclusions sont adressées aux autorités de la police de Vichy.

Nommé en 1943 directeur de l’Institut d’études des questions juives et ethnoraciales, qui publie Le Cahier jaune, le Neuchâtelois fait notamment distribuer, aux étudiants de médecine, une traduction du Manuel d’eugénique et d’hérédité humaine du nazi Otmar von Verschuer. Et propose, dans Le Cahier jaune, de pratiquer une “opération défigurante pour les belles juives”. »

 

Marie-Anne Matard-Bonucci, L’Italie fasciste et la persécution des Juifs, Paris, Perrin, 2007, pp. 293-294 :

« Parmi les idéologues de l’Hexagone, le professeur Montandon bénéficia d’une certaine notoriété dans les milieux racistes italiens. La Difesa della razza [revue doctrinaire du racisme fasciste, à laquelle contribuait l’arménophile Carlo Barduzzi] avait joué un rôle important dans sa promotion. C’est à la revue italienne qu’il livra la primeur de ses cogitations sur “l’ethnie putain”, l’intégration des Juifs au sein des nations étant assimilable à une “forme de prostitution”. Fier de ce qu’il considérait comme une innovation “conceptuelle”, sa publication en avant-première dans La Difesa della Razza avait contribué à sa diffusion, le concept étant depuis lors, pouvait-on lire, “couramment accepté” : la légitimation fonctionnaire à double sens. »

 

Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Librairie générale française, « Le livre de poche », 2004, p. 138 :

« [Xavier] Vallat [qui dirigeait alors le Commissariat général aux Questions juives, C.G.Q.J.] demanda au Dr George Montandon, ethnologue suisse raciste, charlatan, de faire partie de ses services. Montandon semble être resté plutôt isolé dans le C.G.Q.J. de Vallat, mais avec lui entraient les formes les plus sommaires de la phrénologie et des mensurations crâniennes. »


Précisons pour finir que Marc Knobel, l’un des défenseurs les plus fanatiques du nationalisme arménien dans la France contemporaine, est l’auteur d’une étude sur Montandon, publiée en 1988 (le seul travail de M. Knobel qui soit paru dans une revue à comité de lecture). Il est donc impossible qu’il soit passé à côté des textes ci-dessus, ou de l’article de R. Khérumian (lié au vichyste arménophile André Faillet) paru dans L’Ethnie française de janvier 1943. Or, quand on lui parle de l’antisémitisme du nationalisme arménien, M. Knobel choisit le déni grossier.

 

Lire aussi :

L’arménophilie du régime de Vichy

De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

Paul Chack : d’un conservatisme républicain, philosémite et turcophile à une extrême droite collaborationniste, antisémite, turcophobe et arménophile

L’arménophilie-turcophobie du pétainiste Henry Bordeaux

Camille Mauclair : tournant réactionnaire, antisémitisme, turcophobie, soutien à la cause arménienne, vichysme

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

Maurice Barrès : de l’antisémite arménophile au philosémite turcophile

 

Sur d’autres pays :

L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

L’arménophilie fasciste de Lauro Mainardi

La précocité du rapprochement entre la Fédération révolutionnaire arménienne et l’Italie fasciste (1922-1928)

La collaboration de la Fédération révolutionnaire arménienne avec le Troisième Reich

Paul Rohrbach : militant arménophile, référence du nationalisme arménien, théoricien de l’extermination des Hereros et inspirateur d’Hitler

L’arménophilie d’Alfred Rosenberg, inspirateur et ministre d’Hitler

L’arménophilie nazie de Johann von Leers

Le Hossank, l’autre parti nazi arménien

L’arménophilie du nazi norvégien Vidkun Quisling

Arthur Tchérep-Spiridovitch : arménophile militant, antisémite professionnel, raciste aryaniste et inspirateur du nazisme

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